20/06/2021
Globalisation du ressentiment
Aujourd'hui on vote. Peu, voire très peu. Attendons évidemment 20h pour connaître les résultats, mais gageons que la photo du soir sera plus marquée par le ressentiment que par l'espérance. Ressentiment de celles et ceux qui s'abstiennent et ne croient plus aux grandes transformations sociales, au salut écologique par le politique. Ressentiment, aussi voire surtout de celles et ceux qui votent pour la France en sépia vendue par le RN. Peu ou prou, la carte de l'Amérique de 2016 où la présence de Trump n'avait pas empêché 50% des électeur.ices de s'abstenir et une part importante des votant.es (Hillary Clinton avait tout de même 3 millions de voix d'avance, putain de mode de scrutin) de choisir la vision héroïsée du passé de Donald Trump.
Cinq ans après, nous ressemblons beaucoup aux US. Même rage médiatique avec C News qui copie Fox News et la grève à Europe 1 ne les empêchera pas de basculer du côté obscur et de rejoindre Valeurs Actuelles, le Point et autres titres qui reprennent textuellement les mots de la fachosphère comme "islamo gauchisme" et "khmers Verts". Hier soir, le Figaro donnait la Une à une étude sur la délinquance de l'Institut pour la Justice (IPJ), un organisme affilié à l'ultra droite qui et présenté comme un think tank classique... La fenêtre d'Overton s'est tellement élargie qu'on peut parler de bow window...
Dans "Ci-gît l'amer, guérir du ressentiment", Cynthia Fleury montre bien comment on ne peut pas laisser les bobos narcissiques passés dominer le débat public sur le futur. Pourtant, c'est au nom de son double échec à l'ENA que Zemmour en veut aux "élites" c'est à cause du fait qu'une femme fut choisi pour les législatives de 2002 à sa place que Laurent Bouvet déteste les systèmes de parité et de diversité, parce qu'il fut dégagé par toutes et tous les chercheurs du CEVIPOF qui lui reprochait sa nullité académique que le même Bouvet vomit un imaginaire islamogauchisme à l'université. C'est parce qu'il racontait des conneries thatchérienne toute la journée sur France Culture que Brice Couturier fut moqué par ses collègues et il en a conclu à la dominante de gauche dans les médias...
Dans "J'ai vu naître le monstre : Twitter a t'il tué la démocratie ?" Samuel Laurent souligne que contrairement à ce que voudrait la doxa, cette extension du ressentiment est le fait, aux US comme en France, de boomers et non de jeunes. Des sexagénaires ou quinquagénaires bourgeois.es, installé.es, avec du temps et déplorant le fait que le monde d'aujourd'hui ne soit plus ceux qu'ils ont connu et qu'il leur plaisait plus. Songeons à l'arrêt de la revue du Débat, dont le dernier numéro fustigeait "la tyrannie des minorités" avec des articles écrit à 83% par des hommes, de 71,5 ans en moyenne...
Le problème n'est pas uniquement lié à l'état civil, Bardella à 25 ans, nombre de candidats du RN sont très jeunes aussi, Papacito et le Raptor Dissident ne sont pas vieux, mais l'ampleur de la vague médiatique, des chroniqueurs et grandes gueules de la sphère ressentimentale déplore surtout la fin de leur monde en commentant les faits divers les plus insolites, les plus incongrus, les moins représentatifs, comme si c'était la marche du monde.
Lénine qui répétait souvent qu'il ne faut pas ériger son impatience en dogme aurait sans doute convenu qu'il ne faut pas prendre son ressentiment pour la réalité.
08:01 | Lien permanent | Commentaires (0)
Les commentaires sont fermés.