Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

28/02/2016

Diversité partout, justice sociale nulle part

3347085-4805324.jpgAlors que mon séjour à New York prend fin (déjà...) je ne peux m'empêcher de repenser à cette semaine sous le prisme de la sacro sainte diversité. Ici, elle est partout : on parle de pièce de théâtre gay, d'artiste juif, du meilleur one man show asiatique, du meilleur journaliste latino... C'est à se demander s'il est simplement possible d'être un américain tout court. Sans doute quand ça les arrange, comme Saul Berenson, cet agent de la CIA de la série Homeland qui, mis sous pression à l'aéroport de Beyrouth par un employé lui demandant "vous êtes juif ?" rétorqua "je suis américain" ce qui signifie : et donc je peux te faire botter le cul. Bon, laissons la fiction et revenons à la réalité.

Encore que, je crois justement pouvoir dire que ce qui me frappe à l'issue de ce séjour d'une semaine aux Etats-Unis, que la diversité ici est une fiction. Un lobby serait un terme plus approprié, mais une fiction me plaît plus. Une fiction vendu par des lobbys, du "diversity washing" comme on dit en bon français. Ce doit être la 6 ou 7ème fois que je viens aux Etats-Unis, en 20 ans, et j'ai toujours le même sentiment : ça n'évolue pas. 

Bien sûr, il y eu Obama, il y aura peut être Hillary Clinton et il y a Oprah Winfrey. Bon. Mais à part ça ? Les militants pro diversité et anti racisme en France mettent souvent en avant l'exemple US (détail amusant (ou pas...) les féministes françaises n'ont pas le même engouement pour le modèle outre Atlantique. Plus lucides, à mon sens) en oubliant quelques éléments de comparaisons importants. Car vraiment, à tableau comparable, je ne vois pas ce qu'il y à prendre en termes de modèle de société fors cette question importante des symboles.

Avant tout, les Etats Unis sont une terre d'immigration massive et très importante. Chez eux, les statistiques ethniques sont autorisées et c'est ainsi qu'en 3 clics, je peux trouver des statistiques fiables qui montrent qu'en 2013, les blancs ne représentent plus que 63% de la population américaine. Une part qui diminue très rapidement pour deux raisons : 1/ l'immigration continue à être très forte (salut à toi, Donald Trump) 2/ plus de 50% des enfants qui naissent aux US ne sont pas blancs. On parle donc d'une société ouvertement cosmopolite. Et la rue, le métro, le montrent.  Pour les US, le vivier des "non blancs" est autrement plus conséquent qu'en France. Je ne dis pas cela pour nous dédouaner, mais nous ne sommes juste pas une société aussi multiculturelle que les US. En cherchant un peu, en se cassant les dents, mais en allant chercher du côté de l'INED, on trouve quelques chiffres. Une étude INSEE de 2012 donne 1,3 millions de noirs d'Afrique en France, auxquels il faut ajouter 800 000 ressortissants des Dom et allez (les chiffres fluctuent beaucoup) 4 ou 5 millions de maghrébins ? En gonflant et poussant les chiffres qui sont donc sujet à caution on passera difficilement la barre des 7, voire 8 millions soit, 12% ou 13% de non blancs. Un rapport de 1 à 3 avec les US ! Ne pas voir cela est une folie et explique à mon avis une grosse part des crispations actuelles. Quand on se flagelle en France, avec raison, on devrait avoir ces chiffres en perspective : bien sûr, nos élites médiatiques, économiques, politiques, éducatives, ne sont pas assez colorées, mais rapportées aux US, selon un rapport 1 à 3, pas de quoi rougir. Nous sommes moins archaïques que les récits comparés ne le laissent croire.

Donc, je reviens à la conclusion de cette semaine passée ici : tous les restaurants corrects ou bons où je suis allé avaient du personnel non blanc et des clients blancs. Lors des spectacles aux places onéreuses, idem. Même si, pour Hamilton, pièce phare de Broadway, les non blancs sont majoritaires sur scène et la pièce reprend l'histoire américaine en choisissant de faire incarner Jefferson et Washington par des hommes de couleur. Cette diversité là fonctionne, marche, il y a un appel du public et des programmeurs pour cela. On peut reprocher aux français de ne pas savoir faire cela, d'être trop timoré dans leurs choix comme le déplorait avec justesse Adèle Haenel récemment avec sa charge contre "le cinéma mâle blanc", mais dans les salles de spectacles ou de concert, l'homogénéité n'est pas si forte. Dans les musées, que des blancs. A 25$ l'entrée au MOMA, dehors les gueux. Les seuls non blancs que j'ai pu voir étaient des scolaires qui avaient donc une entrée gratuite. Mais tout de même, 2/3 de blancs dans le pays, 95% des bénéficiaires d'établissements culturels ou spectacles, cherchez l'erreur. Et à quelques blocs de chez nous, une soupe populaire servait 99% de non blancs, pauvres hères frappés de plein fouet par la folie financière de New York (moi qui me sent très privilégié à Paris, je fais très gaffe aux cartes des restaurants et aux étiquettes dans les magasins de fringues...). Sorti de Benetton, pas de quoi pavoiser, en somme. 

Rien ne change ? Si, ça empire... Depuis mon 1er séjour, le principal changement est l'apparition des fortunes du web : elles pullulent, mais ce sont des mecs blancs à une époque où ils sont donc de moins en moins nombreux. L'immense majorité des ploutocrates de la Valley, des GAFA au TUNA sont des mâles blancs et des études montrent que ces boîtes sont encore moins vertueuses en termes d'ouverture à la diversité que les anciennes industries... Les noirs se font tirer dans la rue et le #BlackLivesmatter n'y suffira pas pour changer une situation sombre pour les minorités dans ce pays.

Quand on se ballade à Broadway, qu'on allume une télé ou qu'on tombe sur un journal, le casting est toujours parfait : ils savent faire des jolis chromos, les yankees. Pour la réalité quotidienne, en revanche, c'est toujours le détournement de 68 qui prime : diversité partout, justice sociale nulle part. La France a évidemment une vision trop aveuglement républicaine en s'abritant pudiquement derrière un "tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits" qui l'empêche de prendre à bras le corps les discriminations. Bien sûr. Je pense néanmoins qu'avec un peu de volontarisme, notre pays pourrait réussit là où les US échouent, eux qui ont mis en avant cette question dans le débat public avec le Civil Rights Act en 1964 : 52 ans de quotas, ça ne peut pas être une solution. On peut faire mieux que ça. Sans doute pas avec le gouvernement actuel, mais on y arrivera, il en va de l'avenir du pays. 

 

 

 

23/02/2016

La gauche de la haine de soi

9782226318961-j.jpg"Ceux qui s'opposent à ce texte sont bloqués au XIXème siècle" ; "ils ne l'ont pas lu, sinon ils ne s'opposeraient pas, il y a plein d'avancées dans ce texte". Manuel Valls est un poème et un délice pour les amateurs de rhétorique. Alors que le MEDEF rosit quand on l'interroge sur la réforme El Khomri, que ce qui reste de gauche à Solférino éructe qu'il faut rééquilibrer le texte, Matignon nous gratifie d'un superbe "ceux qui s'opposent sont des connards archaïques" (en substance). 

C'est toujours la même chose, avec Valls. Aucune référence au fond, aucune envie de débat sur des arguments, juste une rhétorique purement terroriste "avec nous ou contre nous", "le camp des modernes ou des passéistes". Cette volonté farouche de ne pas débattre, d'être persuadé d'avoir la vérité incarnée au point que toute opposition serait forcément hérétique, mènera la gauche dans le mur (évidence) et n'augure rien de bon pour l'état démocratique du pays (évidence, bis).  

Mais le plus étonnant, c'est l'entêtement de notre premier ministre à adopter une vision fermée du monde sur les thématiques sociales. Passe encore (non que je le soutienne, mais je comprends la logique), de prendre la gauche à témoin sur les problématiques sécuritaires en affolant des menaces extérieures. Ca passe car la gauche n'a plus, depuis un siècle, de discours sur l'ordre Républicain et le calme. Elle s'est laissé débordé par une idéologie, un surmoi libertarien qui pousse Valls a joué sur du velours, sur le thème "je suis le seul à pouvoir vous protéger". Mais sur des problématiques de justice sociale, qui croit-il pouvoir venir bousculer ? D'où pense-t-il pouvoir trouver une légitimité dans le débat public ? 

En l'espèce, outre le contentement du MEDEF, il suffit de lire les réactions de tous les commentateurs pour mesurer le délire de cette loi. La droite attaque l'amateurisme législatif du gouvernement, ou sa cacophonie dans la communication, mais pas le fond avec lequel elle est plus qu'en accord ; à la rigueur la droite a t'elle honte de n'avoir pas su proposer une telle loi. Les économistes sont atterrés et pas seulement ceux du collectif éponyme. En quoi aller au-delà du libéralisme d'un pays comme la Pologne en matière d'heures de travail relèvera t'elle la France ? Jacques Attali, peu taxable de vouloir déplaire au gouvernement en place ou de vouloir le déborder sur sa gauche, a même parlé pour la loi de "propositions folles". On ne reprendra pas ici la litanie de mesures dégueulasses, sur le travail de nuit, l'astreinte, les indemnités en cas de licenciements abusifs, mais disons que l'esprit est fait précisément pour faciliter la vie non pas de patrons, mais d'investisseurs. Hier paraissait le total des dividendes distribués en 2015, nous sommes à 1,15 billion. Soit une augmentation de 9% par rapport à l'année passée quand le PIB mondial croit de 2%... Comment arrive t'on à une équation pareille ? Avec des gouvernements dociles et le notre fait du zèle...  

 

 

 

 

18/02/2016

Bygmalion, small responsables : l'équation insoluble

bygmalion-logo.pngComme le veut la palanquée d'expressions consacrées et ressorties depuis quelques jours : on ne peut pas commenter une enquête en cours, il faut respecter la présomption d'innocence et laissons la justice faire son travail. Voilà. Mais tout de même, il y a déjà, sans viser personne, certaines choses que l'on sait dans ce dossier Bygmalion. Il y a eu un système de double facturation portant sur environ 20 millions d'euros, lesquelles sont allés nourrir la campagne à la Présidence de Nicolas Sarkozy en 2012. Bon. L'agence de com' a été dissoute depuis et les fondateurs ont quitté les écrans radars. 

Cette affaire remonte à moins de 4 ans, mais l'implosion du système a été instantanée : les coupables ne peuvent être loin. Les protagonistes sont tous à disposition de la justice. On devrait pouvoir classer cette histoire dont la spécificité tient surtout pour la notoriété des accusés principaux. Copé et Sarkozy et une armée de lampistes.

On voit remonter des noms, comme dans n'importe quel système mafieux, tout le monde sait qui est le commanditaire mais on cherche des fusibles. Combien de fois a-t-on vu le film ? Les frais de bouche de la mairie de Paris, les HLM de la ville de Paris, la gestion des lycées d'Ile de France. Nombre de dossiers pourris de la chiraquie où le nom de Chirac planait partout. Qui a payé ? Alain Juppé, qui aura le droit de se présenter cette année et Michel Roussin qui a depuis eu nombre de gros hochets dans la galaxie Bolloré qui viennent largement compenser l'amende de 50 000 euros à laquelle il a été condamné... Il y en a d'autres, hein, et toutes ne sont pas au RPR ou à l'UMP. Le financement de la MNEF, la formation chez EELV (où l'on retrouve l'ami JV Placé, entre temps devenu Secrétaire d'Etat), les exemples ne manquent pas... Une seule question surplombe tout : quelle leçon en avons-nous tiré ? Par excès de modestie, j'emplois un singulier, mais même cela est de trop car la réalité est que nous n'avons tiré aucun enseignement... 

Un ancien haut fonctionnaire qui avait la particularité d'avoir également été un grand industriel, me montrait les courbes d'accidents du travail dans les usines. Celles-ci connurent une chute vertigineuse au moment même où la responsabilité pénale des dirigeants était mise en cause. La possibilité d'aller en taule si on trouvait un mort dans l'usine en a alerté plus d'un. Et ils se sont mis à faire très attention. Très. On peut réfléchir à nombre de sujets où la responsabilité des dirigeants d'entreprises est mise en cause et où leur départ, leur retrait, la mise à l'amende, est immédiate. Leurs incarcérations restent rares, soyons honnêtes. Un patron voyou n'est pas encore un voyou comme les autres et les arrangements financiers demeurent légions. Mais tout de même, ils se retirent. Disparaissent de l'écran. Dans le sport, les patrons de fédérations fous avec pratiques de nababs sont épinglés et foutent le camp. Le président de la FFT, Jean Gachassin, va disparaître dans quelques semaines, comme nombre d'autres avant lui. Cela ne suffit pas encore à prévenir de tels dévoiement, à prévenir des pratiques indues, mais tout de même, de montrer que la sanction passera fait baisser le nombre de méfaits. On pourrait étendre ces dispositifs : si les optimisateurs fiscaux étaient visés par de la taule, je vous jure que les immatriculations dans le Delaware et les Caïmans chuteraient avec une célérité vertigineuse....

Mais revenons à notre affaire de base : la classe politique est discréditée notamment, en grande partie, pour leur manque de responsabilité devant les affaires. La foule veut des têtes sur des piques, symboliquement parlant, s'entend. Celle de Copé, celle de Sarkozy, mais des têtes de notables, pas des inconnus, faute de quoi ils s'estimeront floués. Et ils n'auront pas tort...