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27/11/2019

Les violences faites aux femmes n’ont rien d’extraordinaire.

La chose la plus frappante dans la manifestation de samedi dernier, c'était sa diversité. Les reportages ont pointé la présence de presque 1/3 d'hommes, ce qui n'est pas faux, mais bien au-delà, toute la France était présente. Il y avait des peaux et des cheveux de toutes les couleurs, tous types d'étoffes aussi. Je regrette que cette universalité de la marche ne fut pas suffisamment mise en avant car ça ne m'était jamais arrivé. Entre les marches sectorielles, les revendications particulières et autres manifestations de soutiens à une cause, il est rare de trouver tout le monde dans la rue. Pas plus les marches pour le climat (hélas) que les défilés du 1er mai ne reflètent à ce point la diversité du pays. Bien la preuve, malheureusement, que les violences faites aux femmes n'ont rien d'extraordinaire : elles sont partout.

Depuis ce week-end, j'ai eu deux dîners avec des mecs courroucés. Sans compter les innombrables commentaires outrés sur les réseaux sociaux, sous une photo virale "halte à la dicktature", où nombre d'hommes disaient leur mépris pour ces slogans essentialisant qui "les associaient à des assassins". Mes amis, l'un délicat l'autre moins, reprenaient à leur compte cette antienne en réclamant le droit bien connu au "pas d'amalgame". Je peux les comprendre dans la mesure où c'est évidemment une comparaison peu flatteuse, mais je les ai imploré de regardé la vérité en face : les violences sont partout, donc nul ne doit se sentir étranger à la cause. 

Les débats de ces derniers mois, la médiatisation de la cause, ont déjà eu des effets intéressants : nous étions cinq fois plus que l'an dernier dans la rue, la formation aux forces de police comme aux membres de l'administration judiciaire va être augmenté, un climat de renforcement de la vigilance, d'appel non pas à la libération de la parole des victimes (elle est déjà libérée) mais à leur écoute, se développe. Tant mieux. C'est bien évidemment insuffisant et à des années lumières du titre de "Grenelle" puisque nous n'avons pas donné l'aggiornamento de moyens comme les espagnols ont pu le faire. Mais un premier progrès est là et il faut redoubler de pugnacité pour faire céder les points de défaillances. 

Et parmi celles-ci, il y a le fait de considérer les violences comme extraordinaires, inouïes. En mettant la question des violences faites aux femmes et des féminicides dans la rubrique fait divers, on fait fausse route. La majorité des viols, des coups, des meurtres, sont dans la cellule familiale, et toutes les celles. L'un des mérites du film Polisse, sur les violences faites aux enfants, étaient de montrer des abus dans des caves glauques de HLM comme dans appartements richement lambrissés du XVIè, avec un père abusif et avocat qui savait se défendre, lui. Une fiction qui reprenait la réalité : les violences sont partout, dans tous les milieux. Je n'ai jamais été témoin de flagrant délit d'homme tapant une femme, mais des histoires qui bruissent autour de moi, j'en ai entendu, y compris chez des gens dits "insoupçonnables". On est bien loin des histoires de caves et parkings... 

Avant-hier, la femme du maire de Cabourg, a été condamné à 1 500 euros d'amende pour coups et blessures sur son mari dont elle a déchiré le pull et laissé un hématome. La preuve que les violences vont dans les deux sens comme aiment à dire ceux qui trouvent que le terme de "féminicide" biaise les débats ? Pas exactement, les coups ayant été donné en réponse à ceux infligés par Tristan Duval, maire de Cabourg, qui a tant cogné qu'il aurait tué sa femme sans l'intervention providentielle d'un cycliste qui passait par là... Duval fut condamné à une amende, mais la peine d'inéligibilité ne fut pas retenue. Il y aura appel en janvier prochain dont il pourrait se sortir sans souci et se présenter calmement pour sa réélection à la tête de la ville et sans doute, d'être réélu. Il faut séparer l'homme et l'artiste, donc pourquoi pas l'élu ? La main qui a cogné n'est pas celle qui signe des mariages ou des aides aux associations locales. Cette ville ne dépasse pas 4 000 habitants, mais je scruterais les résultats de près pour savoir si notre pays a un peu de dignité. 

20/11/2019

L'autre robinet à couper

Pendant que vous vous brossez les dents, pensez à coupez l'eau. Ce micro-geste, à force d'être rabâché inlassablement, a fini par rentrer dans les moeurs. Il faudrait qu'il en aille de même avec les infos. Une fois que vous avez bu votre dose matinale (radio ou presse écrite ou en ligne, ou les deux), pensez à couper le robinet des chaînes d'info en continu.

Ça n'a rien d'un sujet mineur. Les Cassandre de la fin de la télé auront peut être raison dans 50 ans, mais en attendant, en 2018, les français regardaient la télé 1 minute de plus par jour qu'en 2017. Il n'y a donc pas de déclin. Et ils la regardent 3h45 par jour. 3h45... Michel Serres avait coutume de dire que le temps que le progrès technologique et la productivité au travail était intégralement englouti devant la télé et que cela le laissait perplexe sur la nature humaine. 

Pour expliquer cette persistance de la télé, on ne peut pas compter sur la fiction qui est trop concurrencée. Il y a bien sûr le sport et les jeux crétins, mais aussi, beaucoup, les chaînes d'info en continu. Rien que ce nom est une aberration. L'info n'est pas en continu, il n'y a pas à commenter sans cesse la marche du monde, on a le droit de prendre des chemins de traverse, des pas de côté...

J'ai fait l'expérience, dans la chambre d'hôtel où je travaillais pour une après midi, de regarder ces chaînes pendant des heures. Ad nauseam. Je bossais en même temps comme j'imagine un grand nombre des téléspectateurs de ces chaînes que l'on trouve souvent dans des endroits où la concentration n'est pas aisée (bistrots, aéroports, halls d'entreprise....) et il est vrai que le niveau de ce qui se dit là n'exige pas que l'on se concentre beaucoup. De quoi parle-t-on, pendant des heures ? Là, en l'espèce d'un fait divers atroce (une femme enceinte tuée par des chiens de chasse), mais un fait divers. Auquel on a consacré un temps infini d'antenne car il est facile à monétiser : un duplex avec un JRI qui interviewe des riverains "j'avais déjà vu les chiens, maintenant j'ai peur", "j'aurais jamais cru que c'était possible", "pourquoi une femme enceinte se promenait-elle seule ?", dans une troublante imitation involontaire des micro trottoirs humoristiques... On a aussi beaucoup parlé des annonces de Philippe et Buzyn sur l'hôpital. Avec des invités en plateaux comme Nicolas Dupond Aignan, William Goldnadel ou Jean-Claude Dassier, que des mecs, que mecs de droite extrême, toutologues n'étant en rien éclairants sur la situation de l'hôpital public. Si je ne m'étais pas livrée à une expérience sociologique, j'aurais évidemment coupé. C'est inepte, jamais sourcé et fondé et fondé sur le besoin d'avoir une surenchère...  

Le fait que deux grandes chaînes se soient battues avec force enchères pour obtenir Eric Zemmour en dit long sur l'extrême-droitisation des écrans... Hier, il recevait Asselineau et commençait par "je suis ravi d'échanger avec quelqu'un avec qui je partage temps" et s'en suivait une haine de la fraude sociale, des immigrés, de Bruxelles, des fonctionnaires... Il y avait eu un petit buzz sur les chaînes d'info boycottant l'émission de Zemmour, mais les coupures pubs sont nombreuses et fournies.

Je connais quelqu'un qui fait d'excellents reportages long sur BFM, fouillés, fondés, de la belle ouvrage. Mais c'est vraiment l'alouette du pâté d'alouette au milieu d'un océan de boue. C'est dans le modèle de ces chaînes low cost, peu de journalistes mais beaucoup de types (les femmes sont clairement sous-représentées) qui acceptent de venir commenter l'actu gratuitement pour ensuite vendre leurs conseils avec la mention "vu à la télé). Beaucoup de redites, de propos de bistrots, et une valeur ajoutée suspecte.

3h42. Les français regardent la télé 3h42 par jour. Ils se mettent des shoots purs et quotidien de bêtise crasse, d'approximation et de haine des migrants... Coluche aimait à dire que pour que tout le bordel de pubs vantant des conneries s'arrête, il suffisait d'éteindre la télé. Je ne saurais mieux dire à propos des chaînes d'info... 

 

 

 

 

 

 

 

 

18/11/2019

La complexité à bon dos

Dans "pourquoi les riches votent à gauche", le journaliste et essayiste américain Thomas Frank torpille méticuleusement, vigoureusement, chirurgicalement, l'argument progressiste de la complexité du monde. Non pas que le monde ne soit pas complexe, il l'est, mais cette posture rhétorique du refuge derrière la complexité masque en réalité une soumission à l'ordre dominant.

Depuis Clinton jusqu'à Obama, les progressistes yankees ont abandonné en rase campagne toute réforme sociale au nom de cette sacro-sainte complexité. Ainsi de la séparation des banques de dépôt et et de spéculation, abandonnée car "c'est plus complexe que ça". Le fait que Goldman Sachs et City Group soient parmi les principaux financeurs des campagnes démocrates pourrait-il expliquer ce renoncement ? Populisme ! Poujadisme ! Non, c'est juste "plus compliqué". Le fait que nombre de conseillers de Clinton et Obama (la liste est fournie dans le livre) soient partis monnayer leurs talents en millions $ annuels dans lesdites banques miraculeusement préservées pourrait-il expliquer une attitude émolliente au moment d'examiner les responsabilités accablantes des grosses banques dans la crise de 2008 ? Populisme, poujadisme, c'est plus compliqué ! Quand on écoute les dirigeants progressistes apôtres de la complexité, on en vient à croire que les malheureux expropriés, ruinés, détruits par les subprimes, sont les responsables de leurs propres malheurs...

En France, nous avons exactement la même caste et les mêmes arguments. A propos de la taxe à 75% sur les revenus supérieurs à 1 million d'euros, Macron conseiller économique de l'Elysée disait que c'était "Cuba sans le soleil". Président, il a aboli l'ISF, instauré la flat tax et la limitation de l'impôt sur les salaires des banquiers. Il a aussi introduit le "droit à l'erreur" inversant de façon criminelle la présomption pesant sur les boîtes qui fraudent. Avant, elles redoutaient le gendarme. Maintenant, elles peuvent dire "oups, pardons, je ne savais pas, je vais juste payer ce que je dois et surtout pas d'amende". Elles peuvent d'autant plus tranquillement que Bercy est le 2ème plus gros plan social de ce pays (après l'Hôpital public...) et que les contrôleurs étant virés au profit de mouchards sur Facebook, les fraudeurs peuvent dormir et s'enrichir tranquille. C'est écoeurant. Si vous leur dites, les progressistes vous diront que "la réalité est plus complexe". Au début de son quinquennat, Macron avait d'ailleurs vanté la "pensée complexe" et on le comprend, personne ne voulant mettre en avant une pensée monolithe et bourrine. Dans la foulée, le fidèle Rantanplan qu'est Gilles Le Gendre avait dit "sans doute avons-nous été trop subtils, trop intelligents", façon de dire que ceux qui émettaient des doutes sur la politique de ruissellement étaient des crétins. 

La semaine dernière, s'ouvrait à Paris le procès des crapules de la BNP qui avaient refourgué à des pauvres hères un crédit d'une filiale suisse où nombre de petits épargnants ont foncé vers un produit financier miraculeux et après avoir acheté 200 000 euros et remboursé 150 000 euros de produits, se retrouvent toujours avec 180 000 euros de dettes... Les témoignages sont accablants sur ces familles brisées. Le principal accusé n'est pas à la barre, il s'agit du patron de la filiale, alors. François Villeroy de Galhau, ex dircab de DSK socialiste madré et désormais parachuté à la tête de la Banque de France. Face à l'évidence de sa responsabilité judiciaire, il répond "chat perché, carte complexe". 

Il est amusant de voir que les promoteurs de la complexité reprennent en coeur depuis 30 ans l'antienne tatchérienne du There is no alternative. Une politique complètement exempte de complexité reposant sur l'équation suivante : baisse des impôts des plus riches = davantage de compétitivité et investissements et emplois. Résultat partout en 30 ans, des milliardaires payant moins d'impôts que les classes moyennes, une fraude fiscale qui explose, un chômage et une précarité de l'emploi qui augmente (que ceux qui parlent des 4% de chômage aux US lisent deux secondes des études sur ceux qui sont hors radars des statistiques et se comptent en millions, les carabistouilles sur les chiffres en France sont beaucoup moins grossières, mais la logique manipulatrice est la même) et des inégalités qui se rapprochent dangereusement de ce que nous appelions naguère et avec condescendance, "le tiers monde".

La complexité à bon dos, c'est un cache sexe qui ne trompe plus grand monde et n'empêchera pas l'arrivée au pouvoir de ceux qui disent clairement leurs sombres desseins, Trump là bas. Le Pen chez nous. Nous sommes prévenus.