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08/06/2015

Quand le temps très long rencontre le très court, que reste-t-il ?

t1larg.belgium.train_.crash_.2.afp_.getty_.jpgC'est un article d'une pleine page qui m'a vraiment alerté. Une grande "enquête" que la mindfullness, où "pleine conscience" nouvelle technique méditative et introspective en vogue actuellement. Je fus frappé par le manque de discernement coupable de l'auteure qui, sous une posture goguenarde, masque mal son incapacité à traiter d'un tel sujet. Et pour cause.

Cette lame de fond, ce succès public très fort pour la contemplation de son âme, vient d'émerger il y a trois ans à peine. On apprend que l'application de Psychologies Magazine figure dans le top 20 des plus populaires, que nombre d'entreprises pensent à offrir des séminaires à leurs salariés et que l'enthousiasme déborde pour cette technique visant à faire le vide, à oublier les futilités qui encombrent notre quotidien et à nous recentrer sur l'essentiel, une chose à la fois et notre moi profond. Bon. Et l'auteure de s'interroger sur les raisons de ce succès uniquement. Je ne retirerai pas une ligne de sa démonstration : climat anxiogène, accélération des tâches et des demandes professionnelles, difficulté à se concentrer et à s'abstraire du temps court... Tout, dans le contexte actuel, pousse à une aspiration à plus de profondeur, selon un phénomène bien connu de contre poussée. La vogue trop éphémère du fast food à donner naissance à la slow food, les voyage éclairs donnent des envies de temps long et les chaînes d'info en continu expliquent sans doute le succès du retour au papier. Sauf que sur ce dernier sujet, on a un peu de recul, et des chiffres. Les ventes du trimestriel XXI peuvent constituer un indicateur si ce n'est fiable du moins lisible, du rejet du court termisme ou de l'aspiration au décryptage selon que l'on est critique ou constructeur. Pour la mindfullness, en revanche, le doute est là. Et c'est bien emmerdant car on parle plus que de consommation, d'un mode de vie. Ceux qui se sont mis à la consommation de nourriture bio ont des chances de s'y tenir, de continuer à faire leurs smoothies et autres. L'exigence n'est pas très élevée et peu de facteurs pourraient vous détourner de ce changement. Pour la méditation, en revanche, on parle d'un changement de vie. Or, on sait qu'il en va pour cela comme des bonnes résolutions du jour de l'an : au 1er de l'an, tout le monde mange une soupe et va courir (plus souvent le 2 janvier) ou à la salle de sport. Et à la fin du mois, l'armée de bonne volonté a fondu et doit battre en retraite devant la puissance des légions du quotidien. 

Quand on voit ce qui est demandé à ceux qui voudraient vraiment, sincèrement, changer leur approche existentielle et se mettre à méditer tous les jours, soupeser leurs décisions auprès de leurs proches, leurs collègues, leur partenaire de vie, on réalise que c'est un travail sur soi colossal. Il y aura forcément une perte considérable entre ceux qui viennent pour voir et ceux qui y sont encore six mois. De cela, l'article ne dit pas un mot. Parce que ça n'est pas vendeur ? On n'en même plus là. Le flux d'information chassant l'autre, les prochaines tendances succédant à la mindfullness seront dépeintes avec le même enthousiasme, voir avec des comparaisons chiffrées, en oubliant que la précédente technique ne s'évaluait qu'à l'échelle d'une vie et que l'on ne saurait donc faire de bilan après quelques années. Ce genre de papier de plus en plus fréquent illustre le mal qu'on les quotidiens à traiter des sujets de revues. Il ferait mieux de laisser ces pages à du décryptage factuel, ou des portraits, ou des chroniques, toutes sorte de papier que le lendemain ne risque pas de contredire. 

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