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30/09/2014

A quand une levée des voiles ?

voiles-classiques-26784-248131.jpgBon Google ne saurait mentir. Quand on tape "voile" dans Google images, ce sont des milliers de bateaux qui sortent au grand large. Pas un tissu sur la tête de certaines femmes qui menaceraient (le tissu mais aussi les femmes, d'où le pluriel) la République. Et je me range à l'avis de l'aglorithme aveugle. Non mais. Aujourd'hui, on en parle un peu moins et j'espère qu'il en sera durablement ainsi, même si une scène vécue récemment me rappelle notre incroyable déphasage sur ce sujet. Notre imbécile phobie.

Entendons-nous bien, comme quasi tous les Français, et je le crois comme l'immense majorité des musulmans de France, le voile intégral me glace les sangs. J'ai croisé nombre de femmes ainsi vêtues cet été en Turquie, qu'on ne vienne pas me dire qu'elles ne sont pas emprisonnées. Par leur mari, leurs croyances ce que vous voulez, mais enfermées. Bref, je ne parle pas de cela, mais d'un foulard.

La semaine dernière, donc. Remise des diplômes de l'école où j'enseigne fièrement, l'ECS. Les majors de leurs promos ont droit, outre un bouquet de fleurs, à quelques minutes d'éternité autour d'un discours. Les premiers speechs se passent en souplesse. Et puis survint une jeune fille qui hésite à se délester de ses fleurs et plus encore à aller parler. Animant la soirée, je lui rappelle poliment que l'heure tourne et qu'il va falloir y aller. Sur scène, la jeune fille s'approche du pupitre. Devant elle, 800 personnes la contemplent et elle doit penser que 1600 yeux contemplent son foulard. J'aperçois ses mains qui tremblent fort. Alors, elle s'arrime au pupitre et commence son discours d'une voix heurtée mais qui ne s'arrête pas, tremblante et déterminée. Son récit est proprement effarant. Des écoles ont fermé leurs portes. Pas nous (cocorico, sans blague, suis fier). Des recruteurs ont fermé leurs portes. Beaucoup même. Un responsable d'une agence dont nous tairons le nom pour ne pas faire de pub à Publicis, lui dit "qu'elle aurait plus de chances de faire carrière en étant transexuel" et effectivement l'un(e) des nouveaux grand(e) dirigeant(e)s de l'Oréal est trans. Bon... 

Alors, elle a encaissé et bossé. Sa place de major ne doit rien au hasard, elle était une excellente élève; bûcheuse, obstinée et inventive. Pourtant, au sortir de l'école elle comprit bien vite qu'elle ne trouverait pas de boulot. Dans 9 cas sur 10, ces candidats ci hésitent entre trois scénarii : la désespérance et la résignation / la révolte et la colère / ou l'exil. Je ne sais où elle a trouvé la force d'être la dixième, celle qui monte son agence et trouve des clients. Chapeau (ha ha) jeune fille. Mais putain que la République est mauvaise mère pour ce genre d'enfants... En 2012, il avait pourtant promis qu'il mettrait fin aux discriminations. Non pas parce que c'est moralement inacceptable, mais bien parce que c'est une aberration économique. Même sur ce sujet qui ne coûte pas grand chose et peut tellement rapporter, il ne se bouge pas. Sadness....

28/09/2014

La préférence pour l'inégalité

imgres.jpgLivre après livre, Dubet construit une oeuvre conséquente et d'autorité sur les questions éducatives, inégalitaires et discriminatoires. Ce dernier opus est aussi bref qu'efficace. Un vrai direct de gauche qui percute très fort le débat public. Là, son ambition n'est pas mince et son préambule frappe d'emblée : "aujourd'hui, les militants des tea parties qui refusent l'assurance santé universelle ne sont pas l'émanation de Wall Street. En voulant retirer les protections sociales aux Français qui leur semblent un peu moins français que les autres, les électeurs du FN ne sont pas d'avantage les porte voix de la finance internationale".

En quelques pages, chiffres implacables à l'appui, Dubet montre comment la solidarité s'est évanouie, dissolue, disparue. Rien de plus intransigeant et non solidaire que les plus désargentés de nos compatriotes. Et aucun dirigeant successif n'a voulu atténuer cette triste pente. Sur la question du fameux "vivre ensemble" (je déteste l'expression, mais a le mérite d'être parlante), Dubet rappelle la très forte contradiction du quinquennat Sarkozy qui d'une main se faisait l'apôtre de la discrimination positive et de l'autre, lançait un débat identitaire visant manifestement à reléguer certains Français dans une condition subalterne. Hollande, élu en partie sur cette promesse de lutter contre les discriminations et rétablir l'égalité pour ceux qui sont victimes d'une injustice liée à leur identité, a déçu. Plus que ça, il n'a rien fait, comme s'il confirmait que la République s'en fout définitivement. Dubet rappelle également que les mécanismes sociaux français sont redistributifs mais à bout de souffle : avec 57% de la dépense publique consacrés à redistribuer, nous atténuons fortement les inégalités sociales, mais de façon beaucoup moins efficace que les nordiques qui font mieux avec moins, et il n'est pas envisageable d'aller au-delà, il va donc falloir faire autrement. 

Face à cela, Dubet n'est pas pessimiste, au contraire. Pour lui, retourner les choses est encore envisageable à condition de ne pas attendre de miracle du politique autre que d'inverser notre devise. Ca n'a l'air de rien, bouleverser l'ordre de notre triptyque républicain, mais à y bien réfléchir, cela modifierait les choses et s'adapte mieux au projet de la France du XXIème siècle. Remettre la fraternité avant l'égalité et enfin les libertés. Le rôle de l'Etat doit être de diffuser une nouvelle culture de l'égalité où chacun se sente responsable des inégalités, des écarts, prête attention à l'autre. Faire la Sociale avant d'attendre qu'elle n'advienne, en somme. 

22/09/2014

La mort du clivage, ce grand rêve de droite

7huP7flNKkUK9-qDBC-drkneuek.png"Le clivage gauche droite est éliminé comme un vieux tapis qui aurait trois siècles". Hier soir, Nicolas Sarkozy a enfoncé un clou de plus dans le cercueil favori de la droite : la mort du clivage droite/gauche. Ce matin, Raffarin appuie les propos du boss en arguant qu'il y a un clivage plus pertinent entre Français de la ville et Français des campagnes. J'imagine qu'on aura bientôt celle des familles et des valeurs contre celle des individualistes ; celle des personnes animées par le respect, l'amour de la patrie, contre les internationalistes fondamentalistes... Bref, on caricature à l'excès ceux qui croient en un idéal de gauche, on les moque à outrance et on tente de rattraper par la manche les modérés.

L'ennuyeux, c'est que Manuel Valls fait le même calcul avec les modérés de droite. Il leur clame "je ne suis pas de gauche, je suis pragmatique" (difficile de lui donner tort. Il est pas de gauche...). En somme, les leaders des deux camps historiques se pressent pour attraper tous les modérés, persuadés que leurs bases resteront. Le problème, c'est qu'elles filent. Beaucoup à l'extrême droite, un peu dans le magma dissolu de la gauche du PS, mais surtout énormément vers l'apéro. Marre. Marre de gens qui n'assument plus leur politique. Pourquoi s'intéresser à ce truc si vous êtes d'accord sur tout ? Quelle idée plus nauséabonde pour la démocratie que la mort du clivage droite/gauche ? Elle entérine le complot, le tous pourris, le tous complices, le "ils n'oeuvrent que pour eux ; le 1%". Elle consacre l'UMPS, cette idée folle...

Je n'aime pas le "ça fait le jeu du Front National", mais ça, le fait franchement... Que la droite retrouve ses racines, elles ne sont pas honteuses, non ? Et pour l'aider, l'urgence est que la gauche redevienne de gauche, qu'elle se rappelle que son histoire est fondée sur la ligne de fracture entre dominants et dominés : qu'a-t-elle fait pour les dominés depuis deux ans et demi ? A t'elle tenter de contenir les inégalités grandissantes ? S'est-elle attaquée à la rente, aux profits galopants de l'argent dormant ? A-t-elle agi pour que les noms formés, les illettrés, puissent accéder au savoir plutôt que de permettre aux bobos de se reconvertir ? Il faut penser contre nous mêmes, bobos ou technos aux manettes, et retrouver la réalité des dominés pour agir. Sinon, il ne sert à rien de prétendre incarner l'intérêt général... Voilà les questions à se poser avec lucidité et tenter de donner un grand coup de barre à gauche pour les deux années à venir...