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31/12/2014

La stratégie Soulages

triptyque2.jpgCa dépasse sans doute l'entendement, mais Hollande est bien en train de se placer dans une posture de réélection pour 2017. Sans rien changer à son bilan, le dévoiement complet de son programme de 2012, sans avoir à se lancer dans des changements radicaux. Mais en changeant de ton. Fini l'optimiste béat, le souriant crétin aux vents mauvais de la conjoncture internationale. Place au charbonnier, à l'homme en noir qui arbitre sans cesse en faveur du camp libéral, à l'homme qui peignait tout en noir. Hollande c'est Soulages, le talent et la lumière en moins. 

Les ficelles sont grosses, mais fonctionnent sans heurts. Valls distribue encore plus de mauvais points, avec son interview à El Mundo où il n'avance ni une, ni deux, mais bien 3 années de sacrifices. On dépasse ainsi le cap de 2017, circulez y a rien à voir, ça va continuer à être la mouise, mais faites nous confiance. Sur le front de l'emploi, on oublie ainsi cette histoire de ne pas se représenter en cas de non inversion de la courbe du chômage. On lui ressortira à l'envi lors de la campagne 2017, mais il assumera et dramatisera en jouant la tempête à laquelle il fait face avec courage et dans laquelle il ne faut pas tergiverser, ne pas réagir aux oscillations sondagières.

Au final, quand on regarde ce que fait ce gouvernement, loi par loi, texte par texte, depuis 2012, il faut vraiment chercher dans les rogatons législatifs pour trouver une trace de gauche. La loi ALUR sur le logement a été fracassé pour complaire à la FNAIM, la priorité éducative a été diminué de moitié et la santé continue gentiment d'être détricoté. A côté de cela, la dérégulation à tous crins et les cadeaux sur les cotisations patronales atteignent des sommets. Difficile, en somme, de défendre quoi que ce soit devant des électeurs informés. Et pourtant, ils le font avec constance. On parle de foi du charbonnier, eux ont la leur de noircisseurs en chef qui ne perdent même plus de temps à défendre leur texte, ils n'ont plus qu'à exhiber leur peine comme certificat de leur bonne volonté. On ne tire pas sur des ambulances semblent dire les sondages qui voient l'exécutif remonter. Je me demande si ça ne vaudrait pas le coup de réécrire un peu la convention de Genève, pour le coup... 

29/12/2014

L'impatience inégalitaire

1908165_897593610274852_3637718509257589815_n.jpgDans son introduction à Accélération, Harmut Rosa insiste sur le fait que le temps reste trop absent des études en sciences sociales. En matière économique, on ne peut que lui donner raison. Il y a 30 ans, la durée moyenne de détention d'un titre du CAC 40 était de 7 ans. Aujourd'hui, 3 mois. Autant dire que les nouveaux grands argentiers investissent leur argent avec la pleine conscience visuelle dont on dispose à Colin-Maillard.  

Sur la photo à gauche, on voit le nombre de département français qui sont plus pauvres que les grandes familles françaises. Proprement révoltants. Pour autant, pour autant, pour autant. L'Oréal a prospéré pendant plusieurs générations (et sous l'occupation avec un zèle certain) idem pour Auchan et Hermès déploie ses savoir faire depuis le XIXème siècle. On peut mettre LVMH à part, eux étant vraiment les pires : gavés de subventions publiques, sauvés par Fabius 1er ministre, Bernard Arnault est devenu la fortune mondiale qu'il est grâce aux politiques et il les remercie en plaçant son testament sur une fondation néérlandaise pour échapper à l'impôt sur les successions. Vomissons...

Ces inégalités doivent demeurer évidemment ce que nous condamnons, nous controns, ce à quoi nous nous opposons. Certes. Mais dans un capitalisme de comparaison où chacun regarde combien à l'autre sans voir combien de temps il a mis pour y arriver, combien d'emplois il crée et quelle est son utilité sociale, il faut voir que bien pire nous arrive avec le capitalisme ultra impatient. Les 4 groupes cités dans la photo crée de l'emploi, surtout Auchan, et ont une utilité sociale plus ou moins grande. Dans les nouvelles pépites françaises, on cite souvent Critéo. 800 emplois en 10 ans. Soit 4 fois moins que Paprec, spécialiste du recyclage des déchets, dont on parle beaucoup moins. Car Critéo c'est la création de 2 milliards en 10 ans. 2 milliards pour qui ? Mauvaise question nous rétorquera t'on. Ha. Bon, donc zéro partage de valeur crée. Bon... Retournons donc vers l'utilité sociale de ce truc : il s'agit d'un harpon à pub sur Internet. En gros, vous cherchez une paire de pompes, vous allez vérifier votre compte en banque et réaliser que ça n'est pas raisonnable et retournez sur lequipe.fr, votre mail ou lemonde.fr et bim, la pub des chaussures apparaît. Utilité sociale non pas zéro, mais bien archi négative. Et c'est ça que vante Gattaz et consorts. Je dis juste ça pour pas se tromper de cible lors de la prochaine...

26/12/2014

Democratie.com

767-democratie2.jpg"Le fait qu'un paysan puisse accéder au trône ne rend pas le royaume plus démocratique", prédisait avec justice le président américain Woodrow Wilson. Tombé sur cette citation m'emplit de joie : j'ai la meilleure explication à l'inanité de tous les radios crochets télévisés prétendant donner une chance aux talents musicaux.

Et c'était il y a un siècle. Mis à jour par l'auteure (canadienne) de cet essai qui est un vrai pavé dans la mare et une vraie gifle, ça donne ça : "Loin de résoudre les contradictions entre art et commerce, les technologies des réseaux rendent la marchandisation à la fois moins visible et plus omniprésente. Au lieu de combler le fossé qui sépare les succès et les flops, les vedettes et le commun des mortels, internet l'élargit en érodant l'espace intermédiaire entre le très populaire et le pratiquement inconnu. Et dans cette économie du web où les plus fort raflent la mise, rien ne garantit que les rares personnes qui auront la chance de réussir se démarqueront d'avantage par leur diversité, leur authenticité et leur respectabilité que celles qui prospéraient dans l'ancien système".  

Voulant faire un compte rendu plus étoffé de l'oeuvre, je reprends le livre et soupire devant la tâche : j'ai corné des dizaines de pages (je stabilote pas), le livre regorge de passages éclairants. Lisez le, achetez le, on a besoin de cette collection "Futur proche" de décryptage fin de l'économie et des bouleversements actuels. Je reprends tout de même le sommaire, car il dit tout. Le premier chapitre est donc sur "le royaume du paysan" où elle montre magistralement comment le caractère éminement démocratique d'internet est une baudruche. Certes, des inconnus peuvent, en théorie, percer, mais chiffres à l'appui, on voit une mainmise écrasante des majors de plus en plus forte avec les années. Elles ont été déstabilisées quelques années avec l'émergence d'Internet et se sont adaptées pour donner l'illusion de l'ouverture, mais verrouillent tout.

Chapitre 2, mon favori, "amour ou argent", où l'auteur fracasse Chris Anderson et sa théorie de la gratuité en montrant comment la nouvelle économie de la culture se fonde sur le désir de reconnaissance et de visibilité des Hommes, qui les pousse à accepter de bosser gratuitement au départ, pour exister. Un départ qui peut durer longtemps, favorisant ainsi ceux qui peuvent, les plus privilégiés de naissance, donc. Pour les autres, il faut renoncer ou se compromettre dans des systèmes "à clics" un peu putassier. C'est aussi la critique la plus juste, mais la plus violente, que j'ai lu sur les attaques faites au droit d'auteur.

Chapitre 3, "ce que les gens veulent", cruelle mais juste critique de la dictature de l'audience. On insiste pas, c'est connu, mais bien développé ici.

Chapitre 4, des inégalités persistantes. Idem, sauf que l'auteure a le courage de fracasser les nouveaux gourous de la gratuité qui vous rendent du rêve de l'internet égalitaire. Elle souligne les batailles à l'oeuvre aujourd'hui pour créer un Internet des riches et des pauvres selon ce qu'on payera pour avoir accès. Freaky...

Chapitre 5, "un soutien mutuel" & 6 "établir une limite" où l'auteure pousse ses pistes. Ni technophile, ni technophobe, elle repose des limites plus pertinentes entre privé et public en montrant qu'il faut les puissances publiques réinvestissent le débat pour recréer des communs, de l'universel. Merci.