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06/03/2016

Relire "le quai de Ouistreham" avant de parler d'El Khomry

41VxFkOxk2L._SX338_BO1,204,203,200_.jpgEn écoutant tous les débats sur la loi El Khomry, je m'étonne vraiment de la faiblesse des arguments du camp du "oui". Si j'étais chef d'entreprise, je serai vraiment vexé d'être défendu par des types qui disent : "nous voulons rassurer sur la capacité à licencier". Je pensais, sottement, que les patrons voulaient être rassurés sur leurs perspectives économiques : ne pas avoir de normes changeantes tous les 36 du mois, ne pas avoir une fiscalité qui change à la même fréquence, ne pas faire face à des seuils qui vous pousse à tricher mais bien une conception plus progressive. Bref, un environnement juridique et fiscal clair.

La flexibilité n'est pas la clarté. Dans cette loi, il y a l'embryon de la protection du XXIème siècle avec le compte personnel d'activité, mais elle reste en l'état. Un embryon. Dans un marché de l'emploi où les périodes de stages s'allongent il faudra en tenir davantage compte. Et les free lance qui pullulent, qui se multiplient : quelles protections santé et retraite ? Quel droit à la formation dans un monde où il faudra sans cesse se renouveler ? Raté...

En revanche, on rassure les fonds et les investisseurs : peu d'indemnités à verser et des assurances qu'on pourra se séparer de ses salariés dès que l'activité connaît un coup de mou. Lequel salarié ira expliquer à son banquier et son proprio que ses remboursements connaîtront un coup de mou proportionnelle en espérant qu'ils sauront se montrer flexibles eux aussi ? Et il y a fort à parier que cela ne sera pas le cas...

Valls a repoussé de 15 jours l'examen du texte de loi pour laisser le temps au débat de s'affiner. Prendre à peine deux heures pour lire le quai de Ouistreham (ou inviter Florence Aubenas, s'ils sont à ce point hermétiques au point de lire un livre que ce que l'on suppute) suffirait pourtant à changer radicalement la donne et la tonalité de leurs échanges. Qu'apprend-on ? Qu'une femme de cinquante ans sans ressources et à la motivation indéniable met près d'un an pour trouver un emploi. Un emploi de femme de ménage, payé au SMIC. Et pas vraiment avec des horaires de 9h à 17h tous les jours... C'est bien là le drame qu'on ne veut pas voir. Des horaires impossibles, des jobs décalés et sous payés. A côté de chez moi, ils cherchent un vendeur pour le coup de bourre du midi, contrat 10h par semaine... La boutique de fringues cherche aussi, à mi temps. Vu le prix des loyers parisiens, la capitale a deux fois moins de chômeurs que la moyenne nationale. C'est ce que montre admirablement Laurent Davezies dans "la crise qui vient" où les fractures territoriales s'accentuent : les jobs à pourvoir sont de plus en plus éloignés des quartiers où vivent le plus grand nombre de demandeurs d'emploi. C'est bien beau de vanter la mobilité, mais faire 4h de trajets quotidiens pour 700 euros par mois, je comprends que ça en rebute certains... Dans la bouche d'économistes comme les ineffables Landier et Tesmar (infatigables défenseurs d'Uber....) cela montre "le manque d'adaptabilité des salariés français". Mouaif... Je reviens de New York où j'ai pu constater la "très grande adaptabilité des salariés US qui acceptent de se cogner 5h de transport pour aller servir les clients de Manhattan et rentrer dormir très loin de cet île ultra privilégiée. 

Quand on nous montre du doigt les exemples allemands et américains pour leur taux de chômage, n'oublions pas que les travailleurs effectuent moins d'heures par semaine que les français car l'activité est insuffisante ce qui est logique eu égard à la mécanisation. On flexibilise à outrance une armée de pauvres hères pour qu'ils soient taillables et corvéables à la merci de ceux qui consomment. Cela ne peut être un modèle de société décent, de partage des richesses, comme du travail. Décidément, comme le dit le mot d'ordre qui se répand actuellement sur la toile : nous valons mieux que ça. 

Commentaires

Exploitation précarité , rapacité des capitalistes

Marx a tout dit là-dessus , et avec et après lui les syndicalistes et les socialistes de la 2ème moitié du XIXè siècles ; mais hélas , le marxisme originel a été dévoyé et trahi , par les staliniens et les " socialistes " ( avec leur version la plus récente , représentée par le PS )

Écrit par : Léo | 09/03/2016

La fonction historique du " socialisme " version PC et PS : dévoyer les luttes sociales , encadrer les exploités afin qu'ils acceptent et même soutiennent le capitalisme .

Complicité " objective " et sournoise mais souvent aussi affichée avec cynisme ( Valls, Macron )

Parfois , ça ne marche pas : la décomposition en cours du PS; mais attendons la suite ...

Écrit par : Père Synthèse | 09/03/2016

D'accord avec vous , chers Léo et Père Synthèse ; je me permets d'ajouter ceci : le " gauchisme " dans ses différentes versons ( 68 , années 70 ; les frondeurs , les indignés et autres bisounours ) sont , à cet égard , dans une position ambigûe ; mélange de critique radicale et de complicité de fait : même sociologie et même fond idéologique ; des enfants turbulents qui mordent les mollets de leurs aînés et visenr à les remplacer ...

Écrit par : Jean | 09/03/2016

Les " enfants turbulents " dont parle Jean : on s'agite dans les traditionnelles couveuses socialistes telles que l ' UNEF " et les
" syndicats " lycéens ; le contrat est remis en cause , au moins en apparence .

Rupture réelle ou opération de com ?

Un précédent : Mao qui mobilisait les gardes rouges contre l'appareil ...

Écrit par : Mentor | 09/03/2016

Les couveuses socialistes : voir dans le Canard Enchaîné de ce jour , quelques infos intéressantes sur le financement de l'unef
( Page 2 , colonne de gauche , sous le titre " vérité des comptes")

Écrit par : Père Castor | 09/03/2016

Que le PS alimente des " couveuses" ne me scandalise guère: toute organisation a les siennes ; le patronat : les écoles d'ingénieurs , de commerce , de journalisme , de com ; l'Eglise: : les séminaires , les mouvements d'action catholique ; le sport-spectacle : les cours de gym à l'école ...

Ce qui m'inquiète c'est que les bébés-socialistes sont très tôt formatés , nourris du même lait idéologique ...Voir ce qui tient lieu de pensée aux parlementaires et ministres du PS : pas une idée , aucune imagination ; un désert intellectuel et une morale élastique ...

Écrit par : Anne-Lise | 09/03/2016

---> Léo ; à propos de ce que vous dites de Marx et des socialistes d'il y a un peu plus d'un siècle : il faudrait revenir aux sources , notamment quand elles évoquent la " violence" en tant qu'arme des exploités , la grève étant son expression la plus efficace pour peu que l'on s'en sache et veuille l'utiliser à bon escient .

" à bon escient" = au bon moment et au bon endroit et surtout , en allant jusqu'au bout ce qui ne va pas sans sacrifices ; la formule est aujourd'hui banalisée et dévoyée , elle est un message, plus qu'une arme .

Une entreprise ne peut vivre sans ses travailleurs et elle risque de mourir si cette force de travail lui fait défaut ; c'est un problème de bras de fer .

On ne parle plus guère de " grève générale " stricto sensu , concept très présent dans les réflexions et le langage du mouvement social de naguère ( voir les " Réflexions sur la violence " de George Sorel )

Écrit par : J-C Jaurras | 09/03/2016

Ce que l'on peut appeler le " mouvement social" ( celui des exploités ) est handicapé , et pour ainsi dire réduit à l'impuissance par de nombreux facteurs que je cite en vrac et sans faire de nuances :

- les divisions entre travailleurs , favorisées et entretenues par celles du syndicalisme , auxiliaire objectif du capitalisme ;

-la référence récurrente à la mondialisation et à l' Europe , obstacles ( dit-on ) à toute solution de la " question sociale" dans le cadre national ; menaces de délocalisation , voire de fermeture des entreprises en cas de conflit social prolongé

-la confiscation du volet politique du mouvement social par un parti dit " de gouvernent" qui n'a de socialiste que le nom et par des groupuscules sans assise sociale .

- la diabolisation et l'abandon du concept de " lutte des classes" comme outil d'analyse de la société ; référence à une vaste " classe moyenne" au sein de laquelle sont effacés les clivages entre classes .

- l'absence de réflexion sur la consommation en tant que manifestation du capitalisme mondialisé ( le problème refait surface avec la crise agricole )

Plus généralement : déficit de pensée et de stratégie qu'il s'agisse de la politique ou du syndicalisme ; la situation acceptée comme inévitable et son caractère inévitable étant théorisé ; l'individu hors jeu ... or , il existe , nous rappelle Florence Aubenas


-

Écrit par : Mentor | 09/03/2016

Merci , cher Castor , pour cette évocation de la ( triste ) vie réelle à travers l'ouvrage de Florence Aubenas et quelques autres exemples .

" Ils ont des yeux et ne voient point " , comme le dit un psaume et je suis au nombre de ces " ils "; nous avons tellement l'habitude d'être " servis" que nous n'avons pas conscience de la situation de ceux qui nous "servent" .

Il m'arrive , mais pas assez souvent , je le confesse , d'avoir honte de ma relative aisance ...Problème que je ne sais comment résoudre ; que faire ? je suis , comme d'autres , enfermée dans un mode de vie ...

Écrit par : Johanna | 09/03/2016

" Que faire ? " . Bien que je partage votre souci , je n'ai pas plus que vous de solution ; nous sommes tous objectivement complices des injustices et donc voués à la mauvaise conscience ( si conscience il y a ...)

Pour ma part , je m'efforce de respecter quelques principes élémentaires et quelques habitudes de vie ; ainsi :

-ne jamais faire confiance à la politique ( aux élections , je m'abstiens , sauf , exceptionnellement pour barrer la route aux forcenés qu'ils soient de droite ou de gauche ) ; j'évite autant que possible de serrer la main d'un politique .

-rémunérer correctement, au-dessus du tarif en usage , les personnes qu'il m'arrive d'employer et , évidemment , toujours les déclarer .

-donner ma clientèle aux commerces de proximité et non aux grandes surfaces .

-zapper systématiquement la pub et la com

-soutenir quelques assocciations caritatives de terrain , en évitant celles qui sont trop professionnalisées et médiatisées

-avoir un mode de vie sobre et modeste , au-dessous de mes moyens ; éviter le luxe , le superflu , les paillettes

C'est peu , voire dérisoire mais ça me permet de ne pas trop souffrir de ma mauvaise conscience

Écrit par : Séraphita | 09/03/2016

Abstention ? oui , mais sélective ; je connais , pour ma part , quelques maires honnêtes , assez loin de la région parisienne .

Zapper la pub et la com : ceci implique que l'on évite les spectacles sportifs .

"Mode de vie sobre et modeste" : ne pas suivre les modes
( vestimentaires, littéraires, technologiques ...)

Écrit par : Léo | 11/03/2016

Mode de vie sobre , rejet de la pub, de la com , de la mode : que l'écologie serait belle s'il n'y avait les écolos( les nôtres ) ! Que le socialisme le serait s'il n'y avait les socialistes !

Écrit par : Barbara | 11/03/2016

A propos des " syndicats" de " jeunes " , couveuses du PS : j'ai vu ce midi à la télé leurs leaders sortant d'une réunion à Matignon avec leurs aînés ; des allures de petits marquis et un langage très au point d'apparrachniques ...

Si le ridicule pouvait tuer ...

Écrit par : Bernard Kouchtard | 11/03/2016

Les bébés des couveuses du PS sont bien embarrassés : leur cursus est largement compromis; trop tard pour espérer faire carrière sous les ors de la République , comme l'ont fait leurs aînés .

Le seul objectif désormais à leur portée : être au premier rang des futurs opposants à un gouvernement de droite , position assez confortable .

Certains d'entre eux pourraient être récupérés en 2017 par un gouvernement de droite qui leur serait reconnaissant d'avoir contribué à la décomposition du PS

Écrit par : Père Synthèse | 11/03/2016

Les bisounours (1) non encartés recherchent , pour leur part , le confort maximal : appartenir à une gauche idéaliste et " morale" qui refuse de prendre des responsabilités mais critique systématiquement ceux qui en prennent ; bonne conscience assurée !

(1) ceux de la bisounurserie qui péttionne ...

Écrit par : Jean | 11/03/2016

" Bisounurserie " : jolie trouvaille ; faites-la breveter , cher Jean ...

Écrit par : Anne-Lise | 11/03/2016

" Bisounurserie " : c'est tout à fait ça ; génial ! ça pourrait faire un buzz sur les réseaux dits sociaux .

La bisounurserie est plus sympathique que la couveuse socialiste : moins d'arrivisme ( ou un arrivisme moins affiché ) , un peu plus de fond intellectuel , de bonnes manières ; mais le bisounours gauchisant est plus fragile que le bébé-ps : il a le cuir moins dur et le coeur plus tendre .

A manier, donc , avec précautions ...

Écrit par : Mentor | 11/03/2016

" Bisounurserie " TB !

Une nuance : le bisounours , certes plus doux que le bébé ps , peut être violent à l'occasion :
Quand il manifeste , il lui arrive de crier" mort aux flics !" alors que c'est passé de mode à gauche depuis les attentats de l'an dernier ; c'est qu'il n'a pas l'expérience , la docilité des manifestants patentés , encadrés par des services d'ordre pros
Sur les réseaux sociaux , le bisounours entre facilement en transe quand il s'indigne, ce qu'il fait plusieurs fois par jour et même la nuit ..

Les bébés ps ( et leurs aînés) se méfient donc de lui .

Écrit par : Johanna | 11/03/2016

Est-ce ce que l'on appelait naguère un " anarchiste de salon " ?

Écrit par : Barbara | 11/03/2016

Il n'y a plus de salons et il reste peu d'anarchistes dignes de ce nom .

Le bisounours est d'ailleurs , dans son mode de vie , assez rangé , plutôt conformiste , pour ainsi dire "petit-bourgeois ; ça doit aussi exister chez vous , à Brest ....

Écrit par : Mentor | 11/03/2016

La sociologie brestoise n'est pas très différente de la parisienne .

Mais les tribus ( bisounours et autres) y sont plus visibles que chez vous parce que notre ville "moyenne " tient davantage du village .

Les groupuscules de toutes sortes éprouvent le besoin de s'afficher pour exister et faire parler d'eux .

Les plus démonstratifs : ceux qui font dans les différentes versions du régionalisme , du folklore pour touristes à l'inépendantisme radical ; mais on n'en est pas au stade de la Corse ...

Écrit par : Barbara | 13/03/2016

Tout cela est fort intéressant mais on en finit par oublier que le bouquin de Florence Aubenas est remarquable , comme son auteure , et que le texte de Castor pose un vrai problème .

A propos de Brest : c'est une ville qu'a créée l'Etat français , au XVIIè siècle , et qui lui doit encore beaucoup ; quant à la Corse , que serait-elle sans l'Etat ? sa principale "production" : les fonctionnaires ( très présents sur le continent ) et le tourisme

Écrit par : Jean | 13/03/2016

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