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17/10/2015

Le malaise Google Impact Challenge

Freud.jpg"Google Impact Challenge", et pourquoi pas "Total Green Contest" tant qu'on y est ? Pour être transparent, contrairement au géant du web, j'ai un peu de mal à critiquer un projet qui a primé nombre de gens que je connais et qui propose à un ami d'accompagner l'ensemble des lauréats. Pour autant, cautionner ce genre d'initiatives sans voir les énormes câbles qu'elle comporte, n'est pas possible. Quelques objections de fond, donc.

D'abord sur le titre, c'est un oxymore. Google est l'inverse du social. Google fuit le fisc partout où il passe, rêve de fonder un Googlestan où l'impôt serait absent et là ils viennent nous donner des leçons de morale en disant en substance "on est une boîte engagée". Commencez par payer ne serait-ce que la moitié de vos impôts, ça sera 1000 fois plus vertueux. Ensuite, les sommes dispensées sont extrêmement conséquentes eu égard aux standards du secteur associatif, puisque 3,2 millions d'euros ont été décerné aux lauréats ; mais c'est une goutte d'eau pour Google et une goutte d'eau défiscalisée à 60%... Tu parles d'un mécène. En plus, la réunion de remise de prix a eu lieu au Quai d'Orsay : en somme je vomis l'Etat mais je vais me bourrer chez lui, à ses frais : le beurre, l'argent, le cul de la crémière avec vaseline fournie par la République... Youpi.

D'ailleurs, le casting des jurés était pensé pour ça. On retrouve 2 têtes de Google, une grosse tête sociale (Ismaël le Mouel) des têtes de réseaux associatifs et Kouchner. On a la caution...

Le pire dans cette histoire est le processus de vote en lui même. En bons gentils démocrates, Google ne veut pas choisir. Bah non, ça serait autocrate. Donc on demande aux Assos finalistes, toutes jeunes et ultra connectées, de relayer le message. Ce qu'ils firent avec entrain... Et ainsi, des millions de messages envahirent la toile en disant en substance "voter pour moi, le concours où Google m'aide à sauver le Monde !". Ha ! Le solutionnisme de Google, on le retrouve au meilleur de sa forme ici. En mettant 3 clopinettes plutôt que de s'acquitter des milliards qu'ils doivent aux Etats, Google a réussi la plus grosse opé de social washing de l'histoire... Attention, je ne dis pas que les projets retenus ne feront rien, mais infiniment moins que ce que la promesse laisse entendre. D'ailleurs, le projet s'appelle "Impact" mais je note des projets extrêmement dispendieux au regard de leurs résultats. Ainsi de Ticket for Change, programme éminement sympathique d'empowerment en faveur de l'entrepreunariat social, mais qui n'aide qu'une poignée de jeunes (moins de 50) pour la moitié du PIB de la Namibie... D'ailleurs, je note que les lauréats seront mentorées par une directrice d'Investir et + qui se trouve être ô hasard, le principal mécène de Ticket for Change. Penser que les 2 sont liés serait faire preuve d'un mauvais esprit infini...  Mais avec Google, nous ne sommes plus à cela près... 

 

12/10/2015

Renouveau démocratique : le boulet démographique

comment-votre-carte-de-fidélité-est-un-boulet-pour-vos-clients.jpgLe chiffre, d'apparence absurde, mérite attention : si l'on avait retiré le droit de vote aux plus de 67 ans, Ségolène Royal serait devenue présidente. D'un point de vue civique, c'est révoltant, d'un point de vue citoyen ça appelle au cogito. Les... J'allais dire les vieux, mais le but de cette note n'est certainement de tomber dans une dérive âgiste, plutôt de souligner que l'ampleur des fractures électorales risquent d'être trop élevées pour permettre au nécessaire renouveau démocratique d'advenir rapidement. 

A y repenser, 67 ans c'est dingue. Parce qu'au final, il y a plus de 2,2 millions de voix d'écart entre les deux candidats, donc le poids des plus de 67 ans est considérable. Les personnes de plus de 60 représentent 24% des français et cette proportion va aller croissant. Or, ce sont les plus fervents de nos votants, avec des taux de participations pouvant dépasser allègrement les 70 ou 75%. A contrario, même avec une démographie vigoureuse, la part des moins de 35 ans en France ne cesse de décliner. 24% de moins de 20 ans, pas de quoi pavoiser... Et pour boucler la boucle du problème auquel nous faisons face : cette population vit une telle défiance vis à vis du politique, que moins de 50% d'entre eux votent... Ils n'ont donc pas pu sauver Ségolène Royal.... (D'ailleurs, les jeunes, après l'abstention, choisissent Marine le Pen). 

D'où cette impression de démocratie bloquée : l'impression que les crises et enjeux urgents que traversent nos démocraties ne pourront être relevées par des politiques qui sont restés sur des logiques de XXème siècle, en dépit d'une érosion de plus en plus forte du nombre de votants. De merveilleuses initiatives existent pour relancer la démocratie. Hier, Parlement & Citoyens, aujourd'hui, Voxe et #MaVoix, des citoyens (citoyennes, puisqu'en l'occurence les deux initiatives sont lancées par des femmes. Le début d'un renouveau) se bougent pour faire de la politique autrement. Une politique plus démocratique, ouverte, lisible, autant d'impératifs drastiques pour réenchanter la politique.

Personnellement, je regarde, scrute, soutiens, m'emballe pour ces nouvelles formes d'actions. Mais ce qui me fait douter de la possibilité que la révolte douce advienne est que la pyramide des âges joue en notre défaveur. Car le personnel politique actuel connaît ces chiffres, les équilibres démographiques et le discours à appliquer en fonction de cela pour être réélu. On peut bien sûr arguer que les septuagénaires et leurs aînés ont des petits enfants et qu'ils auront conscience des enjeux écologiques et éducatifs. Certes. Edgar Morin, naguère le regretté Stéphane Hessel et tant d'autres grandes consciences sont détenteurs de carte vermeille depuis des plombes. Bien sûr, mais n'en tirons pas de conclusions hâtives sur la conscience politique des aînés de nos aînés. La réalité de l'histoire a prouvé que marteler de la fermeté sécuritaire, rassurer sur l'immigration, câliner sur l'avenir des retraites et enfumer sur la santé étaient des investissement politiquement payants. Notre personnel politique continue de scander "la jeunesse est notre avenir, notre priorité" et autres lieux communs, mais les décisions prises dans la foulée vont modérément (je reste poli) dans ce sens. On balance entre cynisme et résignation lente pour qualifier ladite attitude. Il y a quelques années, excédé par ce déni démocratique Martin Hirsch avait proposé une réforme aussi révoltante éthiquement qu'infaisable concrètement, une vraie merveille d'invention technocrate : donner le droit de vote en fonction de l'âge. Plus il vous reste de temps à vivre (en fonction de l'espérance moyenne 82 pour les français, 86 pour les françaises) plus votre compte. D'abord, un octogénaire peut encore vivre 30 ans quand un jeune de 18 ans peut être fauché par une voiture le lendemain. Ensuite, le principe d'un être humain égal une voix est tout de même ce qu'on a trouvé de mieux pour être égaux et répondre à une crise de la jeunesse par une jeunocratie est relativement con... Sachant qu'Hirsch ne l'est pas, je vois plus dans son geste une incapacité à changer avec la rapidité nécessaire.

Les équivalents des projets civiques et numériques cités se développent bien plus vite dans les pays jeunes. Nombre de commentateurs ont insisté sur le rôle des réseaux sociaux dans le Printemps Arabe où en Iran où le soulèvement démocratique adviendra bien un jour tant la part de la jeunesse diplômé est importante dans le pays. Au Brésil, #MeuRio, une plate forme de mobilisation civique qui arrive concrètement à changer 15% des politiques publiques a pu connaître un succès rapide grâce à la pyramide des âges du pays et s'est d'ailleurs depuis développé dans d'autres mégapoles brésiliennes. En France, l'initiative louable d'Anne Hidalgo sur une part de budget participatif (n'ergotons pas sur la modestie des tickets en jeu) se fracasse lamentablement sur le nombre de personnes qui votent. Ca doit nous faire réfléchir : soit on euthanasie massivement, soit on agit pour rendre accessibles les outils du renouveau aux aînés. Proposé comme ça, j'espère que l'on verra qu'il n'y a guère le choix. 

11/10/2015

Glorifions l'égoïsme altruiste

20130227-235411.jpgLa meilleure définition de l'égoïsme est donné par un des enfants de L'argent de poche, le film de Truffaut : "un égoïste, c'est quelqu'un qui ne pense pas à moi". Je dis que c'est la meilleure dans la mesure où je m'identifie pleinement à cette maxime et malheureusement, je connais tellement d'égoïstes... 

Plus sérieusement, je note une tendance à l'excès d'altruisme dans les milieux professionnels que je fréquente : des assocs, ONG, entrepreneurs sociaux et autres intrapreneurs du changement ; des salariés d'entreprises privées, grandes ou non, engagés de l'intérieur. Ce dont je veux parler ici n'est pas de leur altruisme financier, mais temporel, calendaire. Votre chèque vous prend une parti de votre budget, peut limiter vos loisirs, mais signez le chèque ou le faire en ligne ne prend que quelques minutes et surtout, vous savez quelles sont les bornes de l'engagement au moment ou vous signez. A l'inverse, c'est chronophage d'être généreux et ça déborde vite. Quand une ONG a besoin de vous, vous travailleur à temps plein, forcément, elle vous sollicite sur les marges : tôt le matin, tard le soir, quand ça n'est pas le week-end. Des réunions, des conférences, mais aussi des "gens à voir", des rendez vous par procuration où vous vous rendez parce que votre présence pourrait changer (positivement) l'issue du rendez vous au profit de la cause. Bon. 

Depuis quelques années, les besoins sociaux explosent et les demandes d'engagement se démultiplient. Et les réseaux de professionnels désireux de mettre leurs compétences à dispositions croissent moins vite que la demande. Aussi, les cumulards se multiplient. Lorsqu'on est dans ces cénacles, on croise beaucoup les mêmes visages. Et je les trouve un peu plus fatigués chaque fois. Pas forcément d'avoir fait la chouille. Pas nécessairement de ne pas savoir s'organiser, juste parce qu'ils ne savent pas dire non. Et comment dire non à des projets beaux, des projets nobles, des projets beaux ? On ne peut pas, on serait une enflure et c'est justement pour éviter cette opprobre sociale qu'on s'est lancés dans la Cause... 

Les choses se compliquent encore quand les agendas professionnels des cumulards de l'engagement ne cessent de croître. Pas possible de se la couler douce dans sa boîte pour aller sauver le monde. Pour ceux dont l'emploi est associatif, le climat économique n'incite pas aux embauches pour vous permettre de déléguer, d'où la surcharge. Et le refus d'aider des associations soeurs serait vu encore plus comme un camouflet. Double injonction à ne pas dire non... Un article fameux () intitulé "stop the glorification of busy" avait souligné ce mal contemporain : nombre de yuppies, jeunes où non, n'arrivent plus à voir leur famille, leurs enfants et leurs amis car ils sont "débordés". Et socialement cette valeur est survendue. Si on peut entendre cet embastillement volontaire dans le travail pour ceux qui ont décidé d'être gouverné par l'argent, l'auto asservissement pour des causes est triplement contre productive. D'abord, parce qu'on aide mal lorsqu'on est sur les rotules : on pense de guinguois, on ressasse les mêmes fadaises et on apporte plus ce pour quoi on est venu vous chercher. Ensuite, on met en péril son engagement au long terme qui est pourtant ce dont on a besoin. A tirer sur la corde, le risque est prégnant d'une rupture pure et nette et vous passez d'un surinvestissement à zéro ce qui est un mauvais calcul, celui là même que l'on reproche au capitalisme financier court termiste...  Troisièmement, le plus important, du coup : si l'on veut promouvoir un autre modèle reposant sur davantage de partage, non seulement des richesses, mais aussi du temps, alors il faut commencer à s'appliquer ces préceptes à soi même. En glorifiant l'égoïsme altruiste. Ne plus éprouver une honte absolue de sécher une réunion militante pour dîner avec des amis, prendre un bouquin ou le temps de flâner ; toutes activités qui, plus tard, serviront mieux les causes. Je ne sais si cela sera socialement bien accepté, mais je me l'applique en tout cas. Que les responsables des assos comptant sur moi et tombant sur cette note me le pardonne et qu'ils/qu'elles sachent que pour les moments vraiment importants, mon portable n'a pas changé depuis 17 ans...