29/01/2016
Posture, imposture
Nos amis italiens ont décidément raison avec leur "traduttore, traditore", c'est complexe à rendre dans d'autres langages, ma foi. Mais bon, la référence titresque n'était pas mon propos. Ce matin, en digérant les analyses politiques liées au départ de Christiane Taubira, un mot revient avec force qui m'exaspère : "posture". Ce mot fourre tout pour analyste creux sert à mettre dans un même moule des militants, des soutiens, des élus, une myriade de personnalités différentes qui, pour des raisons extrêmement variées, regrettent le départ de l'ancienne Garde des Sceaux. Pour des raisons de fond, peu importe -pour l'heure - qu'elles soient bonnes ou mauvaises, on nous explique qu'il y aurait des "postures" sur les questions de déchéances de nationalité. Interdiction d'avoir des convictions sur le sujet, vous ne quittez pas un camp ou un gouvernement pour si peu. Ca n'est qu'une "posture". Pour le chercheur en science politique, les résultats par occurence dans les discours du mot "posture" doivent être vertigineux. Des milliers d'accusations en posture, l'argument final, le reductio ad posturum....
Hier, un ami élu socialiste, loyal en diable, me confiait ne plus en pouvoir de l'exécutif actuel. Une posture ? Certes non. Mettons nous juste dans les bottes de quelqu'un qui a fait la campagne de 2012, a vibré au son du Bourget et des 60 engagements. Nous voici 40 mois plus tard. La plus grande décision financière du quinquennat, le Pacte de Responsabilité, ou Compétitivité, bref, le Pacte de 41 milliards d'euros de réduction de charges et par ricochet d'étranglement des collectivités locales, ne figurait pas dans le programme. Cette mesure dont on peut penser ce qu'on veut en termes de "réalisme économique" et autres néologismes pour désigner la doxa libérale, mais nul ne peut nier qu'il s'agit d'une mesure résolument pro business, qui bénéficie majoritairement aux grosses boîtes. Idem pour le CICE. Des dégrèvements d'impôts colossaux non prévus et absolument dépourvus de résultats en matière de création d'emplois.... Ca fait beaucoup et c'est à cause de ces mesures que les frondeurs s'étaient rassemblés. Les commentateurs avaient parlé de "posture". Comment peut-on traiter à ce point par le mépris, avec une telle légèreté d'analyse, une ligne politique qui dit juste "je n'ai pas voté pour ça". On ne parle pas de décisions marginales, mais bien du coeur du programme économique du quinquennat. Idem pour la loi Macron et autres décisions qui ont été prises par la suite sans avoir jamais été anticipé. Un mix grandeur nature d'amateurisme total (les chiffrages fait et défaits au fil des mois) et de conversion béate au néolibéralisme qui a de quoi chagriné un élu de bonne foi au-delà de la posture. C'est un peu comme si vous votiez Bernie Sanders et vous retrouviez avec le programme d'Hillary Clinton. Vous seriez un peu chafouin et auriez des raisons de l'être. Dit ainsi, qui oserait opposer à ceux qui regrettent ce matin le départ de Christiane Taubira d'être dans la "posture" ?
Je crains que ça ne soit plus le cynisme que l'inculture qui explique cela. Elkabach, Mazerolle et Bourdin ou Apathie (vive la parité...) connaissent leur histoire politique et savent bien les différences de courant. Mais comme ils dînent avec tous, ils n'arrivent plus à distinguer cela, ça ne les amuse plus. Ils trouvent beaucoup plus drôle de les interroger sur des différents de personne. Ca c'est rigolo... Au fond, on ne le dira jamais assez mais notre débat public souffre aussi beaucoup de ce que le cynisme de ses observateurs égale voir excède celui des acteurs. Et leur renouvellement inexistant explique mieux que de long discours, notre défiance persistante...
09:13 | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
." Ce matin, en digérant les analyses politiques liées au départ de Christiane Taubira"
3 mois déjà ! si elle est en vacances , je peux vous certifier que ce n'est pas à Brest où l'incognito n'a pas cours ..
Écrit par : Barbara | 29/03/2016
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