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07/01/2017

S'abstenir à la primaire : le PS doit mourir, pas le socialisme.

A-voté-1728x800_c.jpgPendant encore trois semaines, nous allons manger de la primaire du PS, comme si c'était l'alpha et l'omega de la vie politique française. Ce pour nous urger à trancher parmi 50 nuances de rose fané. Les règles du CSA étant ce qu'elles sont, nous aurons une déferlante de responsables FN à l'écran à partir de fin janvier, mais pour l'heure, nous sommes abreuvés de Valls, Montebourg, Hamon, Peillon et les 3 lutins... Est-ce bien raisonnable ?

A l'évidence, ce qui ne l'est pas, ce sont les sondages. Eu égard au caractère absolument incertain du corps électoral, Harris Interactive est fortement coupable d'avoir osé publié quelque chose. Les 43% de Manuel Valls ont de quoi déconcerter. Ce, pour rester poli. Le bilan assez navrant socialement d'Hollande ? Il en est le premier comptable. Sa percée sondagière ne peut tout de même pas résulter d'une déplorable campagne qui le voit conspuer le 49/3, les cadeaux au patronat, la défiscalisation des heures supplémentaires et globalement toutes les décisions prises par un certain Valls Manuel. Consternant...

Au-delà de l'ex premier ministre, on pourrait passer en revue tous les candidats (ou presque) à l'aune de ce seul argument : ça n'est pas sérieux. Peillon ? Il sort de sa retraite et découvre son programme alors même qu'il le lit. J'ai beaucoup, beaucoup de respect pour l'exégète de Ferdinand Buisson, mais sur ce coup-là, il est ridicule. Montebourg ? Son comité de soutien le résume bien : le républicano-brun sénile Chevènement, quelques ultra libéraux de chez DSK comme Kalfon et un frondeur (Guedj) en porte-parole. Un ersatz de synthèse à la Hollande avec les troisièmes couteaux encore disponibles...

Le seul, le seul à être sérieux avec un programme social, une vision de la France dans l'Europe, une demande sociale, c'est Hamon. Si le droit de vote était obligatoire pour les électeurs de gauche, il n'y a pas à transiger, c'est vraiment le seul. Mais avec nos institutions et notre organisation partisane à la française, voter Hamon ça n'est pas avoir le programme de Hamon.    

En effet, le problème est que nous ne sommes pas les Etats-Unis. Là-bas, c'est la règle du winner takes all qui s'impose. Clinton l'a emporté et n'a, qu'à l'extrême marge, socialisé son programme comme le très gros score de Sanders aurait dû l'inciter à le faire. On peut s'interroger sur l'intelligence tactique eu égard au résultat final. De l'autre côté, Trump n'a pas fait bougé son programme pour l'aligner sur les lignes plus modérées de Paul Ryan ou Jeb Bush. Il a joué le chamboule tout jusqu'au bout et force est de constater que ça ne fut pas un choix perdant. 

En France, nos primaires poussent les synthèses. A peine élu sur une ligne radicale, Fillon s'adoucit, dans son programme comme dans ses équipes. Les laïcs arrivent à côté des cathos tradis, les gaullistes arrivent à côté des nervis madelinistes. Pour l'heure, sacré trou d'air dans la campagne... A gauche, ça sera pareil. Pour éviter d'être mangé par Mélenchon, un Valls vainqueur devra donner des gages à son aile gauche ; et vice-versa, pour éviter la fuite massive vers Macron, un Hamon victorieux devrait fortement tempérer ses propositions sociales ambitieuses, garder le sociétal et appeler l'aile droite à la rescousse. Et au final, c'est eux qui l'emporteront...

Car c'est ça le drame du PS : quand on mélange du blanc et du jaune d'oeuf, c'est le jaune qui gagne. Quand on mélange l'aile gauche et droite du PS, c'est la droite qui l'emporte. Toujours. Ce parti produit des notables avec des propositions de notables. Il y a, à l'évidence, nombre de responsables de gauche dans ce parti, mais ils n'auront jamais les manettes. Ils tentent de remonter sur le manège mais ne le feront jamais tourner dans le bon sens. Aussi, seule un flop monumental de cette primaire, le fait d'être sous le million de votants, pourra forcer une reconfiguration à gauche. Le programme de la France Insoumise est compatible avec tous les socialistes de gauche, qu'ils sachent qu'ils seront les bienvenus au lendemain d'une primaire qui n'aurait pas couronné leur champion. 

 

03/01/2017

Réformiste et contestataire sont dans un bateau.

Trois_hommes_dans_un_bateau.jpgLes nécrologies se suivent et se ressemblent pour François Chérèque, parti en prenant trop au pied de la lettre l'aspiration à la retraite à 60 ans. Paix à son âme, et surtout mort au cancer, putain... "Un grand syndicaliste réformiste nous a quitté", pleurent les journaux de Libération au Figaro (qui ajoute qu'il était "courageux") et l'éloge funèbre le plus troublant vient de Laurence Parisot, qui parle de "la perte d'un ami cher, d'un homme d'état". Avec ça, on sent vraiment que "le réformiste" soupesait toutes ses décisions en repensant à la Sociale... Toutes les nécros reprennent évidemment le tournant de la réforme des retraites de 2003, où le leader de la CFDT fit une pirouette déconcertante pour sa base : embrasser le projet de Jean-Pierre Raffarin, contrairement à la "protestataire" CGT. Des dizaines de milliers de départs de la centrale pour une autre, ça appelle peut être un autre commentaire que ces deux mots valises, non ? 

Faut-il offrir un dictionnaire des synonymes aux éditorialistes économiques ? Dans "les nouveaux chiens de garde", documentaire tiré du livre de Serge Halimi, Frédéric Lordon évoquait avec gourmandise le caractère profondément estropié du vocabulaire des journalistes économiques les plus invités sur les plateaux. La verve de Lordon est jubilatoire, mais elle est rare dans le commentaire, lequel ronronne donc avec une demie douzaine de verbes et d'adjectifs... 

A la rigueur, quand le Figaro dit que Chérèque est "courageux" on rigole, la ficelle est grosse. Ca vaut Libé vantant le caractère "fonceur" de Patrick Drahi, quoi. Mais "réformiste" vs "contestataire" c'est plus sournois, ça fige, ça biaise et ça occulte. Car "réformiste" ça signifie qui accompagne les politiques actuelles, avec des lois dont le moins que l'on puisse dire est qu'elles aggravent les inégalités et renforce la précarité. Si vous regardez la loi El Khomri, ou la loi Macron dans le détail, vous aurez peut être quelques avancées sociales (les travailleurs du Printemps vont vraiment être payés double plus dédommagement pour garde d'enfant) mais la majorité des articles visent surtout à faciliter les licenciements, protéger le secret des affaires, déréguler et détricoter le code du travail pour faciliter les contrats de margoulins, à horaires flexibles, moins protégés. Si vous le présentez ainsi, articles et exemples à l'appui le fameux "réformisme" est tout de suite moins glorieux. Je suis persuadé qu'il y a plein de gens de valeurs, et progressistes, à la CFDT, force est de constater que ces quinze dernières années, leurs dirigeants nationaux, à commencer par le défunt Chérèque, ont systématiquement fait 98 pas vers le MEDEF quand l'organisation patronale faisait les deux derniers... Le "réformisme", ce cache-sexe pour ne pas dire résigné... La CFDT pourrait devenir la 1ère centrale syndicale de France à l'occasion des prochaines élections : il paraît que nous sommes un peuple dépressifs, fort logiquement les salariés inquiets votent un organisme de défense à l'avenant. CQFD. 

Quand à "contestataire" c'est encore plus con, pour rester poli. Contestataire sur ces mêmes lois Macron et El Khomri, c'est avant tout une révolte, une envie de protection, une dénonciation de régressions sociales. A côté de cette colère, n'importe quel éditorialiste peut en deux clics trouver l'ensemble des contre-propositions de la CGT pour notre économie. Temps de travail, conditions de travail, formation, partage des connaissances et des richesses, les propositions de la CGT sont plus que faciles à trouver. On peut les qualifier de "trop chères", "non adaptées à toutes les entreprises" ou que sais-je, mais au moins reconnaître leur existence. "Contestataire" c'est résumer le monde aux petites lois, avec le même petit scope idéologique des néos libéraux, tout ce qui en dépasse, tout ce qui propose des alternatives, c'est "contestataire". Tout ce qui l'accepte, c'est "réformiste". Bah avec ça...

Pour combattre l'emprise néolibérale, il faut rapidement se réarmer en vocabulaire qualifié et ça implique d'avoir plus que ces deux mots... Espérons que le Père Nöel aura apporté des dictionnaires aux éditorialistes, c'est un peu notre dernier espoir. Ouais, on en est là...