05/05/2017
Jamais autant votés, jamais autant de frustrés. Repensons l'équation
On pourrait quand même s'interroger sur cette évidence : avec le suivi très important des primaires LR puis PS, cette campagne dure depuis 9 mois, nous en sommes à notre sixième tour et cela va déboucher sur le président le plus mal élu de la Vème, en termes d'adhésion (pas du nombre de voix, hein). Ce disant, il ne s'agit pas de jouer les mauvais joueurs contre Macron (en espérant que ça soit bien lui...) juste de réitérer le fait que plus que les idées politiques, ce sont nos institutions qui sont obsolètes et en crise avancée.
Les primaires sont des machines à fanatiser les bases, elles nous ont de ce point de vue causé du tort. Des deux côtés. Pour les perdants, l'amertume post illusions vire à la colère. Ce sont les juppéistes qui ont rallié Macron en détestant Fillon le réac et les vallsistes qui ont rallié Macron aussi en haïssant cet archaïque d'Hamon. Pour les vainqueurs, l'illusion de victoire fait perdre pied : c'est Fillon qui proclame que la légitimité d'une élection partisane est plus forte qu'une enquête judiciaire. C'est Hamon qui oublie l'extrême faiblesse du PS après un quinquennat de défaites et qui pense qu'un beau programme peut faire oublier ce boulet partisan... Un double aveuglement qui va beaucoup compter dans l'hystérisation de la campagne. Ca, et l'affluence de sondages dont le nombre a quasi doublé par rapport à 2012. On peut penser ce qu'on veut du Front National, mais leurs militants et leurs élus n'ont pas particulièrement contribué à l'emballement. Ils sont arrivés au second tour, hélas comme prévu. Mais sans faire de vagues, sans prendre la main sur la campagne. Ils ont fait le dos rond et le verbe bas pour ne pas trop répondre aux affaires qui s'accumulent : les assistants européens, le financement kremlinois, la collaboration d'une de leurs têtes de listes avec Daech... Tout ça, ils l'ont subi, mais n'ont pas riposté. Ca n'est que depuis le 24 avril que le FN éructe et attaque Macron à tout va. Les sondages, en revanche, et les oscillations de l'opinion nous ont rendu fous.
Une étude paru hier dans les Echos montre que 45% des électeurs de Macron au premier tour l'ont fait en regardant ce seul outil. Pour éviter Le Pen/Fillon, en somme. 45%. Je connais nombre de macronistes et beaucoup votèrent pour lui par dépit, sans envie, avec désespérance même, mais sans hésitation. Le second principal bénéficiaire de ces aspirations sondagières sont Fillon et Mélenchon (27% ont voté pour eux sur la seule foi des sondages). Méluche a aspiré les hamonistes dans la dernière ligne droite. Des soit disant Insoumis j'en connais des tas et tant et tant qui ont voté pour lui avec nombre de réserves, mais pour tenter le coup historique de mettre la gauche au second tour. Pour les hamonistes, l'amertume est immense car les sondages les ont tué. Pour les fillonistes, même s'ils mettent en avant la colère est le maître mot puisqu'ils ont été abattu par "un complot, un coup d'état institutionnel", en réalité nombre d'électeurs du sarthois l'ont fait de mauvaise grâce devant un archi corrompu, juste pour éviter Macron...
Au lendemain du premier tour, cette fanatisation chiffrée a laissé place à des réactions ineptes. Mélenchon a rassemblé plus de 7 millions de voix, plus de 3 millions de nouveaux électeurs, quand le Pen n'engrangeait "que" 1,2 millions de nouveaux électeurs. Au lieu de s'en réjouir, il éructe sans fin sur les 600 000 voix restantes et, comble du grotesque, insulte les électeurs de Benoît Hamon. Hier, Alexis Corbière porte parole de la FI a osé qualifier leur défaite d'injuste à cause du maintien d'une candidature inutile". Non mais on se pince...
Nous voilà bien, neuf mois de campagne, six tours et nous n'avons au final, jamais autant départagé les candidats sur la base d'indices aussi ténues, menus. Climax du débat, 2h30 de débat d'entre deux tours mercredi et pas un mot sur l'écologie. Pas un. 27% des électeurs (Hamon et Mélenchon) ont souligné leur envie d'un changement radical de notre modèle énergétique et agricole. Pas un sujet. Prenons plutôt dix minutes pour parler voile à l'école. Soupir... Les aspirations programmatiques les plus profondes ne sont pas prises en compte, ce barnum nous sommes de prendre un paquet sans nuance. Et l'emprise de l'élection rend cette sommation d'autant plus violente. Nombre d'électeurs de Mélenchon ont tremblé en glissant son bulletin dans l'urne, redoutant son autoritarisme ou ses alliances troubles à l'international, mais pas le choix, il FAllAIT tout prendre. Nombre de votants pour Macron voulaient avant tout éviter Fillon mais n'appréciait pas le programme d'En Marche sur les aspects sociaux, fiscaux ou écologiques...
Aujourd'hui, nombre de propositions fleurissent aujourd'hui pour permettre de voter avec des gradations, des variantes allant de "un peu" à "complètement" des systèmes de notes, de démocraties en continu. De l'émergence du mouvement démocratie OS qui triomphe en Argentine à des alternatives françaises comme #MAVOIX, nombre de mouvements font vivre une démocratie mature, posée. Jugées avec un amusement qui peut confiner au mépris par nombre de commentateurs, ces initiatives brillent d'autant plus par contraste avec la noirceur de cette folle élection. A titre personnel, pour les législatives, c'est certain #MAVOIX aura la mienne et je scruterai demain le tirage au sort qui déterminera celui ou celle qui sera chargé de me représenter, en me consultant avec tous les autres, sur chaque proposition de texte.
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