04/06/2017
Alerte enlèvement : identité collective
"Métis, gay et thatchérien, Leo Varadkar sera le prochain premier ministre irlandais". L'ordre des qualificatifs ne doit rien au hasard. Cet article du Monde, hier, est un énième épisode dans le bras de fer entre identité individuelle et collective qui tourne systématiquement à l'avantage de l'esseulé. Ne soyons pas bégueules : dans un pays aussi conservateur et férocement catholique, le fait que le nouveau chef du gouvernement sois ouvertement homosexuel est un symbole fort. Mais un symbole. Comme son teint non crayeux. Très bien. Mais combien faudra-t-il de symboles sans actes pour que l'on change notre grille de lecture ? Combien d'échecs successifs de personnalités différents proposant une politique conforme pour que l'on cesse de tomber dans le panneau ?
Au fond, c'est peu admissible par les bonnes âmes, mais Obama a vraiment une chance infinie que Trump lui succède. Il peut ainsi se targuer d'avoir incarné tout l'inverse de Trump. Ouverture, tolérance, coolness. Mais personne pour dire que si Obama était si fabuleux, Clinton aurait du passer dans un fauteuil ? On peut déplorer qu'il n'ait jamais eu un Congrès et un Sénat vraiment à sa main, mais tout de même : 2 mandats, 8 années de pouvoir et 8 années au cours desquelles les inégalités ont continué leur trajectoire folle, aucune résorption des inégalités liées à l'origine ethnique, aggravation des inégalités scolaires... Un léger mieux sur la santé, mais c'est tout. Trump ayant balayé l'Obamacare sitôt arrivé à la maison Blanche, Barack pourra pavaner que c'est la justice qu'on assassine. De fait, comparé à Trump, Obama fait figure de progressiste, exactement comme Macron face à le Pen ou Trudeau face aux autres...
On ne peut empêcher ces types là de jouer sur le récit personnalisé. C'est de bonne guerre. Jeunes, aux dents blanches et aiguisés, avec toujours un peu de mystère, un truc différent (couleur de peau et passé de travailleur social pour Obama, combat de boxe, tatouage et surf pour Trudeau, le théâtre, Ricoeur et épouser sa prof de français pour Macron) sur lequel on glose jusqu'à après-demain. Fort bien. Les individus se distinguent, certes, mais leurs idées ? On ne peut plus confondant de conformisme mou, spongieux, gentiment défaitiste face aux ploutocrates. Leo Varadkar fait pareil, il met en avant son âge, ses préférences en termes de galipettes et sa couleur de peau. Les plumes reprennent. Thatchérien passe au second plan. Le type est un champion de l'austérité, en tant que responsable des comptes sociaux a proposé de torpillé tout ce qui peut ressembler à une sécurité sociale, croit que l'on est coupable d'être malade et que l'on doit payer sa guérison. Voilà ce qui doit primer, mais il faut aller loin dans l'article pour qu'on vous en cause...
Début 2016, les Etats-Unis avaient la possibilité de choisir quelqu'un de bien plus différent qu'Obama. Sur le papier, un vieux mâle blanc de plus, un peu prof, un peu juif, pas très intéressant pour la presse. Ajouté à cela que le parti démocrate le haïssait et on n'en parlait plus. Malgré une opposition partisane et médiatique très forte, Sanders failli battre Clinton, un mois de campagne de plus et il tapait la représentante d'un establishment à bout de souffle. Sa campagne avait fait la pédagogie de ce qui le différenciait d'Obama/Clinton : réforme fiscale, rémunération du travail, notamment du SMIC, protection sociale, coût de l'éducation, pour la première fois depuis, allez, Roosevelt, un programme, une identité collective vraiment différente arrivait. Le choix ne fut pas retenu et nous voici avec l'autre fou de Trump. On pourra s'interroger longtemps sur la responsabilité du traitement médiatique qui fut réservé à Sanders, croqué comme un vieux grincheux un peu frondeur...
Il paraît que lorsque le sage montre la lune, l'imbécile regarde le doigt. On pourrait dire qu'aujourd'hui le sage montre le programme et les imbéciles commentent les portraits... Soupir.
11:57 | Lien permanent | Commentaires (19)
Commentaires
Sujet non dépourvu d'intérêt ( quand Castor s'abstient de mélenchoner , il lui arrive de tenir des propos pertinents)
Version appliquée à la politique d'un débat très ancien en philosophie et en critique littéraire : un auteur doit -il être apprécié en fonction de ce qu'il dit et écrit ou au vu de sa biographie ( plus ou moins arrangée ) ?
Heureux hasard : je viens de parcourir quelques études sur La Princesse de Clèves ; il s'agit le plus souvent de laborieux pensums sur la vie de Madame de La Fayette , son milieu , ses amis , chaque "spécialiste" ne faisant que répéter ce qu'on dit ses prédécesseurs ...
Un de ces études ( Pierre Malandin, " Etudes littéraires " , PUF 1985 ) sans négliger les aspects biographiques et sociologiques de la question , se consacre essentiellement au texte lui-même , en s'efforçant de le comprendre en soi , comme une sorte de "message trouvé dans une bouteille " et qui ne dirait que ce qu'il veut dire ...
Écrit par : ...Anna -Lisa .... | 05/06/2017
Moi aussi j'attribue un bon point ( sur ce point ) à Castor .
Le travers qu'il dénonce n'est pas qu'une affaire de com' : nombreux sont les acteurs , commentateurs et consommateurs de politique qui font preuve de paresse intellectuelle et s'en remettent , pour se faire une opinion , à des clichés simplistes , nourris d'informations rudimentaires ou inexactes , parfois complètement fausses
Ce n'est pas trop grave s'il ne s'agit que d'un travers ; mais il arrive trop souvent que ce soit une manière de penser ( ou de ne pas penser) : le personnage que l'on critique ou célèbre , est pour ainsi dire déshumanisé ; il n'es pas ce qu'il EST ( sa parole , ses écrits, son apparence ) mais ce qu'il est censé être compte tenu de ce que l'on croit savoir de lui
( sa " bio" , ses appartenances supposées ...)
Écrit par : ...Euphémie .... | 05/06/2017
Un bon sujet et un assez bon papier ; mais Castor n'est pas totalement indemne de la dérive qu'il dénonce : sa prose véhicule sur toutes choses des idées reçues qu'il exprime dans une rhétorique stéréotypée , quasi automatique , surtout quand il "mélenchone "
Écrit par : ...Ravachol .... | 05/06/2017
Si j'ai bien lu l'article de Castor , le problème qu'il pose est celui moins du contexte ( ce que dit Anna-Lisa de la Princesse de Clèves ) que des singularités biographiques complaisamment évoquées par certains personnages et les médias qui en traitent ( gay , métis ...) , ce qui relève de la com .
Taine avait déjà , à propos de certains écrivains, et d'une façon trop systématique , mis en avant le contexte ( "milieu , "race ", "moment " mais aussi un " trait dominant" censé représenter la personnalité de chacun , grille de lecture efficace mais quelque peu réductrice .
A rapprocher de l' " idée dominante " censée rendre compte , selon Bergson , de l'ensemble du " système" d'un philosophe
( " de la précision en philosophie " dans les premières pages de " La pensée et le mouvant " : exemple développé : Spencer )
Écrit par : ...Barbara .... | 05/06/2017
Tout ceci vole un peu trop haut pour la sociologue de proximité que je me contente d'être ; mais le texte de Castor pose un vrai problème .
Pour ma part , quand je veux essayer de comprendre un personnage , je ne me soucie guère de ce qui se dit de lui , ni de ce qu'il dit de lui-même ; je l'écoute , je lis ses écrits , je suis attentive à sa gestuelle .
Quant aux " bios", si je dois les prendre en compte, je le détricote minutieusement : elles sont le plus souvent lacunaires et inexactes ; affaire de com'...
Écrit par : ...Sidonie .... | 05/06/2017
Parfois , un personnage public qui met en avant une singularité susceptible d'être critiquée ou brocardée ( gay , métis , mère ou père célibataire par exemple ) le fait afin de pouvoir se poser en victime .
C'est le cas des " fiertés" invoquées à tout propos ; être ceci ou cela , et minoritaire , cela n'implique pas que l'on ait à en être fier ni honteux .
Écrit par : ...Lysistrata .... | 05/06/2017
"quand je veux essayer de comprendre un personnage , je ne me soucie guère de ce qui se dit de lui , ni de ce qu'il dit de lui-même ; je l'écoute , je lis ses écrits , je suis attentive à sa gestuelle "
C'est la bonne méthode , chère Sidonie ; dans le même esprit , un exercice à la fois efficace et amusant : se concentrer sur quelques lignes d'un livre en faisant comme si l'on ne connaissait que cela de son auteur ; en tirer le maximum . Faire un sort à chaque mot , comme un scientifique le fait sur une minuscule poussière venue de l'espace ..
Écrit par : ...j Mentor .... | 05/06/2017
Deux approches contradictoires , notamment chez les gens de "gauche" , de la personnalisation de la politique :
-on la critique , lui préférant le " collectif " , voire l'anonymat
( ex : le leader du PS est dit "premier secrétaire " , un parmi d'autres )
-on l'exagère : Staline , Secrétaire Général du PC et héritier du Tzar
Écrit par : ...Séraphita .... | 06/06/2017
Melenchon , apôtre du collectif et leader charismatique à l'égo enflé , qui porte aux nues Castro , Chavez et autres dictateurs
Écrit par : ...Léo .... | 06/06/2017
Macron combine assez bien pour l'instant le vertical et l'horizontal , dans ses postures et les symboles qu'il mobilise .
Écrit par : ...Saint-Thèse .... | 06/06/2017
Un grand merci pour ces suggestions ; j'en tiendrai le plus grand compte .
A cette heure , à la demande de l'ambassade , je rédige une fiche sur mon voyage à Amiens et ma découverte de la France profonde : aucune trace d'anti trumpisme primaire , bien au contraire : on apprécie sa franchise , son climato scepticisme , son projet de mur avec le Mexique
La trumpophobie : une mode parisienne ...
Écrit par : ...Trumpette .... | 06/06/2017
Message destiné au sujet précédent " vies maquillées " , placé ici par erreur ; mon expéditipn avec Léo m'a troublée ...
Écrit par : ...Trumpette .... | 06/06/2017
Errare humanum est , chère Trumpette ...
Écrit par : ...Pépé Castor .... | 06/06/2017
Trumpette " troublée" , ça se comprend ! je l'aurais été à moins
La prochaine fois , chère Trumpette , prenez avec Léo la route du Grand Ouest et faites étape à la Douceur Angevine ; nous disposons d'une grande chambre d'amis .
Écrit par : ... Mémé Octogénie .... | 06/06/2017
"Macron combine assez bien pour l'instant le vertical et l'horizontal , dans ses postures et les symboles qu'il mobilise ."
( Léo )
Le vertical convient mieux aux grands qu'aux petits ; Sarkozy, pour se présenter à bonne hauteur , portait des chaussures à talon ; Napoléon se poussait du col ...
Un petit a plus de facilités pour l'horizontal et n'a pas de mal à bouffer la moquette
Macron se situe dans la bonne moyenne .
Écrit par : ... Euphémie .... | 06/06/2017
"Quant aux " bios", si je dois les prendre en compte, je le détricote minutieusement : elles sont le plus souvent lacunaires et inexactes ; affaire de com' " ( Sidonie)
--------------Détricoter les bios , un de mes sports favoris ;
Pas seulement les bios et récits de vie , également les confidences que lâche de temps en temps tel ou tel au détour d'un article ; si on a assez de patience pour les mettre bout à bout , on découvre des choses surprenantes , la confidence lâchée étant moins construite que et prudente que la bio fabriquée .
Écrit par : ... j Mentor .... | 06/06/2017
Les petites confidences de Castor ne manquent pas d'intérêt : son job , le beau linge qu'il fréquente , les Importants qu'il cite
Lui échappent-elles ? je n'en suis pas absolument certaine ; il me donne l'impression de sculpter patiemment sa statue , au fil de ses articles ...
Peut-être s'agit-il d'une technique qui lui a été enseignée ...
Écrit par : ... Sidonie .... | 06/06/2017
Confidences spontanées ou construites ? Je ne prononce pas ; sans doute se livre-t-il davantage sur Face -Book , que je fréquente pas ( une machine à gonfler l'ego )
A propos de Face-Book : je connais une famllle qui s'est déchirée à mort à la suite de propos imprudents tenus par l'un de ses membres
Une mine d'or aussi pour un dirigeant d'entreprise ou un responsable de l'administration qui cherche à se débarrasser d'un collaborateur
Ce n'est pas parce qu'on le dit à tort et à travers que ça n'existe pas ...
Écrit par : ... J Mentor .... | 06/06/2017
Ceux qui font des confidences sur les réseaux sociaux en n'ignorant pas que c'est dangereux ; ça me rappelle ce que m'a dit un vieux flic de ma connaissance :
Un célèbre truand des années 50 qui se savait " écouté " par la police continuait à utiliser son téléphone pour se vanter , notamment auprès de certaines petites dames ; résultat : 15 ans de taule ...
Écrit par : ... Sidonie .... | 07/06/2017
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