07/05/2020
L'année d'après arrive vite
En écoutant et lisant hier Nicolas Hulot, je me suis posé une question de côté : dans quelle case le CSA le met ? Parce que tout de même, son baril d'eau tiède présenté comme révolutionnaire, il l'a présenté sur la case reine d'Inter, sur Brut, le Monde... Un plan média de star pour un programme qui a une vertu écologique indéniable : il est 100% recyclé de ce qu'il n'arrive pas à vendre depuis des années. Et pourtant, ce matin, la droite lui tombe dessus, Le Point le qualifiant "de populiste autarcique" qui veut tuer la mondialisation. Hulot... Et si le CSA le comptait comme "divers gauche" ?
Hulot... Un mec qui doit sa fortune, ses 6 voitures et autant de maisons à Bouygues, bétonneur en chef. Un mec qui a méprisé la parole de ses victimes d'agressions sexuelles, qui a méprisé la démocratie interne quand il s'est fait écraser par Eva Joly sans la soutenir par la suite, qui a méprisé l'écologie en avalant un nombre record de couleuvres en un an de ministère (le summum étant sa défense de l'avantage fiscal pour l'huile de palme de Total car "ça crée de l'emploi"), il n'y a rien à attendre de ce type. Rien. Et pourtant, il parle. Il parle comme Jean-Jacques Goldman ou Michel Drucker parleraient. Populaires et inoffensifs. Mais il mange du temps d'antenne, de la bande passante, à celles et ceux qui veulent une autre donne sociale et écologique.
C'est désespérant et, en même temps, on ne peut s'en prendre qu'à nous mêmes. Hulot est-il tellement plus ridicule que ceux qui s'entretuent en permanence ? Bon, ok, il est plus ridicule, mais à peine... L'urgence des urgences, c'est de se compter. Nous sommes minoritaires. En voix, en effectifs prêts à sacrifier leurs soirées, leurs week-ends pour une campagne. Les européennes l'an passé ont confirmé que le bloc bourgeois et le bloc nationaliste surpassent de loin l'archipel des envies d'autres choses. Mêmes réunis, mêmes additionnés, les confettis sont minoritaires. Mais beaucoup moins. Assez pour qu'un coup soit jouable.
Vertu du confinement, des boucles Zoom s'organisent où les gauches se parlent, mais Mélenchon et Jadot n'y sont pas. Or, s'ils veulent y aller tous deux, la donne est finie. Pliée. Et je ne parle même pas des autres... Une armée de tigres en papier, anémiés de surcroît. Lors des européennes, la gauche a battu un record de divisions : ceux qui ont dit qu'il fallait à tout prix s'unir, Place Publique ont fini par y aller seuls (avec le PS), les Insoumis ont tapé sur les Verts, les Communistes ont tapé sur les Insoumis, les Verts ont tapé sur le PS, Benoît Hamon a voulu nous rassurer sur le fait qu'il soit vivant. Pendant ce temps, avec un bilan déplorable, un programme lamentable et une candidate navrante, Nathalie Loiseau faisait 22,5%, 10% devant les écolos. Caramba...
C'est triste, mais voilà que la gauche peut faire pire ! Les divisions sont toujours là au point que le concours n'est plus : qui sera le/la meilleur.e mais moins pire ? A ce jeu là, rajoutons Taubira qui incarne une forme de gauche morale, Montebourg qui a mis en acte ses idées depuis 5 ans avec ses entreprises agricoles, éthiques et locales, Vallaud Belkacem et Duflot la légitimité de la direction d'ONG... Je dois en oublier. Tant mieux, on n'a pas trop de talents, mais pas assez. Parce qu'il va falloir tout. Les moyens du PS, les militants du PCF, la puissance argumentaire de LFI, l'envie de renouveau qu'aimante EELV...
Sans prendre nos désirs pour des réalités, nous sommes minoritaires en voix mais majoritaires en aspirations. A condition de bien angler le débat : plutôt que "doit-on réduire la dépense publique pour éponger les dettes ?" poser la question de l'urgence du partage "comment allouer les 60 milliards de fraude fiscale annuelle : aux hôpitaux, aux écoles ?", la question de la justice "le CICE coûte 100 fois plus que les emplois aidés pour protéger un emploi : est-ce bien raisonnable ?" et ainsi de suite. Les services publics de proximité, la revalorisation des métiers en fonction de l'utilité sociale, un revenu minimum inconditionnel, une production relocalisée, pérenne... Les bases d'un changement de civliisation sont là, ça ne sont pas les idées, les contributions, les propositions qui manquent.
Il faut de l'incarnation. On peut le déplorer, on doit le déplorer au motif d'institutions obsolètes, d'un Parlement décoratif quand tout est centralisé, mais avant de pouvoir changer les institutions, il faut avoir les manettes. Et pour cela de l'incarnation, la boucle est bouclée. Comme le disait le philosophe Jean-Claude Monod, "nier la question du chef, c'est s'exposer à son retour monstrueux".
Alors, que faire me direz vous ? Je propose une situation inspirée du confinement, et de l'élection du pape, l'impératif féministe en plus. On sait qu'il nous faut un.e seul.e candidat.e. Enfermez-vous dans une grande bâtisse cet été, pendant un mois. Apprenez à vivre ensemble, à vous tolérer. Personne ne vous demande de vous aimer, de vous apprécier. Tolérer, ça suffit. Et on ne veut pas vous voir sortir avant que la fumée blanche n'annonce quelqu'un.e. Parce que l'année d'après arrive très vite et qu'il sera trop tard, alors. Si nous ne sommes pas capables d'imposer un seul nom, Nicolas Hulot reviendra nous hanter. Pitié, tout mais pas ça.
08:21 | Lien permanent | Commentaires (0)
Les commentaires sont fermés.