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31/07/2019

Où sont Charlie, Rémi et Steve ?

A propos de la mort de Steve Maia Caniço et de l'intolérable silence qui s'en suivit, un ami écrivit "si ça ne t'émeut pas, dis toi que cela pourrait être le Mexique". Il faisait ainsi référence à l'enlèvement de 43 étudiants par les policiers mexicains, atrocité non suivie d'enquête. Ils étaient "disparus". Les proportions changent, la nature du régime reste.

Il y a un avant et un après Charlie dans notre rapport aux forces de l'ordre. Fin octobre 2014, Rémi Fraisse mourait suite au jet d'une grenade par la police venu déloger les opposants à l'installation d'un barrage à Sivens. Il y eu beaucoup d'émotions, la démission du ministre de l'intérieur (Cazeneuve) était dans la balance, les parents de Rémi avaient accès à l'enquête... On était dans une démocratie classique où, suite à la mort d'un de ses enfants, on pouvait enquêter, contester et critiquer les forces de l'ordre (le père de Rémi Fraisse a poussé l'affaire en cassation pour demander des éclaircissements sur la différence de traitement entre gendarmes et policiers)... 

3 mois après Rémi Fraisse, la France était frappé une première fois par les attentats. La première d'une série d'une dizaine d'attaques sur 3 ans. Depuis janvier 2015, nous trouvons légitime (et moi aussi, hein) que la police tue ceux qui veulent assassiner des civils en masse. Après tout, "l'état a le monopole de la violence légitime" disait Weber et tuer des assassins furieux est sans doute légitime. Mais leur complices ? Et ceux qui pourraient l'être ? Peu à peu, l'Etat étend, gonfle, déploie la zone de sa violence légitime sans fin...

Avec l'État d'urgence, nos lois anti terroristes ont servi à arrêter et violenter les militants de la ZAD de Notre Dame des Landes, ceux de L214, Extinction Rebellion, les gilets jaunes, les opposants à la loi El Khomri, les militants de Nuit Debout... Tous ces militants, politiques, mais à 99% pacifistes, violentés, molestés, défoncés, avec un assentiment populaire confirmé à longueur de sondages diffusés à longueur de chaînes infos. 

Avec Steve, on monte encore d'un cran dans l'illégitimité de la violence. En reprenant les faits les plus bruts dont on dispose, il s'agit à la base d'un tapage nocturne. Un bis repetita sur un tapage nocturne, certes, mais une infraction plus que minime, tout de même. L'intervention des pandores s'est soldé par quinze personnes dans l'eau d'un fleuve aux courants très violents. On aurait pu avoir 15 morts. Ou 10. Ou 3. Il n'y en a eu "qu'un", c'est un de trop, mais ça aurait pu être encore pire tant l'action policière était disproportionnée de façon hallucinante...  

Compliqué de savoir d'où vient ce sentiment d'impunité chez les policiers. Ni Macron ni Castaner n'ont appelé la police de Nantes à 5h du mat' pour dire "balancez des grenades pour déloger les fêtards, ça leur fera les pieds". C'est encore pire qu'une dérive personnelle, ce sont nos institutions qui ne nous protègent plus, qui ne protègent plus nos enfants. Tout cela a commencé sous Hollande qui a beaucoup de défauts, mais pas le goût de l'autoritarisme policier. Au fond, nos dirigeants ne veulent plus se poser la question du maintien de l'ordre. Ils délèguent à une police qu'ils ne régulent plus et ces derniers ne sont pas redescendus, n'ont pas compris que leur totem d'immunité ne valait que pour les terroristes et qu'on ne peut pas user et abuser des grenades à tout bout de champ, fut-il un champ de rave... 

Dans cette histoire on ajoute du drame au drame. Steve est mort et la culpabilité de la police ne peut être éludée. Reste à évaluer le niveau de responsabilité exacte. L'enquête de l'IGPN est une honte et une mascarade, un premier ministre pouvait le dire sans peine. Il ne l'a pas fait. Ses déclarations sur "la transparence totale" n'engagent que ceux qui y croient. De Rugy disait bien la même chose pour ses dîners. Nous voila bien... Comme disait le philosophe, "la mort de Steve, ça pourrait être le Mexique". Nous en prenons le chemin...