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30/09/2011

Sondage sur la primaire : de qui se moque-t-on ?

Bonneteau.jpgQue la chose soit dite dès la première ligne : je n'accuse pas François Hollande. Ce d'autant que émoluments délirants exigés par les sondeurs l'empêchent évidemment, quand bien même il le voudrait, de se payer ce genre d'outil. Cependant, force est de constater qu'en quelques mois, on a eu près de 40 sondages sur cette élection dont aucun, mais alors aucun, n'avait la moindre once de caractère scientifique. C'est triste. On pourrait reprendre la belle formule d'Alain Garrigou dans le Monde Diplomatique de ce mois ci, nous sommes en train de vivre à nouveau la pièce de "l'opinion contre le peuple". De quoi s'agit-il ? 

De 36 sondages d'affilée commandés à prix d'or sur un échantillonnage débile. On ne sait toujours pas qui va aller voter à la primaire, puisque la majorité des électeurs se tâtent, sans évidement que l'on puisse dire qui cela pénalise en premier lieu ; des électeurs de Manuel Valls qui se disent que c'est plié ? ceux de Martine Aurby, déprimé par les scores de Hollande ? Au final, les sondeurs eux mêmes reconnaissent que leurs estimations sont fondées sur 10% des électeurs "certains d'aller voter". En résultat absolu, on a envie de dire "mais de qui se moque t'on ?"... La démonstration de l'archi nullité scientifique, à peine digne d'un étudiant en L2 de sociologie est là : http://www.observatoire-des-sondages.org/36eme-sondage-su... 

Alors, évidemment, on songe à ce qu'il est advenu de tous les farauds qui se voyaient déjà animer la campagne de Nicolas Hulot. Z'en furent pour leurs frais... Sauf que les électeurs de la primaire d'EELV sont des purs militants, qu'ils n'entravent que pouic à ces logiques sondagières et surtout, sans leur faire injure, l'enjeu n'était pas le même : il s'agissait de porter à l'élection la personne capable d'incarner au mieux le projet Vert. De ce point de vue, l'éthique d'Eva Joly a prévalu, ses convictions très fortes ont balayé les compromissions avec le capital et renvoyé monsieur Hulot à ses vacances en voilier (à moteur...).

Dans le cas de la primaire socialiste, la finalité est très différente : élire celui dont on est certain qu'il nous débarrassera du nain. Enfin, du moins, c'est comme cela que le barnum nous est vendu quotidiennement. En réalité, la finalité devrait être la même et d'ailleurs débat après débat, depuis que l'on écoute les mots sans se contenter de regarder les images, Montebourg et son programme de gauche sans OGM font mouche. Logique. C'est un sentiment que je vous donne, je ne veux pas me fonder sur des sondages que je continue de trouver abscons. On devrait les interdire. Car leur nullité scientifique n'empêche pas les dégâts : ils biaisent le débat.

En effet, puisque le but avoué par la direction est d'éliminer Sarkozy, les électeurs se portent massivement sur Hollande puisque les projections sondagières montrent qu'il l'emporterait par presque 60/40 contre 55/45 pour Aubry. Royal ne serait même pas au second tour et forcément cela dégonfle les rangs de ses fans. On peut s'offusquer du fait qu'il ne tente que ces trois hypothèses. En bonne logique, il faudrait tous les tester. Si l'on peut comprendre une pudeur légitime pour Baylet pourquoi ne pas montrer que Valls ne taperait pas Sarkozy, les Français préférant toujours l'original, et que dans le contexte actuel de rejet de la droite, Montebourg serait complètement à même de taper l'actuel locataire de l'Elysée ? C'est marrant on ne le fait pas.

J'ai comme la très désagréable impression qu'on nous refait le coup de 2006 : Ségolène Royal avait été monté en lévitation avant de se dégonfler comme une baudruche. Sarkozy ne voulait pas affronter Fabius : projet contre projet, difficile. Ni DSK, de preuve de se faire taper sur les doigts en maths. Le même DSK qui sans bouger les oreilles passe de 20 % à une primaire en novembre 2006 avant d'être prisé par 70 % des électeurs de gauche en mai 2007 avant d'aller au FMI. Etonnant, non ?

En 2012, idem. Sarkozy a peur de Montebourg et de ses théories économiques non mainstream, plus encore il craint Martine Aubry et son vrai sens de l'Etat, du service public et de valeurs de gauche. Le débat serait plus âpre, plus projet contre projet, bilan contre bilan et Sarkozy voit ses limites en la matière. Hollande, ce sera storytelling contre storytelling, et l'on va pouvoir trembler jusqu'au bout...

Si les vaticinations sondagières se confirment, il faudra faire avec, mais on se prépare sept mois de flippe (et cinq ans de ronflement, accessoirement).

Demain, il faudra bien qu'octobre nous prenne, mais puisque c'est avec le soleil, c'est d'accord. 

28/09/2011

Prenez y garde frères communicants, la publiphobie gronde au sein des masses...

lessive-cervo.jpgLes sondages sont imparfaits, c'est entendu. Les baromètres, eux, présentent l'avantage non négligeable de transporter les mêmes imperfections au travers des années, rendant ces mêmes résultats, si ce n'est scientifiques, du moins, moins imparfaits. Le dernier baromètre sur l'attraction des français pour la publicité, que l'on trouve là : http://www.e-marketing.fr/Breves/Australie-TNS-Sofres-33-... est proprement alarmant. 

Tous les indicateurs sont au rouge : ceux qui aiment la pub sont de moins en moins nombreux, ceux qui la rejettent augmentent inversement. Surtout, les sondés jugent la publicité de plus en plus intrusive et agressive. De moins en moins drôle et distrayante, enfin.

Qui est responsable de cette dégradation accélérée, et est-ce grave ?

A la première question, la réponse est simple : les communicants. Ils n'ont pas su s'entendre entre eux et ont dangereusement saturé l'espace mental des individus. La réclame qui vous pourchasse jusque dans votre espace intime, à n'importe quelle heure, c'est trop. Deuxièmement, ils ont eu le melon qui a trop enflé : s'entre décernant un nombre aberrant de satisfecit et de grands prix où les discours d'auto-célébration rivalisent de dithyrambes au point d'atteindre des sommets de déconnexion avec la réalité : la pub aurait ringardisé le cinéma, elle diffuserait des messages oniriques qui font société... Le pubard à voulu tuer le philosophe. Il a pu le faire matériellement, mais de là à dire qu'il l'a remplacé en termes de signifiant, il y a un Océan. On dégonfle les mollets, le but n'est pas de battre Kubrick et Bergson.

Enfin, les communicants n'ont pas fait le ménage : trop de publicité bas de gamme, de créations pitoyables sont autorisées à être diffusées et à venir polluer nos oreilles et nos yeux. Que celui qui n'a pas éteint sa radio en écoutant les pubs de France Inter m'offre la première bière (sans faux col, merci). Certains communicants ont pris conscience de l'ampleur des dégâts et ont essayé d'en faire un livre,  http://www.communication-transformative.fr/ Le constat est bien dressé mais la personnalité de l'auteur le décrédibilise. Laurent Habib, gourou de la comm', expliquant qu'il faut arrêter la pub à outrance est aussi crédible que Jean-Louis Boorlo vantant l'eau d'Evian où DSK l'abstinence prolongée... 

Bien, les coupables étant désignés, seconde question : est-ce grave ? Oui et non. Non, dans la mesure où jamais un coup de dés n'abolira le hasard, pas plus qu'une bonne pub ne résoudra la faim dans le monde. Certes. Néanmoins, rejeter la communication en soi ne vaut rien de bon. On entend toujours Le Lay et le temps de cerveau disponible, ou "Juvabien, Juvamine", mais il y a de bonnes publicités. Certaines commerciales qui ont au moins le mérite de distraire et d'amuser, d'autres institutionnelles qui font passer des messages et aide à faire avancer des causes. La communication sur le SIDA a aidé la prévention, la communication sur les femmes battues a sans doute encouragé le fait de briser le silence, la communication sur l'appel au don sert les associations. La communication politique, quand elle ne vire pas au mensonge caractérisé (ha ! les pubs sur la réforme des retraites) peut jouer un rôle citoyen.

D'une certaine manière, adorer la publicité comme un veau d'or n'a pas de sens, mais lorsque le rejet devient massif, l'inquiétude gagne. Ce n'est pas nouveau, les Français sont les champions du monde: ils n'aiment pas le capitalisme, les politiques, les communicants, encensent de plus en plus les théories complotistes et même les astrologues ont le vent en poupe. Algan et Cahuc ont magistralement synthétisé ce mal dans un opus gratuit en ligne, la société de défiance http://www.cepremap.ens.fr/depot/opus/OPUS09.pdf

Lire ce livre sérieusement peut déprimer. Mais il y a pire. Il y a le monde qui vient. A l'instar de l'émergence du développement durable qui s'inscrit dans une urgence de ne pas laisser une planète pourrie aux générations futures, une communication durable va devoir s'imposer si l'on ne veut pas rajouter de la défiance à la défiance. L'enjeu n'est pas seulement commercial, mais civique. La puissance de la communication outrancière détourne les citoyens de croyance en tout et encourage l'irrésistible ascension du sentiment nihiliste. 1% de nihiliste est complètement soluble dans une société avancée, mais pourrions nous nous gouverner à 100 % de sceptiques ? J'en doute moi même... Un dernier baromètre, celui de la FONDAPOL, souligne que pour la première fois depuis qu'on sonde, les jeunes du monde d'aujourd'hui sont moins optimistes que leurs aînés,  http://www.fondapol.org/etude/2011-la-jeunesse-du-monde/ , ça n'est pas rien quand même... 

Ces livres et études soulignent tous la déconnexion croissante avec les élites y compris communicantes, depuis 2008 qui a fait de Stéphane Hessel une nouvelle idole dans 34 pays (le Monde d'hier) et les indignés de toutes les langues s'unissent dans un même rejet. L'étude initiale de TNS souligne que la publicité a perdu sa capacité à distraire, si l'humour est la politesse du désespoir, sans doute faudra t'il (stimulant challenge) que les nouvelles générations de ceux qui veulent parler au monde réapprennent à envisager les choses avec optimisme. Espérons qu'ils s'inspireront de ce chef d'oeuvre créatif des Monthy Python : http://www.youtube.com/watch?v=LxQgXgS5G3c&feature=re...

Demain, je mettrai la théorie en pratique devant de jeunes communicants qui me rappelleront mon âge en me demandant si "Life of Brian" est tiré de la vie d'un candidat de Koh Lanta 3. M'en fous, je les aime quand même.

 

26/09/2011

Russie, 24 années chrono

24-show-goes-carbon-neutral.jpgQue faut-il retenir de l'info du week-end ? Quelques sorties salées d'une couronne yougoslave qui donne des caries à tous les chicots de l'UMP ? La prise du Palais d'Hiver du Luxembourg par le centre droit (le PS) qui va vraiment rétablir l'égalité des chances pour tous les français ce week-end ? Voilà ce qui fait la une des journaux. Sur 6 pages... Et au milieu des journaux coule une rivière de larmes, celle des opposants russes.

Dans une indifférence feutrée, une des principales puissances mondiales, l'un des deux empires du XXème a été le théâtre d'une pantalonnade, d'une parodie de démocratie plus navrante que dans les potentats africains qui déchaînent invariablement nos parlementaires les plus vertueux. Vous les avez entendus, là, hurler à la mort ? Ou sont-ils avec les trémolos dans la voix, les Kouchner, les BHL, et autres Juppé, Longuet et tous ceux qui ont de la démocratie plein la bouche dès que les caméras affleurent ? 

Rappelons le pitch : Vladimir, ex agent du KGB au pouvoir depuis 2000 après avoir considérablement aidé Boris a se fatiguer en le resservant en vodka est resté deux fois 4 ans au pouvoir. En 2008, il devait donc se retirer, mais cela le navre un peu. Alors, il met Dimitri à sa place mais en exigeant d'être premier ministre. En Russie, le premier ministre n'avait aucun pouvoir sous Vladimir (moins que Fillon chez nous, c'est dire) mais miracle constitutionnel, depuis que c'est Vladimir, il a à nouveau suffisamment d'influence pour briller au G8, G20 et autres... Entre temps, il demande à Dimitri de changer la constitution pour que le mandat passe de 4 à 6 ans. Des journalistes occidentaux en sont sûrs, "Dimitri n'est pas celui qu'on croit, en 2012 il se représentera face à Vladimir". Blague.

Vladimir lui ayant fait comprendre qu'une velléité d'opposition vaudrait à toute sa famille éloignée et à lui même un sort comparable aux déchets envoyés vers l'incinérateur, Dimitri s'est effacé avec toute la discrétion d'un sénateur MODEM. Et là, ça devient beau : les duettistes de l'exécutif ont dévoilé leurs plans pour la Russie jusqu'en 2024. 2-0-2-4. Soit 24 ans de règne. Rappelons que les opposants (Kasparov, Limonov, Bogdanov, rayer la mention inutile) ont à peu près autant de chances d'être élu que Philippe Poutou (c'est le leader du NPA, je crains qu'en notoriété spontanée, il soit assez bas...) d'être appelé à remplacer François Baroin à Bercy d'ici avril prochain. Ce n'est donc pas impossible, maintenant...

24 ans. Une génération entière, à peine moins que Ben Ali, dix ou quinze de moins que Moubarak ou Khadafi, mais on reparle en 2023 : il peut le faire... Quand il annonce au peuple russe qu'il en reprend pour 13 ans par anticipation, pas plus de 200 manifestants sur la Place Rouge, tu parles d'une démocratie.... Et vous entendu Sarkozy, le nouveau hérault des droit de l'homme, s'élever contre cela ? Obama ? Cameron, Merkel, Zapatero, allo ? Bon.

Quand j'étais à St Pétersbourg il y a 2 ans (qui ne s'appelle malheureusement plus Léningrad), le fait même de prononcer le nom de Poutine entraînait une vague de soupirs. Pas des yeux écarquillés comme si nous étions en danger, pas des hourras non plus, non. Des soupirs. La dictature larvée. Celle qui a gagné car, après 70 ans de régime autoritaire, le peuple n'en peut mais de la politique. Alors, tant qu'on leur laisse un peu de liberté économique, ils sourient. Bien sûr, le nombre de nostalgique du communisme augmente chaque année, mais pas au point de se soulever contre Poutine. L'idée même de se lever n'existe plus chez les russes. Vous pourriez bien envoyer 2000 émissaires pour les booster via Facebook, la Place Rouge serait vide, devant nous marcherait Vladimir, il avait un joli nom notre guide, Vla-di-mir... 

Demain, nous irons courir dans les allées de ce jardin progressiste, le Luxembourg