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26/08/2017

Doublement du plafond de l'auto-entrepreneur : et au milieu coule le salariat...

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C'est une réforme qui fait peu de bruit, comparée aux conséquences qu'elle aura sur le marché du travail. Bruno le Maire a annoncé récemment qu'il allait doubler le plafond de chiffre d'affaires alloué aux auto-entrepreneurs. Ca n'a l'air de rien, technique, ennuyeux, mais c'est grave. Les bonnes âmes de la macronie vont nous vendre cela de façon sympathique, entonner le couplet des "énergies vives de la nation qu'il faut libérer" alors qu'en réalité c'est une vague hyper violente de dumping social. Ce statut est né il y a 10 ans au début du mandat de Sarkozy avec une idée simple : permettre à tout un chacun de facturer des prestations commerciales ou artisanales. En dix ans, le plafond a été augmenté régulièrement avec l'inflation. Il est de 33 000 euros par an en prestation, une fois payé les 20% d'URSSAF, un auto entrepreneur au taquet gagne 2200 euros nets par mois, sans aucune forme de protection sociale, sécu, mutuelle et surtout aucune retraite. Si l'on est en dessous, si on a une activité salariée à côté qui permet d'être couvert, on garde ce sas très pratique, mais aussi et surtout très précaire. Tous les indépendants qui fonctionnent bien, tous ceux qui dépassent le plafond passent en indépendant dès qu'ils le peuvent. Comme on aime à parler de "charges" plutôt que de "cotisations", ils ont l'impression de se faire tondre alors qu'ils sont en réalité enfin couverts. Là, en doublant le plafond, on arrive à un seuil mensuel placé à 4 400 euros nets par mois, ça ne va pas laisser grand monde...

Et c'est bien là le drame, car cette petite réforme va donc massivement précariser les travailleurs français dans leur ensemble. Les employeurs sont friands de ce statut de l'auto-entrepreneur, qui leur permet de contourner les formes de salariat classiques qu'ils jugent trop onéreux : nombre d'établissements d'enseignement supérieur demandent ainsi à leurs intervenants de se constituer sous cette forme juridique plutôt que de les payer en tant qu'intervenant (et donc de payer eux mêmes leurs cotisations) en faisant miroiter aux bénéficiaires un salaire plus élevé en net. Certains employeurs culturels (de plus en plus, hélas) plutôt que de payer en cachet les artistes et techniciens qui peuvent ainsi accéder à l'intermittence, leur demandent de facturer en autoentrepreneur. Et ainsi de suite, dans les start up, passés les 9 mois de stage, on tire encore un peu en payant en auto-entrepeneur plutôt que d'embaucher pour ne pas "décourager les investisseurs". Première perte en couverture sociale pour les travailleurs. Seconde perte, en pouvoir d'achat comme dans toute négociation classique, les employeurs malins jouent sur le statut pour demander des prix plus bas : vous me faites 1 000 en facture ou 800 en autoentrepreneur car je sais que vous vous y retrouvez. Troisième perte pour l'État, puisque ce sont beaucoup moins de rentrées de cotisations avec ce système. Tout le monde est perdant, fors les employeurs.

Il y a 8 ans, quand je me suis installé à mon compte, j'ai moi même bénéficié de ce statut que j'ai pris pour ce qu'il doit être : un marchepied. La seconde où je dépassais les plafonds, je rentrais dans une logique d'indépendance et donc de protection. Là, en mettant des seuils pareils, Le Maire et Macron vont généraliser le recours à ces prestations volatiles, précaires à souhait : avec de tels plafonds, les employeurs pourront embaucher les mêmes personnes en permanence sous ce statut... Combien de commerciaux, d'itinérants, d'employés de sécurité et autres chauffeurs de remise vont être ainsi mis en indépendants malgré eux avec les yeux pour pleurer si jamais ils se cassent une jambe ? Ils s'en foutent. Dans leur projet de big society à la Cameron, seuls comptent les indicateurs classiques et là, ça a l'avantage de contenter les boîtes qui n'ont pas à faire d'embauche ferme tout en faisant baisser le chômage puisqu'un autoentrepreneur qui gagne 100 euros par an n'est plus un chômeur. Youpi...

C'est dès le début de ce quinquennat qu'il faut se mobiliser, ne pas se laisser endormir par les "laissons leur une chance" car, quand ils s'installent dans le temps, là où le progressisme passe, la gauche trépasse. C'est un luxe qu'on ne peut s'offrir face à la montée des inégalités sociales et des périls environnementaux.

 

 

 

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