29/07/2015
Et nos yeux de plomb nous empêchent de danser
Evidemment, gare à l'essentialisme pour ce qui va suivre. "Les français", "les brésiliens", des entités abstraites et sans existence culturelle commune décrétée unique. Mais tout de même. Arrivés depuis 3 jours au Brésil, nous avons déjà eu le temps d'assister à une batucada et deux concerts suffisamment longs et conséquents pour en tirer quelques enseignements et nourrir une certaine jalousie par rapport au rapport des brésiliens à la fête. Tant qu'à assumer le risque d'une dérive essentialiste, je joins un bon gros cliché du carnaval au Brésil qui n'a rien à voir avec ce que nous avons écouté.
Ce que je jalouse n'est pas tant le talent des musiciens brésiliens (il y avait, le second soir un soliste français largement aussi virtuose que les autres) mais la réception de la musique par le public. Déjà l'assistance. Quand certains claironnent leur aspiration à une France plus diverses mais doivent souvent se résoudre à d'improbables castings pour y arriver, eux l'obtiennent, de fait. Les orchestres sont métissés. Dans tous les sens ; différences de couleur de peau, ce à quoi tout le monde pense, mais plus frappant, différence d'âge et un je ne sais quoi dans les accoutrements et autre maintien qui laissent entendre qu'ils ne se sont pas rencontrés dans des clubs de quartiers. Cette diversité se retrouve dans la salle. Je le dis sans angélisme, je sais bien qu'hormis le carnaval, le mélange social n'est pas absolu. Hier, nous étions au Rio Scenarium scène mythique, où l'entrée coûte 30 RS (environ 8 euros) ce qui est évidemment inabordable pour les habitants des Favelas. Pour autant, l'assistance vous frappait par sa diversité. Des très jeunes, des septuagénaires ou octogénaires dansaient et chantaient ensemble dans une incroyable communion musicale. La danse reste tout aussi érotique que partout dans le monde, pour autant les rapports de séduction ne plombent pas tout, n'inhibe pas les danseurs et danseuses comme en France. E ressortant, lessivés, de 3h de concert de Nicolas Krassik et son orchestre je nourrissais une certaine jalousie pour ce peuple capable d'applaudir à tout rompre un mec qui dansait avec un travesti et ne voir que leur virtuosité rythmique, sans le côté film d'Almodovar.
En France, les pistes de danse sont des rings de boxe. On y affronte des gens de sa catégorie : d'âge, social, de branchitude et exécrons la compagnie de nos non semblable. Nos regards de plombs nous empêche de danser et tout est fait pour dégager une homogénéité parfaite sur les pistes. Les blancs et les autres ne vont pas dans les mêmes boîtes. Les jeunes de vingt ans ne fréquentent pas les établissements de ceux de 40 (alors 70...) et tout le monde attend d'être fin bourrés pour pouvoir enfin, danser sans craindre le regard des autres.
Je ne dis pas que les brésiliens incarnent la fraternité absolue, j'ai vaguement souvenir d'émeutes sociales ultra violentes ayant traversé le pays à l'occasion de la coupe du monde. Mais ils partent avec des inégalités sociales séculaires bien plus fortes que nous. Ne nous arrêtons pas à cela car l'héritage économique du pays n'est pas le nôtre. Il nous montre tout de même le chemin à suivre pour être indifférent aux différences. On ferait bien de les imiter.
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