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11/07/2015

Abstraction du domaine de la lutte

image_491.jpgLa crise dans laquelle nous sommes plongés depuis 2008 est vraiment différente des précédentes. Non seulement par sa durée (7 ans après, nous sommes plus proches de nouveaux krachs que d'un rétablissement de l'économie mondiale), par sa violence sociale (les chiffres du BIT sur les dizaines de millions de chômeurs sont hallucinants), mais aussi par la dissolution des responsabilités de ceux qui l'ont provoqué.

7 ans après, donc, des centaines de millions de personnes sont moins bien loties qu'avant, craignent pour leur avenir et ne voient pas bien comment s'en extirper. Ces centaines de millions de personnes n'intéressent pas vraiment les dirigeants libéraux, qui pensent que leur réélection passera uniquement par un chimérique retour à la croissance. Laquelle, rappellons-le, ne distingue pas l'utilité sociale ou le bienfondé pour les générations suivantes de l'augmentation des chiffres d'affaires. Uber et sa croissance en bourse porte la croissance et font bien plus que compenser la mise hors jeu définitive de 100 000 ouvriers. Dès lors, se pose une question : pourquoi tant de haine ?

Je serais bien en peine de faire une démonstration scientifique, mais ce que je crois profondément, malheureusement, c'est qu'à l'instar du combat écologique, la lutte pour l'égalité est trop abstraite. Pour le climat, on le sait bien, la très forte montée en puissance de la connaissance sur les dangers du réchauffement climatique ont permis aux mentalités d'évoluer très vite. De "une vérité qui dérange" d'Al Gore au cri de Pierre Rabhi, de milliers d'initiatives ont anéanti les climatosceptiques. Hormis quelques vieilles ganaches, quelques industriels du carbone purs et durs, presque plus personne ne conteste la responsabilité humaine dans le réchauffement climatique. Pour autant, on avance bien lentement et seule la contrainte imminente pourrait nous faire changer. La Chine, super puissance par excellence, au régime politique plus dirigiste (litote) que nos démocraties occidentales, commence à réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Non par vertu, mais par absolue nécessité de survie du pays, faute de quoi des millions de déplacés, de submergés, de malades d'affections respiratoires, viendront condamner l'avenir du pays. Pour les autres, pas encore tout à fait confrontés avec la même violence, ils finassent en songeant qu'on verra bien le moment où il faudra tout apprendre très vite de contrainte. Mais nous n'avons pas les ressorts, les capacités et les leviers des chinois pour nous transformer... 

J'ai comme l'impression qu'il en va de même pour les inégalités. L'inégalité est trop abstraite pour être combattue efficacement, sinon on aurait compris que le choix de la Grèce n'était pas loin de nous. Comme le dit Varoufakis, la menace du Grexit est un moyen pour l'Allemagne de mettre la pression sur la France. L'Allemagne a eu gain de cause et le modèle plus inégalitaire, plus austéritaire pour les plus démunis, l'emporte. Cela ne nous touche pas. Pas assez. La litanie des nouvelles formes d'inégalités : scolaires, numériques, d'accès aux loisirs... provoque des réactions mi ennuyées, mi affligées. Mais pas de révolte. Pour des causes bien montrées par Rafaele Simone dans "le monstre doux de l'Occident". Le récit progressiste, sur le climat ou les inégalités, est moins puissant que celui de la réussite libérale classique. Sans blâmer les réseaux sociaux, qui ne sont responsables en rien, on peut noter que ceux-ci entretiennent et renforcent ces inégalités. Les initiatives solidaires se démultiplient, dans le domaine du don, du prêt, de la mise en réseaux de publics éloignés, mais pour peu qu'ils aient le bon bloc de compétences à la base et les codes. Faute de quoi, s'ils sont tombés du manège économique qui tourne de plus en plus vite, exit. Et on s'en vante rarement sur les réseaux sociaux. Facebook me dit que j'ai 1020 contacts sur ma page, qu'il nomme "amis". Statistiquement, plus de 500 d'entre eux ne partiront pas en vacances. Le biais sociologique de l'auteur de ces lignes, une naissance favorisée et une évolution professionnelle dans des sphères privilégiées font qu'à l'évidence, il y a infiniment moins de contacts que cela qui ne pourront partir cet été parmi mes contacts. Mais il y en a beaucoup. Et ils ne diront rien. Les photos les pieds dans l'eau turquoise déjà fleurissent, en revanche. Illustration anecdotique mais symptomatique de ce à quoi nous aspirons, collectivement. Il y a peu, un sondeur parlait de l'optimisme économique français retrouvé un "optimisme de lassitude" : on en a marre d'être en crise et on a vraiment envie que ça aille mieux, quasi comme un caprice. Il en va de même, je le crains, pour les inégalités : on voit bien que nous sommes dans une spirale terriblement négative, mais on ne veut plus en parler, on veut passer à autre chose, nous sauver et on verra bien pour ceux restés dedans. Les Grecs ? Et bah qu'ils crèvent, tant qu'on peut flemmarder dans les lagons. Quand viendra la même galère en Europe de l'ouest, peut être verrons nous les choses différemment... Et sans doute sera-ce alors trop tard. 

04/07/2015

Y aura-t-il de la gauche à la présidentielle ?

51X7GJ6Z1FL.jpgDécidément, pour l'électeur de gauche, le pire n'est jamais certain dans ce quinquennat. De reniement en reniement, d'humiliations gratuites comme les rodomontades de Valls contre les grévistes d'Air France plutôt que la direction (Alexandre de Juniac, le PDG, était tout de même le dircab de Christine Lagarde, pas exactement un camarade) jusqu'à la pique grossière de Michel Sapin "au fond, mon ami c'est la finance", la route prise par le gouvernement depuis 2012 a de quoi laisser pantois. A tel point qu'une interrogation pointe début juillet, dans une double actualité déprimante : y aura-t-il de la gauche à la présidentielle ?

Evidemment, il y a de la place pour une candidature non PS. Duflot s'est décrédibilisé gravement pendant deux années de gouvernement, Montebourg use les plus résistants des miroirs et Mélenchon ne sait plus si ses ennemis sont au sein des forces de gauche ou non. On pourrait ajouter bien d'autres noms, de Taubira à Nouvelle Donne, mais ça n'est pas ou plus le sujet du jour. Alors que les frondeurs sont gentiments rentrés dans le rang, je me demande à l'aune d'une double actualité ce qui reste de gauche dans ce parti.

Le premier reniement est factuel : Hollande a été élu sur la promesse de lutter contre l'Europe austéritaire et son infâme attitude vis à vis des grecs prouve que, là-dessus aussi, le virage est à 180° et navrant... Je suis d'ailleurs relativement surpris du peu de cas que font les commentateurs de ce revirement. Pour un président dont les prérogatives sont de plus en plus internationales, si Hollande a un rôle à jouer c'est bien celui-là. Or, en bon serviteur de la BCE, il tacle les grecs comme son camarade socialiste Martin Schultz qui demande un gouvernement de technocrates pour "relever le pays". Bah voyons... Second point plus tendanciel, mais loin de se renier suite à ses déclarations stupides sur la "guerre des civilisations" Manuel Valls a déclarer à ses troupes que la présidentielle de 2017 devrait se dérouler sur un terrain identitaire davantage que social.

Les bras vous en tombent. D'abord parce que ce renoncement est vomitif, ensuite parce que c'est politiquement suicidaire. Ce faisant, il adopte l'attitude des néocons américains et oblige le RPR/UMP/LesRépublicains à se déporter sur la droite dans un discours martial. Loin d'acculer le FN, ce double mouvement de culbuto vers la droite libère un énorme espace à gauche pour le FN qui enfonce joyeusement son monde grâce à son discours social. En pure théorie politique, le "S" de PS est pour socialiste : demandons nous qui joue le dangereux jeu de la chaise vide et qui sera responsable de sa propre élimination dès le premier tour en 2017....