21/03/2014
Extension du domaine de l'hyperbole
Ma première réaction à la tribune de Sarkozy fut fondamentalement égoïste. Je me suis dit "hé merde". Cette profondeur de l'analyse vient du fait que je venais de finir de corriger mes monceaux annuels de copies. Un des nombreux sujets que je leur proposais concernait la réalité de la liberté d'expression en France. Nombre de mes étudiants me désespéraient par leurs positions (pro Dieudonné, par exemple), mais je ne pouvais tout de même pas leur donner tort au motif spécieux que je n'aime pas le triste sire.
En revanche, toutes les copies qui se hasardaient à dire des énormités telles que "aussi, on peut dire que la France de 2014, de par son environnement socio-médiatique est une dictature" étaient systématiquement évacuées de la pile dépassant la moyenne. Non mais. Et voilà que le plus mauvais joueur de cache cache de l'histoire ressort du bois dans le Figaro pour comparer la France d'Hollande à la Stasi... Et merde. Je vais avoir des réclamations, maintenant, c'est sûr. "Monsieur, vous dites qu'on est pas une dictature, mais Sarkozy il a dit que...". TA GUEULE.
Quand je vois ce matin, Copé et Morano soutenir la bravoure de l'homme, je me dis que l'extension du domaine de l'hyperbole est infinie. D'accord nous ne sommes pas impériaux en France. Souvent condamnée par la CEDH pour manquements à la l'égalité de traitement, mal classée par Reporters Sans Frontières pour les atteintes à la presse et pression sur les journalistes. Mais de là à nous aligner sur la Russie, la Chine ou la Syrie, il n'y a qu'un million de pas. Que Sarkozy a effectué hier de sa légendaire petite foulée expéctorante, et bruyamment, encore.
Ce n'est pas la première fois qu'un responsable politique se perd dans les marécages de l'excès verbal, mais en l'espèce, la figure dudit responsable pose problème. Bien sûr, Balkany a déjà comparé Sarkozy à Gandhi, Morano a mis sur le même plan la fiscalité d'Hollande à celle de Khrouchtchev, mais comme disait Ségolène Royal à l'égard de ses propres camarades (citant un best seller vieux de 2000 ans, je crois) "pardonnez leur, ils ne savent pas ce qu'ils disent". Les auteurs de tels propos sont décrédibilisés avant même de parler du fait de leur biographie. Sarkozy, non. On peut ne pas l'aimer (présent !) mais il est tout de même l'Ex. Sa parole est rare et porte encore. Il le sait. Il a d'ailleurs été digne la dernière fois qu'il l'avait ouverte vraiment publiquement. Le 6 mai 2012, il avait dit au revoir poliment.
Il a droit de trouver que ses biographes sont zélées et fouillent son passé avec des excès de méticulosité, m'enfin admettons qu'il y a plus qu'un faisceau d'indices. Je me garderais bien des arguments spécieux type "il n'y a pas de fumée sans feu", mais il n'est que voir le monceau d'affaires entourant Claude Guéant , la ligne de téléphone portable prise sous nom d'emprunt... Je serai Hollande, je changerai de tailleur d'une part et je nourrirai quelque suspicion, d'autre part.
Le perdant de toutes cette histoire est à n'en pas douter le force de la parole politique. Sarkozy a perdu une occasion de se taire. Soit il est blanchi et la terre entière lui devra des excuses, soit il est reconnu coupable et nous aurons un problème. Car ce jour là, à côté de ceux qui se diront que la justice est passée, des factieux y verront l'ombre de la Stasi. Et c'est cette complotophilie qui nourrit vraiment, pour le coup, les plus mauvais régimes.
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16/03/2014
Bingo clichés
Il y a peu avec l'amoureuse nous sommes allés voir un ballet de Platel où un des danseurs crevait l'écran : Romeu Runa. Voyant qu'il passait en spectacle solo au 104, nous nous y rendîmes avec empressement hier soir. Pour la dernière. Et c'était complet. Et c'est la dernière fois que je vais voir un truc pareil, que je me fais couillonner de la sorte... Et pourtant il est toujours aussi virtuose.
Dans Il était une fois le Bronx, de Niro aime à répéter à son fils "there's nothing worse, than waisted talent". Et bah là, il aurait été servi. Après 10 premières minutes hallucinantes de virtuosité, tout en lenteur, bougeant des muscles inconnus et interprétant à merveille l'épouvante, notre ami et son comparse maléfique le metteur en scène (Miguel Moreira, c'est lui le coupable, si vous voyez son nom, fuyez) se lancent dans un massacre d'une petite heure au cours de laquelle ils vont explorer méthodiquement tous les clichés de la danse contemporaine. Evidemment, il va se mettre nu, le prétexte fallacieux choisi étant qu'il a été aspergé à l'eau d'un jet comme un manifestant rebelle. Car évidemment, il se rebelle contre les dominants et les formes de domination. C'est pour cela qu'il saccagera méthodiquement un édifice de palette de bois. La construction, ce truc de bourgeois.
C'est aussi pour cela qu'il singera un discours politique en se livrant à d'enfantins borborygmes. Les politiques sont des enfants incapables de vision, contrairement aux artistes. Il y aura aussi une belle séance de masturbation avec des fleurs avant qu'il ne répande les pétales sur sa tête dans une improbable séance d'auto souillure. Et puis, au cas où certains esprits étriqués n'auraient pas compris qu'ils étaient face à un être vraiment libre, il finit le spectacle nu et recroquevillé, mimant un auto fist fucking du plus bel effet. Comme il y a de la symbolique dans tout, j'en ai déduit qu'il nous disait là "nous sommes dans l'impasse".
Là où cela me navre, c'est que nous étions au 104. Un édifice public, avec des subventions publiques. Or, ces jours-ci les intermittents luttent contre un MEDEF décomplexé et bien destiné à leur faire subir la même chose que ce que le soliste s'inflige en clôture et doivent lutter contre la désinformation. Les jocrisses réacs prétendent que les intermittents sont des enfants gâtés et qu'ils touchent des subventions indues pour des spectacles destinés à choquer le bourgeois. Rien n'est plus faux. Mais le spectacle d'hier était tristement leur meilleur prospectus...
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14/03/2014
Fête des maires
Combien de meetings socialistes ont commencés ou se sont achevés avec la chanson de JJ Goldman, il changeait le vie ? Et combien de fois ce refrain avait-il des accents amers, lorsqu'on compare le ronflant de la campagne et le feulement à peine audible de l'exercice du pouvoir. Depuis les 35 heures et la CMU, quelle loi à concrètement changé la vie de millions de français ? L'autoentrepreneur, sous Sarkozy. Avec des effets pervers en cascade, bien sûr, mais cela ne doit pas obérer que cette réforme discrète fut une révolution dans la mesure où elle a permis a des dizaines (centaines?) de milliers de personnes de se lancer sans crainte, ou de retrouver un chemin vers l'emploi immédiat. Point barre. La réforme des temps scolaires de Peillon porte cette ambition de changer la vie, mais lassé de recevoir des cailloux dès que je la mentionne, je ne commenterai pas plus avant.
Qui a vu sa vie changer par la loi HPST sur l'hôpital ? L'attente empire aux urgences et les déremboursements continuent. Par l'autonomie des universités ou les réformes "indispensables, incroyables, phénoménales" des retraites qui, grosso modo, changent d'un trimestre de cotisation ce qui est demandé aux travailleurs ? Qui peut croire que le "pacte de responsabilité" modifiera l'alpha et l'omega des employeurs et employés ? Sans déconner...
Dans quelques jours nous allons être un certain nombre, forcément insuffisant (l'abstention, ce cancer démocratique) à aller choisir nos 36 000 et des brouettes maires. Et, pour des raisons culturelles très puissantes, nous avons tendance à plaquer des enjeux nationaux voire mondiaux, sur ces élections. Pas tout le monde, bien sûr. Mais de même que nous avons trop de sélectionneurs de l'équipe de France de foot dans les bistrots, nous avons trop de candidats aux municipales qui se rêvent en Président de la République. On entend certains pérorer sur la répartition capital/travail, la place des femmes dans les sociétés du CAC, la taxe carbone, la dérégulation des marchés, l'inpatriation des travailleurs roumains... Une tendance à l'enflure de l'ego navrante dans la mesure où les maires, pour le coup, changent la vie. Surtout quand ils bossent en intercommunalités, dépassent des clivages, oublient les conflits d'intérêts ou trafic d'influence, mais arrivent à se poser avec toutes les parties prenantes de leur territoire pour savoir s'il faut une piscine, un théâtre, les 2. Des choix concrets, tangibles, qui changent la vie de millions de personnes, mais moqués par des éditorialistes qui aiment Tartarin.
Votant à Paris, je suis moins concerné car le Louvre, Orsay et les cinés existeront sans maire... Après, les dizaines de milliers d'HLM crées par l'équipe sortante permettent à des dizaines de milliers de personnes de ne pas être éloignées de la capitale où elles veulent vivre. C'est plus que défendable. Ca me suffit en tout cas amplement pour voter pour eux. Hier soir j'ai lu tout le programme de NKM, je note qu'elle veut faire des piscines dans les stations de métro désertes, couvrir le périphérique ou encore "ouvrir le 104 sur le monde". Encore une que Paris ennuie et qui n'aime que le destin des nations. Libérons là des bassesses municipales...
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