25/07/2019
L'abeille et le moustique
Profitant des vacances pour relire des classiques et trouvant dans une demeure familiale Les contes de la Bécasse, je lisais à l'ombre pour échapper au cagnard. Ces courts récits qui en disent long sur la société française du XIXème frappaient mieux l'opinion d'alors que nombre de discours. Quand bien même le nombre de lecteurs était congru, le bruit se répandait vite. Aujourd'hui, des vidéos virales ou des séries engagées sont doute le moyen le plus sûr de répandre des vérités qui dérangent et sont trop tues. Je me mettais à divaguer et rêvais que quelqu'un ne produise "l'abeille et le moustique".
Tout le monde aime les abeilles. Moins agressives que les guêpes, elles piquent beaucoup moins les hommes et nous donnent du délicieux miel. Le dérèglement climatique à l'oeuvre les condamne et malgré quelques tribunes et articles, ça n'émeut pas grand monde. Pourtant, nombre d'illustres scientifiques, Einstein en tête, nous ont prévenu que le jour où elles disparaitraient, ça serait la fin de la civilisation car elles sont essentielles à l'écosystème. Mais ça ne suffit pas. Parce que, pour qu'on veuille sauver le héros d'une production, il faudrait un méchant que l'on souhaite stopper. Or, en l'espèce, il faudrait que collectivement, nous nous passions les menottes au poignet et nous traînions au tribunal pour notre complicité d'écocide... Peu probable.
En revanche, si on trouvait un grand méchant que personne n'aime comme les moustiques, on pourrait produire de l'empathie. Personne n'aime les moustiques sauf certains marginaux parmi les masochistes, mais ça ne fait pas grand monde. Personne ne les aime, ils piquent tout le monde, tout le temps, nous empêchent de dormir et sont de plus en plus nombreux, une armée aussi pénible que les white walkers, qui reviennent sans cesse plus nombreux. Avec le dérèglement climatique, ils piquent de plus en plus tard, jusqu'à la Toussaint et bientôt on pourra se poser la question, "y aura-t-il des moustiques à Noël ?".
Ajoutez à cela qu'ils mutent, avec cette saloperie de moustique tigre importé d'Asie dans les années 2000 et qui transmettent le chikungunya, Zika et autres véroles, et qui sont présents dans un département sur deux, désormais. Les moustiques porteurs de paludisme finiront par arriver jusqu'à Nice, eux aussi... Ce tout petit méchant a vraiment de quoi inquiéter. Enfin, les querelles continuent pour savoir s'ils ne sont pas uniquement nuisibles. Certes, ils constituent la nourriture première de nombre d'oiseaux, mais un certain nombre de biologistes distingués avancent que leur disparition de la surface du globe ne changerait rien pour les autres habitants. On tient le méchant idéal.
Une disparition alarmante, une prolifération exaspérante, toutes deux liées au dérèglement climatique. Avec un scénariste un peu roublard aux manettes, on oublie cette histoire de responsabilité humaine et on imagine des commandos humains désireux de sauver les abeilles et de mettre fin à l'expansion des moustiques. Pour ce faire, ils ferment des usines polluantes, interdisent certains types d'agricultures et de transports, interdisent l'obsolescence programmée.... Joie des séries, on peut faire une ellipse de soixante ans (personne ne remarquera que les abeilles et les moustiques ont changé et comme les humains sont tous seconds rôles...) pour constater que le réchauffement a été endigué, les zones humides sont régulées et les moustiques, enfin, nous foutent la paix. Quand je dis "nous" ça n'est ni vous ni moi, ni tout ceux de notre génération. Je crains que ça soit à cause de ce seul détail que peu de monde se presse pour faire gagner les abeilles. L'avenir de la planète ça sera moustiques partout, justice nulle part. Un peu comme l'île Moustique, quoi.
22:46 | Lien permanent | Commentaires (27)