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29/08/2021

Lucidité des déchirures, cynisme de l'union.

S'il fallait une ultime confirmation que la gauche est condamnée à la figuration en 2022, elle est venue ce week-end où tous les candidat.es putatifs se sont insultés entre eux. Le dernier sondage donne Jadot à 11%, Hidalgo à 9%, Mélenchon 7%, Roussel 2%. Bien sûr, on peut dire que cela pèse 29% au total. Mais ça c'est en théorie. Les régionales ont rappelé qu'un éparpillement de listes de gauche au départ ne donne pas 100% de report et d'addition au second tour (Bayou en Ile de France ou Orphelin en Pays de Loire n'ont pas fait le plein). Là encore, les optimistes pointeront que les listes qui ont réalisé une large union avant le premier tour ont gagné confortablement (comme Carole Delga). Si on est moins optimistes, ou plus lucides, on réalise que les unions ne sont plus possibles : contrairement aux régionales ou vous pouvez proposer des tas de Vice-présidence et autres fromages, les accords gouvernementaux anticipés sont souvent moins francs. Parlez en aux Verts et leurs accords avec Hollande, fin 2011. 

Surtout, on le voit bien : la division enclenchée et suscitée par Macron et reprise avec la délectation d'un chat face à un canari par nombre de médias, fonctionne. "Républicaniste" contre "indigéniste", "universaliste" contre "woke", "tenants du réalisme écologique" face aux "Amish". La gauche est tombée dans le piège de la division, et joyeusement... Hier, Faure à la tribune fustigeait "les woke" et "les indigénistes" sans que l'on sache bien ce que cela veut dire, mais on comprend bien qu'il s'agit de faire chier Mélenchon plutôt que de cogner comme un sourd sur Macron et Le Pen. Roussel fait pareil en défilant avec les syndicats d'extrême droite de flics pour ne pas être "angéliste", LFI tape sur les écologistes en toc comme Jadot, Hidalgo parle de "l'irréalisme" du programme de LFI... Plus ils se tapent tout le temps dessus, moins l'union est possible. Et si, par un miracle digne d'un Disney, une seule tête sortait du chapeau, jamais ô grand jamais elle ne ferait 29%. Le niveau de ressentiment est beaucoup trop fort.

Il remonte à 2017. Il a manqué 600 000 voix à Mélenchon pour être au second tour. Hamon en a récolté 2,3 millions. Comment ne pas ressentir une forme de rage ? Bien sûr que nombre de hamonistes auraient voté Macron ou se seraient abstenus pour ne pas voter "pour un soutien d'Assad et de Maduro", je me souviens de l'ambiance. Mais on peut quand même se dire qu'une moitié lui aurait donné leur voix ce qui le mettait loin devant Fillon et Le Pen... Forcément, ça enrage. Aujourd'hui, quelle que soit la configuration, aucun candidat ne fait le plein. Les socialistes et certains verts ne voteront jamais Mélenchon, lequel ne se désistera pas mais s'il le faisait les électeurs LFI ne voteraient jamais Hidalgo ou Jadot. Seuls ces deux là peuvent encore fusionner, le reste faut oublier. La division est le symbole d'une grosse lucidité : arriver en tête pour avoir le leadership et la dynamique pour 2027. Peuvent pas viser plus.

A droite, en revanche, on voit bien le cynisme de l'union. Wauquiez et Retailleau remisent leurs ambitions personnelles car ils sentent le coup possible. Bertrand, constant, pilonne Macron et Le Pen mais n'insulte pas Pécresse ou Barnier, qui font de même. Évidemment qu'ils se haïssent, mais ils n'en disent pas un mot. Ils se souviennent des stigmates de 2016 où Fillon était "dur", Juppé "mou", Sarkozy "foutraque", ça laisse des marques. Donc ils se concentrent sur l'essentiel : ils sont tous contre l'immigration, contre l'islam, contre l'écologie punitive, tout ce que leur base adore. Ils vont bluffer jusqu'au bout et se rangeront aux sondages. Bertrand peut dire ce qu'il veut, ce maquignon sait que deux candidats LR sur la ligne de départ, c'est fini. Un seul, c'est jouable. La France a viré tellement réac et fermée ces dernières années et la grosse Bertha des médias Bolloré aidant, il faut hélas s'accorder sur le fait qu'un nombre croissant de française.s trouvent encore Macron trop timoré sur le régalien. Et comme l'élection va se jouer là dessus... 

28/08/2021

Manifestations mortifères

La moyenne d'âge des patients en réanimation pour cause de COVID aux Antilles est de 35 ans. Les malades là bas sont sans doute plus âgés, mais la saturation des hôpitaux est telle qu'ils n'accueillent plus de patients en réanimation au-delà de 60 ans. Forcément, ça fait baisser les chiffres. La dernière étude dispo dit que le variant Delta double le risque d'hospitalisation, pas le moment de se relâcher...  Le COVID tue encore, infecte encore, cloue encore au lit des gens. Et avec le vaccin, on peut grandement éviter cela. Raison pour laquelle je continue à ne pas comprendre les gens qui manifestent pour le droit de ne pas se vacciner, le droit de faire circuler cette cochonnerie.

Leurs analogies grossières finissent par m'exaspérer. "Pourquoi ne pas interdire l'alcool si on doit interdire tout ce qui tue ?". Factuellement, l'alcoolisme tue 35 000 personnes par an, et représente 1/4 des lits d’hospitalisation ( pour complications directes, AVP, accidents /violences domestiques…). Certes, mais ça n'est pas contagieux, personne ne vous force à boire et là, pour le coup le fait de boire ne risque pas d'infecter les autres (sauf pour les femmes enceintes). Leurs petites blagues gratuites sont désespérantes de mauvaise foi. 

Dans "La société du risque" le sociologue Ulrich Beck montre magistralement la fine frontière existant entre prudence et excès de risque. Il montre surtout que nous le progrès nous a rendu risquophobe. La mortalité infantile était si forte jusqu'au début du XXème siècle qu'il ne venait à l'esprit de personne de chercher un responsable à la mort d'un enfant "c'est comme ça" ou "c'est la volonté de Dieu" étaient les arguments les plus employés. Grâce aux progrès considérables de la médecine, on a réduit ces décès jusqu'à quasi néant, au point que, lorsqu'un drame se produit, la sage femme, médecin voire l'hôpital s'exposent à des poursuites judiciaires....

Ce que montre Beck, c'est que la question du risque et de la protection est une question de dosage. La ceinture de sécurité, les sièges enfants : plus que raisonnable et bénéfique. Les portes en verre dans le métro : inutile (les désireux de suicide ne s'arrêtent pas à cela et les déséquilibrés qui poussent trouvent d'autres endroit) / Les portiques dans les aéroports : excessifs... Etc etc. Avec le COVID, on est dans les mêmes interrogations. 

Au début du COVID, nous avons sans doute trop protégé : fermer les parcs en plein air, interdire les plages ou les sentiers désestrés, c'était une claustration excessive. Mais avec le recul, on sait où les contaminations ont lieu : dans les lieux clos. Dès lors, demander aux gens qui s'y rendent de protéger les autres, c'est vraiment demander aux passagers de mettre une ceinture de sécurité. Ça n'empêchera à 100% un accident, mais ça réduit considérablement les risques et en cas d'accident, on a pas ça sur la conscience de se dire "quel con ! Pourquoi j'étais pas attaché ?". Cette semaine, je suis retourné dîner dans des restos à l'intérieur, hier j'étais à une fête dansante. Le Passe exigé à l'entrée n'assure pas à 100% que l'on ne peut pas être contaminé, mais montre que tout le monde a fait le max pour protéger les autres et ça libère, ça soulage. Après tout, à Noël, pour les fêtes de famille, tout le monde se testait juste avant. Par altruisme. On doit bien à toutes et tous le même altruisme qu'on offre à sa famille. Si le "vivre-ensemble" veut dire quelque chose, c'est bien ça. 

22/08/2021

Le grand oncle Paul avait raison : ils peuvent revenir.

À quarante ans passés, je n'ai jamais connu de conflits. C'est rare dans l'histoire, et mes contemporains l'oublient trop souvent. Je suis le premier de ma famille à être vraiment étranger à cela. Mon père est né pendant la guerre et fut objecteur de conscience pour ne pas servir en Algérie, il préféra enseigner le français aux réfugiés. Ma mère est née à New York car sa propre mère avait eu les moyens de quitter la France, en 1940, quand il ne faisait plus bon s'appeler Glassberg. Elle même avait pu venir en France car ses parents avaient pu fuir les pogroms d'Europe de l'est, toujours pour des raisons de patronyme modérément apprécié. Pour des gens qui dominent le monde et forçons les gens à se faire vacciner, je trouve quand même qu'on doit beaucoup déménager...

Ces traumas répétés, ces exodes forcés, la terreur rétrospective de voir à quoi on a échappé à perduré longtemps dans ma famille. Mais moi non, je suis un imbécile heureux de vivre en paix. À la faveur d'une insomnie, j'ai lu de nombreux reportages sur l'horreur de l'Afghanistan et je me suis remémoré ce que mon grand oncle Paul me disait quand j'étais tout petit : "Vincent, les diamants dans la valise, la valise sous le lit, le lit près de la porte, la porte près de la gare : ils peuvent revenir, Vincent !". 

Heureusement pour moi, ils ne sont jamais revenus car il n'y a plus de diamants depuis longtemps. Dans les périodes de guerres, on a rarement 3 mois pour vendre son bien au prix du marché. On prend tout ce qu'on a de valeur et je n'ai ni bijoux ni montre... Quelques livres rares, mais là encore, c'est encombrant et peu liquide... Ils ne sont jamais revenus en France, mais ils sont là, en Afghanistan. C'est la même logique, la même folie et le même lâche soulagement autour. Voir les Chinois négocier tranquillement la future gestion des réserves de lithium, d'autres guignent l'opium. Comme dans "l'ordre du jour" d'Eric Vuillard, on voit que l'appât du gain fait fermer les yeux sur bien des horreurs. 

En France, on joue à se faire peur en parlant de "ceux qui veulent importer Kaboul en France". Quelle indécence... Le même film a eu lieu il y a quelques années, avec Daech. Certes, il y eut d'atroces attentats, en France, mais il y en eut bien plus en Syrie, en Irak, en Afrique aussi. Depuis 2009, Boko Haram ("les livres sont pêchés") ont fait 36 000 morts, en Afrique. C'est là bas qu'il faut agir urgemment et plus urgemment que jamais, en Afghanistan. C'est trop tard pour empêcher la prise de pouvoir, évidemment mais pas trop tard pour sauver des centaines de milliers de familles. Dans les semaines à venir, une pression diplomatique forte peut permettre à des centaines d'avions cargos d'atterrir et décoller encore une fois de Kaboul. Et après cela, une pression plus forte encore pourra peut être limiter la catastrophe. Ils ont déjà annoncé que les femmes arrêteront l'école à 12 ans et on peut redouter que les lapidations et autres mutilations et mariages forcés ne reprenne dès l'installation effective du régime.

Je ne parviens pas à me dire qu'un régime comparable à notre référence absolue du mal, la domination militaire en moins (ils ont gagné sans combat et pour surarmés qu'ils soient, les talibans n'ont pas l'armée du Reich) s'installe sans que cela ne mobilise toute la communauté internationale.