30/08/2017
Rémunérations astronomiques : comparaison, piège à cons
Invité sur France Inter à commenter l'actualité économique, le PDG de Véolia Antoine Frérot a répondu à cette première question "vous gagnez 2 millions d'euros par an. Est-ce trop ?". Cette question, parce qu'elle ne ferme pas la porte aux comparaisons, est une impasse. On n'obtiendra jamais le débat que l'on mérite sur les rémunérations indécentes tant que l'on ne fermera pas cette voie comparative. Evidemment, Frérot a répondu non. Il a dit que tant que l'on regardait ce que gagne les autres PDG du CAC, il n'y avait pas à s'alarmer, il était même en dessous. A peu de choses près, il nous demandait un coup de main pour resserrer son auréole. Pensez ! Par rapport aux PDG de Carrefour ou de Renault, là, c'est trop, mais lui c'est raisonnable. Peu de temps après, il vous parlera de Neymar, ou de Jean Dujardin, bref, il se trouve toujours un plus indécent que soit jusqu'à ce qu'on arrive tout en haut de la pyramide, jusqu'à Bill Gates... A qui personne ne parle de ce qu'il gagne pour se contenter de génuflexions polies devant ce qu'il donne pour lutter contre le paludisme et le SIDA....
Comme le pointe fort justement le philosophe Patrick Savidan dans "voulons-nous vraiment l'égalité ?", jamais les inégalités mondiales et nationales n'ont été aussi documentées, détaillées et pourtant elles continuent à croître dangereusement... Le rapport de rémunération entre un ouvrier et un grand patron est passé de 1 à 30 dans les années 80 à 1 à 400 en 2016. Lesdits grands patrons le savent, raison pour laquelle ils savent fort bien que la seule réponse honnête à la question initiale est "oui, beaucoup trop". Mais encore une minute, monsieur le bourreau, tant que la répartition de la production de richesses est à ce point scandaleusement biaisée, laissez nous en profiter... Evidemment que c'est trop et seule une déconstruction précise et attentive de la création de richesse permettrait de voir en quoi cela est trop. Chez Mc Donald's, la richesse de l'entreprise est-elle crée par ceux qui suent et acceptent d'empester la frite, ceux qui négocient les matières premières pour les mettre dans les sandwich, ceux qui nettoient les restaurants, ceux qui les construisent, aident à les faire connaître... Ou ceux qui mettent du pognon pour ouvrir plus de restaurants ? Sans doute un peu tous, mais nettement plus les premiers... lesquels captent de plus en plus une part epsilonesque de cette société. Dans l'économie numérique, l'immense majorité des profits sont suscités par des ingénieurs qui luttent pour créer et coder des algorithmes visant à simplifier le produit et des soutiers de plus invisibilisés. Les premiers sont décemment payés, mais ça sont des miettes par rapport à ce qu'ils produisent. Ce sont ces opérations de déconstruction que l'on ne fait plus l'effort de faire. Idem pour Neymar et son salaire pharaonique ou Jean Dujaridin et ses cachets fous. Rien, dans leurs pratiques ne peut justifier de tels émoluments aussi indécents. Quand on ne fait que comparer on ne cherche plus à justifier et c'est bien dommage car au nom de la décence commune, c'est littéralement injustifiable.
Il en faut en finir avec ce concours d'orgueil (je reste poli) mal placé, sortir d'une logique comparative et ramener ces 0,01% d'indécents à leurs motivations premières : au fond, les artistes cherchent des projets exaltants, éventuellement la célébrité et la consécration, les sportifs veulent la victoire et les patrons le pouvoir. Il n'est pas dit, pas écrit que cela doive toujours s'accompagner de l'argent.
18:08 | Lien permanent | Commentaires (0)
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