Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

27/12/2015

L'empire des 140 signes

twitter_400x400.pngHier, à Chaillot, je suis allé voir une pièce que j'ai trouvé consternante aberrante, navrante. Lors d'un énième solo de danseur hypervitaminé, j'ai soupiré et je me suis fait peur en réalisant que si je devais faire une critique en quelques mots de cette création, j'aurais eu la tonalité de Finkielkraut, alors même que j'étais loin, très loin, de penser cela, dans le fond. Mais pour que cela rentre en 140 signes, il fallait réduire la critique à cela : Roots, spectacle de danse hip hop à Chaillot, pas d'émotion, esthétique de clip pour parfum... #Failure

La colère est mauvaise conseillère, mais elle est mauvaise critique aussi. En écrivant cela, j'aurais été foncièrement injuste car, dans ce même spectacle, je fus sincèrement et profondément époustouflé par la performance scénique des danseurs. La façon qu'ils avaient de tordre leur corps, la toupie finale, quelques solos était réellement hallucinants. Simplement, j'estime qu'il n'y avait aucune émotion, aucune incarnation, une esthétique en carton pâte et pour tout dire quelque chose qui ressemble à une pub pour un parfum Diesel. Si l'on reste sur cette comparaison, on voit bien que la critique n'est pas si infamante qu'en 140 signes. Les pubs pour Diesel ont des millions de thuriféraires, ça n'est pas mon goût, mon univers, mes références, mais l'on ne peut ôter une scénarisation et une efficacité certaine. On peut aimer les deux, d'ailleurs. Mais perso, je suis touché par la grâce des patineurs russes quand Holiday on Ice avec les saltos de Candeloro me laissent de marbre, passés quelques secondes de folklore. 

J'ai vu passer sur les réseaux sociaux nombre de gens qui ont adoré ce spectacle, The Roots. Si je leur dis "j'ai détesté", la discussion est close. Si j'ai le temps de leur dire, "les types sont athlétiquement parfaits, mais ce que j'ai vu m'a déçu en termes d'émotion dégagée, or, je viens au spectacle pour ressentir quelque chose, pas pour être épaté. Aussi, j'aurais préféré que ce spectacle passe à l'Accor Arena plutôt qu'à Chaillot, tu vois ? Et c'est pas la danse hip hop, hein, qui a toute sa place à Chaillot, mais ce spectacle qui était trop plein de testostérone, mais pas assez plein d'histoires", je suis sûr que la discussion se serait poursuivie. Non que nous serions mis d'accord, mais nous aurions pu échanger. C'est un peu cela, le miracle de la pensée complexe, la seule qui peut avoir une chance de nous relever collectivement.

Alors attention pour ce qui va suivre, je ne dis pas que le FN triomphe grâce à Twitter, je dis que culturellement, leurs messages sont mieux adaptés à la transmission courte, simple, facile, comme toute radicalité extrême. "Foutez les dehors", "3 millions de chômeurs = 3 millions d'immigrés" ça passe en 140 signes. Et nous n'avons pas de réponses à cela. Quand Marion Maréchal le Pen résume tout l'art contemporain à "deux points rouges sur une toile blanche dont certains bobos ont décidé que c'était de l'art" elle est là-dedans. Elle est dans les 140 signes. Hier, quelques barbares corses interrogés sur leur ratonade qui nous renvoi un demi-siècle en arrière, le brillant assaillant résume leur croisade ainsi "75% des détenus sont musulmans, donc on fait de la prévention", il est aussi dedans.

Saisir la modernité c'est sympathique et nécessaire, pour faire passer des messages, communiquer, divertir, ouvrir des portes. Mais sur la bataille culturelle, chercher à s'opposer en 140 signes comporte des dangers dont l'on doit être conscient : ne pas rentrer en frontal, chercher à approfondir. Le #Sisepuede de Podemos vous emmène dans un univers parallèle et complexe avec des émissions longues où les membres de Podemos détaillent leur vision de société au-delà du slogan. Nous sommes restés sur "mon ennemi c'est la finance" sans entrer dans le monde de la complexité où Hollande détaillait sa vision financo sceptique. 3 ans après nous voyons le résultat. Ne soyons plus dupes des 140 signes sur les lendemains qui chantent.... 

Commentaires

"Alors attention pour ce qui va suivre, je ne dis pas que le FN triomphe grâce à Twitter, je dis que culturellement, leurs messages sont mieux adaptés à la transmission courte, simple, facile, comme toute radicalité extrême"

Le FN à la pointe de la modernité ! on sent qu'il fascine
Castor ...

Écrit par : Bernard Kouchtard | 29/03/2016

Les commentaires sont fermés.