25/08/2016
La comparaison internationale, l'angle mort du débat actuel
"Regardez comment fait l'Allemagne et l'Angleterre !" et "voulez-vous que nous devenions l'Arabie Saoudite ou l'Iran ?" sont les deux faces d'une même pièce de monnaie de singe : celle des ineptes comparaisons internationales. Ca n'est même plus une possibilité, une tocade ou une feinte, non c'est une figure obligée de la rhétorique actuelle pour parvenir à ses fins. Quand vous n'arrivez pas à vous faire entendre sur un argument hexagonal, hop, un décentrement. Là où ça devient intéressant pour celui qui emprunte cette voie c'est que comme l'herbe est plus verte ailleurs, c'est bien connu, l'argument, même inepte, fait autorité.
Ainsi, pour faire passer les réformes libérales d'El Khomri ou de Macron, à court d'arguments et pour ne pas avouer que la France agissait ainsi sous pression de la Commission Européenne, les thuriféraires de ces textes nous vantait non pas le texte lui même mais le modèle allemand ou anglais, où le chômage est plus bas. Point à la ligne, au débat. Vous avez vu ? Et toc ! On voudrait répondre que le taux de pauvreté explose, on vous répliquera que le PIB augmente, vous riposterez que le pouvoir d'achat s'effondre et que l'illusion d'optique du PIB est lié à l'envol stratosphérique du 0,1% de revenus les plus conséquents. Peu importe, vous avez perdu, toujours un temps de retard et sur la défensive... C'est littéralement épuisant et vous pousse à des réponses spongieuses car il faut sans cesse réactiver la logique minoritaire. Les grandes institutions financières mondiales (FMI, BCE, FED) étant libérales, il ne faut pas s'étonner que leurs recommandations soient généralement : baisser les dépenses, réduisez la part du public et les prélèvements obligatoires.... Toutes choses peu compatibles avec le CNR, mais il faut sans cesse arguer qu'on peut avoir raison contre les autres, comme dans le cas de la fameuse "exception culturelle", n'a pas sauvé ainsi notre cinéma, notre réseau de librairies (visitées comme des musées au Etats-Unis...) ou encore ce baroque statut de l'intermittent du spectacle ? Par ailleurs, à chaque fois, les yeux des envieux filent vers certains pays fiscalement accueillants et jamais vers les pays scandinaves qui cumulent pourtant réussite économique et fiscalité très forte. Passons.
Et pour l'exaspération latente sur la laïcité : on nous parle d'ailleurs comme si ailleurs dictait l'attitude ici. Au Maroc, en Turquie, un automne islamique succède à quelques années d'écart au Printemps arabe et les femmes se voilent sur les plages quand elles ne le faisaient pas, il y a peu. Le nouvel ordre moral s'est abattu avec une célérité désarmante et il y a de quoi pleurer. Certes. Mais en quoi ce navrant climat nous concerne-t-il ? Nos lois n'ont pas évolué d'un iota et surtout, surtout, on fait comme si une menace rampante arrivait alors qu'au contraire tous nos politiques sont dans une logique de fermeture vis à vis des musulmans de France. Tous. Certes, il y a une communauté associative, une société civile qui se mobilise et que l'on entend avec quelques voix clairement déconnantes (Ramadan, le CCIF...) mais politiquement ? La seule exception fut lors du passage de la LCR au NPA et la mise en avant d'une candidate voilée : aussitôt, le parti d'intellos de gauche perdit 80 à 90% de son électorat... Aussi, la colère actuelle parlant d'une capitulation du politique, d'une "soumission aux barbus" pour reprendre les termes de Houellebecq me semble, outre vomitive, une manipulation sans nom.
Au final, dans les deux cas, ces regards fuyants interpellent : pour ceux qui expliquent de façon irrationnelle que tout est si parfait ailleurs et si moisi chez nous, que ne partent-ils ? Et ceux qui voient l'Armageddon se profiler "si nous ne faisons rien", comment expliquer leur docilité absolue à l'égard des régimes qu'ils contestent ? Ca ne s'explique sans doute pas. La connerie non plus.
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