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03/04/2016

Reprendre soin du Care

myCarePlans_hdr.jpgEn 2011, c'est à dire hier pour le temps historique, mais la préhistoire pour le temps médiatique, Martine Aubry avait fait campagne lors de la primaire sur un concept importé des Etats-Unis et aux contours un peu incertains, le "Care". Le prendre soin, littéralement. Mais derrière cela, la proximité, l'attention, l'empathie, l'intergénérationnel.... L'idée que le libéralisme avait détruit beaucoup de liens humains, familiaux, relationnels et temporels, dans la mesure où il a fracassé les rythmes quotidiens...

Tous ces dégâts, il fallait bien qu'on essaie de les réparer, le Care avait cette ambition. Une philosophie qui avait comme seul avantage de proposer un changement de modèle de société, mais sans les 18 mesures chiffrées qui vont bien avec. Les électeurs de gauche ont donc préféré Hollande. Jetons un voile pudique sur le caractère opportun de ce choix. Cinq ans plus tard, les ravages soulignés par les tenants du Care se sont aggravés. L'économie des plateformes et de la désintermédiation a encore accru l'inégalité d'accès aux temps entre une poignée de très dominants et le reste de la société. Uber a peut être un peu massifié le recours à des déplacements en voitures individuelles plutôt qu'en transports collectifs et on en fait l'alpha et l'omega de l'innovation de rupture alors que globalement on parle toujours d'usager empruntant une voiture pour aller d'un point à un autre. Le service est le même. Peut être de meilleur qualité, mais le même.

En revanche, ce qui a beaucoup changé ces dernières années, c'est la multiplication des applications visant à permettre d'optimiser son temps. Donc on monétise un service qu'on peut payer (car on est solvable) en demandant à ceux qui seraient incapables de recourir financièrement à ses services de vous servir sans délai. Ainsi de tous les livreurs à domicile de tous les restaurants qui vous apportent votre pitance au bureau (pourquoi la convivialité serait-elle une valeur acceptable ? Que fait-elle pour le PIB cette garce de convivialité ?) ou le soir chez vous. Vieux comme le monde ? Pas en termes de variété. C'était les sushis et les pizzas, tout prend le relais y compris de bons restos pour 2 (trop crevés pour sortir) ou pour 4 ou 6 (épate tes amis mais sans prendre le temps de faire la cuisine...), sans que personne ne semble regretter la convivialité perdue. On voit les artifices grossiers, on vous vendra qu'avec vos enfants en bas âge, vous pouvez bien manger pour le même prix sans payer une baby sitter; Le fameux bon sens populaire. 

Au-delà des restaurants, les pressings viennent jusqu'à votre bureau pour que vous gagniez du temps. Votre coach sportif vient sur votre pause déjeuner ; le soir la baby sitter succède à la nounou pour faire dîner les mômes et d'ailleurs, de nouvelles applis vous mettent directement en contact avec tout un pool de nounous disponibles... Pour payer moins cher. C'est là le hic. Nous ne prenons pas soin de ceux qui prennent soin de nous : la logique "d'Uberisation" même si je maintiens que c'est un abus de langage pousse à dégrader les conditions de travail de ceux qui sont dans ces nouveaux services. Les nouveaux livreurs à vélo (pour éviter les embouteillages) bossent souvent pour plusieurs applis, avec des horaires décalés et des contrats de plus en plus aléatoires. 

Cette précarisation du coût du service permet à ceux qui ont des moyens de s'offrir encore davantage de services qui les poussent à rester encore plus au boulot ou dans une sociabilité professionnelle (soirées, séminaires...). Cette spirale folle aggrave le fossé entre deux pans de la société qui se côtoient sans jamais se mélanger même si on nous racontera toujours le joli conte de fées du livreur qui a épousé la patronne, du responsable pressing qui a repris ses études grâce à une businessman humaniste qui venait chercher ses chemisiers... Niaiseries. La réalité c'est que derrière la "modernité technologique" se cache un retour à une forme de domesticité bien humaine, mais qu'on refuse de nommer. 

Cette crise des relations où une minorité de plus en plus faible d'ultra urbains se fait servir par des flexi précarisés de plus en plus lointains ne peut dignement être un modèle de société. Remettons le Care sur la table, il a plus d'avenir que la loi El Khomri.

Commentaires

"la baby sitter succèdent à la nounou "
--- "succède" serait plus opportun

"s'offrir encore davantage de services qui les pousse à rester encore plus au boulot"
--- " poussent " conviendrait mieux

"deux pans de la société qui se côtoie"
--- plutôt "cotoient "

prendre soin des accords , cela relève du care

Écrit par : Père Castor | 04/04/2016

"la préhistoire pour le temps médiatique, Martine Aubry avait fait campagne " : Aubry, personnage préhistorique en effet ...

Écrit par : Léo | 04/04/2016

"En revanche, ce qui a beaucoup changé ces dernières années, c'est la multiplication des applications visant à permettre d'optimiser son temps"

Oui , mais le temps gagné grâce à cette optimisation est souvent perdu par ailleurs : je connais quelques cadres survoltés qui sont hyper rationnels dans un domaine et totalement bordéliques dans d'autres; si ce bordélique était agréable , ils y gagneraient , mais c'est rarement le cas ...

Optimisation , piège à c ...

Écrit par : Johanna | 04/04/2016

"Optimiser " le temps peut être interprété de deux façons :

-en rationaliser l'utilisation afin de l'économiser ,

-le vivre mieux en toutes circonstances , lui donner plus de sens, l'enrichir , l'embellir

Je retiens pour ma part la seconde interprétation .

Voir la distinction faite par Bergson entre le temps et la durée

Écrit par : Père Synthèse | 04/04/2016

Des expressions déplaisantes , cruelles : " perdre son temps" ; " tuer le temps" , " n'avoir pas le temps " , " faute de temps" ,
" avoir fait son temps" ...

Plus encore : " le temps c'est de l'argent"

Écrit par : Séraphita | 04/04/2016

En psy , on rencontre assez souvent des cas très lourds de mauvais rapport au temps : des individus entraînés dans une logique d'optimisation ( au sens de rationalisation ) mais aussi d'autres , moins nombreux, qui ont du mal à assumer leur liberté
( parmi ces derniers : des travailleurs " indépendants" , des retraités ... )

L'optimisation contrainte semble être plus facile à gérer que l'optimisation choisie .

Écrit par : Anne-Lise | 04/04/2016

Pour Martine Aubry , le " care" n'était que l' habillage "humaniste" du socialisme le plus ringard ; un coup de com qui a foiré , comme tout ce qu'entreprend la madone des 35 heures

Écrit par : Léo | 06/04/2016

Les commentaires sont fermés.