Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

06/10/2011

On refait le premier tour.

thumb-le-droit-de-vote-en-france---presentation-et-histoire-1260.gif.jpgDimanche, sauf cataclysme, la gauche aura gagné. Gagné parce qu'elle aura réussi à intéresser une population que l'on dit de plus en plus sceptique pour ne pas dire rétive à la parole des dirigeants publics. Les audiences, les ventes de papier et autres saturation du trafic en ligne prouvent que le débat a permis de montrer qu'une attente était réelle. Je pense qu'on aura l'occasion d'y revenir, mais quel que soit le lapin qui sortira du chapeau socialiste, je crois que l'exercice donne une avance définitive au candidat à la rose sur les autres formations. 

Pour une raison toute bête: le premier parti de France, c'est l'abstention. A la présidentielle, il baisse toujours. En 2007 au deuxième tour, il n'atteignait même que 15% du total. Le différentiel de 20 à 35% s'opère en grande partie sur le terrain, parce que des milliers de personnes se font ambassadeurs d'un candidat, ce qui n'est pas le cas aux municipales ou régionales. Dans les dîners, à la machine à café, tout le monde parle de la présidentielle. Là, avec la primaire des milliers de personnes inintéressées ou peu intéressées se sont pris au jeu et ont hurlé "Martine" ou "François", "non moi c'est Arnaud"... Quoi qu'il se passe le 16 octobre, elles ne vont pas renoncer, même si leur poulain est éliminé. Elles vont s'investir pour faire chuter le nain. Cela redonne un avantage inespéré pour le PS : redevenir potentiellement un parti de masse. Je dis "re" mais ils ne l'ont jamais été : c'est un parti de notables, jamais présent ou si peu dans les luttes et les manifs, quelques délégués, mais c'est avant tout un parti de salons. Là, avec la scission en six sections, dont cinq socialistes, chacun comptait ses troupes et même Hollande ou Aubry ne pouvaient se contenter de l'existant, il a fallu se retrousser les manches et recruter. Pour ça, le PS a gagné.

Ils ont aussi gagné, n'en déplaise à Pécresse, Baroin et autre Chrisitan Jacob, la bataille des idées. Ils ont montré (à part Royal...) qu'ils savaient s'écouter et réfléchir ensemble à ce qu'il fallait faire l'an prochain. Ils ont paradoxalement leur tâche facilité par la crise. Tous les journalistes débiles disent "c'est plus dur d'être de gauche en crise car rigueur", mais bougre d'imbécile, la crise c'est la crise d'un système libéral, dénoncé par la gauche; donc l'occasion rêvé de le museler. Ceci permet à ce grand Tatchérien de Manuel Valls de prendre des accents gauchistes et à Hollande de soigneusement distiller quelques gouttes de changement dans un océan de gestion.

Ils ont gagné, enfin, parce qu'ils auront réussi à se faire un pitch commun pour la campagne à venir. On ne peut pas tout promettre, mais il faut sanctuariser l'éducation, la santé, attaquer la finance et reconquérir les quartiers populaires. Après, c'est évidemment une question de curseur, mais sur ces points, le triumvirat de candidats sérieux est d'accord. Reste trois excentriques.

-Baylet, le ravi d'être là. Voyons la question finale hier "pourquoi vous?", il parle d'autre chose, il était content de venir. Tant mieux pour lui. Suivant.

- Valls, l'erreur de casting. "Pour la TVA sociale, pour la compétitivité, pour un Etat stratège mais sans plus de service public". Mais mon Dieu ce type a un poste de Tatcher dans sa chambre, quel malheur de l'entendre dire "mais je suis de gauche", si c'est pas malheureux d'en être réduit à brâmer comme un Balavoine d'Evry.... Laissons tomber.

- Royal, Jeanne d'Arc II, le come back.  "Avec moi, tous les enfants seront heureux d'aller à l'école", voilà, pas la peine d'aller plus loin. "Pourquoi vous ?" "J'ai fait 17 millions de voix en 2007". Allez, elle est folle, inconséquente et n'a jamais dû voir un bilan chiffré de sa vie.

Reste les 3 sérieux.

- Montebourg, l'OGM (Obama grimé en Montebourg). Clairement le plus séduisant, il a rôdé un discours idéologique emballant, un peu pénible avec ses "approuve" et "n'approuve pas" comme des bons points, mais vif. Cela dit, hier, en écoutant dans le détail, je me suis rendu compte que l'aérien Montebourg manque parfois sa cible dans le détail. Il a pensé l'idéologie, mais dans le programme, on le sent encore hésitant.

- Hollande, le plus malin. Mon Dieu qu'il est malin. Et préparé. Hier, en écoutant sa minute finale, ça ne faisait pas un pli. Il est en tête car il est plus prêt que les autres. Il manie la boutade aisément et ménage le Valls comme le Montebourg. Bien. Mais homme de la synthèse il a toujours été et reste, comme un Rocard, un Delors, bref, un centriste. Un centriste brillant, mais un centriste.

- Aubry, la plus cohérente. Ses trémolos dans la voix à la fin soulignaient son émotion dans le discours. Elle ne voulait pas y aller, ne voulait pas tout sacrifier de sa vie privée pour ça, mais elle y va. Elle se sacrifie, fonce sans rien renier de sa croyance dans l'Etat, dans la politique. A l'heure où les sceptiques sont trop nombreux, c'est sans conteste une force irréfragable. Reste à espérer que cela la portera vers la victoire.

03/10/2011

Malaparte, ce génie.

malaparte.jpgSouvent les grands auteurs sont desservis par la médiocrité de leurs biographes. Ainsi de Romain Gary qui a été souillé post mortem par deux groupies, Dominique Bona et Myriam Anissimov, Malraux qui aurait mérité mieux qu'Olivier Todd (le père d'Emmanuel qui, en bon homme de gauche, a fait don de toute son intelligence à son fils) et tant d'autres.

Là, Malaparte est verni, il est resuscité par Maurizo Serra dont la finesse de l'analyse la dispute à l'élégance du style. C'est important quand on démarre un voyage de 600 pages dans l'univers d'un des plus grands auteurs du XXème qui a la particularité d'avoir écrit une oeuvre immense et vécut une vie trépidante. Malaparte n'était pas un écrivain en charentaises et quand il s'engageait dans la diplomatie ce n'était pas pour obtenir une prébende comme Stendhal ou pour s'y cacher comme St John Perse. Non, Malaparte débordait d'énergie et voulait vivre d'expériences fortes. La diplomatie en fut une, le fascisme aussi, le communisme aussi, la guerre surtout.

Humainement, comme souvent avec de grands auteurs du XXème, Malaparte ne se distingue pas son altruisme. Ni sa bonté d'âme. Il était profondément misanthrope, préférait la compagnie des chiens et des chats à celle des humains. Les femmes, il les poursuivait en chasseur, mais une fois séduites et consommées d'un coït rudiementaire (qui se dit alla francese, DSK a une lourde hérédité, en somme) il refusait de passer la nuit à leurs côtés pour ne pas qu'elles ne le voient au matin se pomponner pendant deux heures. Politiquement, ce n'est guère mieux, il se brouilla avec les communistes pour des vétilles égotistes et flirta de façon très appuyée avec le fascisme. Même si cela lui valut emprisonnement lorsqu'il critiqua Mussolini, dans "indépendance fasciste" on ne peut retenir que l'indépendance. Ajoutez à cela une homophobie comparable à celle de Drieu qui laisse supposer que ce grand amateur de sauna et de hammam à dû connaitre quelques "fins joyeuses" à l'issue des massages. Pour corser l'addition sur l'homme, il fut parfois un peu trouble sur son rapport à l'argent comme lorsqu'il essaya de presser la veuve Agnelli, héritère Fiat, de l'épouser et qu'il fallut une intervention conjointe du grand-père et du Duce pour faire capoter une union aux visées vénales grossières.

Voilà, tout ceci mis bout à bout, difficile de prendre la défense de ce grand mythomane de Curzio. Mais un mythomane de génie dont le premier souvenir de prime enfance est d'avoir explosé en larmes et contraint toute sa famille à rechercher son "petit voilier", bateau qui n'avait jamais existé mais que toute la famille s'escrima à retrouver avec abnégation. Il avait le génie de la menterie comme Guitry plus que Malraux à qui on l'a trop souvent comparé. Malraux ment mal, la bouche déformée par des kilos d'opium, il n'y a que 3 blaireaux pour penser qu'il fut vraiment résistant et quiquonque s'est intéressé à la période sait que la France a déboursé une fortune pour faire libérer cet imbécile qui avait déjà produit ses grands livres en 1944 et ne produira rien de transcendant par la suite. Et puis, Malraux a souffert de de Gaulle plus qu'il n'en a profité. Trop écrasante figure qui lui a offert le ministère de la culture, mais l'a réduit au rang d'hagiographe. Malaparte, lui, a pu tuer Mussolini qui l'a embastillé à cause de "technique du coup d'Etat". 

Arrivé à presque 50 ans sans avoir rien écrit de transcendant et mort avant 60 en laissant à l'histoire deux des plus grands romans du siècle, Malaparte a été touché par grâce littéraire. Une grâce morbide, immonde et inquiétante qui hantent Kaputt et La Peau, ces deux chefs d'oeuvre absolus. Ces deux romans où l'antropophagie surgit au milieu de la puanteur, des viols et de la culture décapité dans un monde foutu, ravagé, dissloqué par six années de conflit. Après avoir écrit ces deux bijoux, Malaparte est dépouillé. Aigre, il vire plus homophobe que jamais. Politiquement, il bascule dans le grand n'importe quoi, écrivant dans les équivalents transalpins de Charlie Hebdo comme Vanity Fair. Au crépuscule de son existence, passée une longue hospitalisation dans la Chine maoiste, tout le monde se presse au chevet du génie pour en profaner la postérité. Mourant, il prend sa carte du parti Républicain et se convrtit au catholicisme, deux preuves que le cancer en phase terminale lui a ôté tout esprit. Peu importe, ses écrits restent.

Oublions tous les à côtés pour se recentrer sur les deux romans magistraux qu'il nous a laissé. Lire ces deux monuments m'avait mis une gifle énorme. Lire la biographie de Serra m'en a mis une autre et donné envie de les relire. Pour une biographie, le but est atteint.