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19/06/2018

Valeurs infiniment grandes, actes infiniment petits

Ce matin sur France Culture, Mounir Mahjoubi a osé dire "le président Macron est le seul en Europe qui se bat au quotidien pour faire émerger la question des migrants, mettre ce thème à l'agenda pour qu'on agisse. Le problème ça n'est pas l'Aquarius, ce sont les cinquante Aquarius qui viendront demain". C'est extrêmement habile, cette stratégie déjà usée jusqu'à la corde pour masquer l'absence de politique écologique du gouvernement : renvoyer sa lâcheté quotidienne en grandeur de demain. Cette stratégie peut être qualifié de "populisme d'en haut", plutôt que de flatter des bas instincts grégaires (populisme classique) on flatte la technocratie en expliquant qu'il existe toujours de bonnes raisons pour ne répondre à ce qu'Orwell appelait la "common decency". Trudeau fait la même chose en expliquant qu'il faut sauver la planète demain mais nationalise aujourd'hui un gigantesque pipeline de schiste bitumineux (les plus écocidaires) parce que bon, on n'est pas à une contradiction près... Nous avons fait la même chose avec une grande surboum #makeourplanetgreatagain financée par la seule banque condamnée pour spéculer sur les matières premières agricoles (BNP Paribas) tout en important de l'huile de palme à foison à la Mède. Interrogé sur cette décision irresponsable, LREM renvoi la responsabilité aux prédecesseurs et se targue de vouloir honorer le contrat avec Total. C'est amusant, mais quand Duflot prenait l'engagement de bloquer les loyers, aucun scrupule à défoncer cette mesure par la suite avec le soutien de Bercy (poste de Macron à l'époque) : on a la fidélité à géométrie variable.... 

Soit Mahjoubi est sincère et c'est très inquiétant sur son intelligence, soit Mahjoubi est cynique et c'est profondément révoltant quand on pense aux enjeux soulevés. Car enfin, la loi Collomb sur l'asile et l'immigration a été voté par le FN, par la frange dure de LR et autres. Il n'y a pas que le temps court de l'Aquarius, depuis un an de mandat, ce gouvernement mène une politique migratoire infâme. On peut se draper dans de grands idéaux, les faits sont là. Et ils sont accablants.

Nul besoin d'attendre un feu vert des dirigeants européens pour accueillir l'Aquarius avec ses femmes enceintes et sa centaine d'enfants. Nul besoin de dire que la Hongrie et la Pologne sont d'extrême droite et encore plus liberticides que nous pour ne pas agir. En parlant grandeur du monde, enjeux de déplacements colossaux et autres, Macron feint d'ignorer qu'ils laissent ses ministres, Collomb en tête, continuer à orienter le débat avec l'infâme équation : immigration = insécurité, plus paupérisation, plus délinquance voire terrorisme. Il laisse essentialiser le débat sur l'immigration à la question de l'islam comme jadis, seul le FN osait le faire. 

Sur les deux grands enjeux concernant les générations à venir, écologie et migrations, la macronie rêve tout haut et si fort que cela l'empêche sans doute de voir ce qu'elle fait, tout tout tout tout bas. 

 

 

15/06/2018

Pognon de dingue : le contretemps

Plus le quinquennat avance, plus Macron me fait penser à ces soviétiques qui pensaient en 1991 que l'URSS avait raté car on était pas allés assez loin dans l'expérience communiste. Les propos librement volés de notre Président sur le "pognon de dingue" que nous coûtent nos aides sociales auraient, éventuellement, pu être été audibles il y a 40 ans, quand on ne savait pas. Aujourd'hui ça relève au mieux de l'aveuglement, au pire du délire de persécution des plus fragiles. 

Effectivement, le modèle de protection sociale français représente une part très importante de nos dépenses publiques, de la redistribution de nos richesses. Et cette part augmente avec le temps, mais on oublie de dire pourquoi ce qui changerait tout. Ca n'est pas de la gabegie, de la mauvaise gestion ou de l'idéologie socialiste. Mécaniquement, le fait que nous vieillissons augmente ses dépenses sociales, on paye pour nos aînés, nos plus fragiles, les personnes en situation de handicap ne meurent plus à 30 ans comme après guerre. On arrive à soigner davantage de cancers... C'est ça, les dépenses sociales. Et quand on voit la situation dans les EHPAD, le montant de l'AAH (allocation adulte handicapés) ou encore les prestations versées comme le RSA (dont la moitié des bénéficiaires potentiels ne le réclament même pas) ou les allocations familiales, difficile de dire aux personnes concernées qu'elles touchent "un pognon de dingue". Alors oui, les personnes en question restent pauvres. Ca s'appelle la fragilité, ça s'appellent les inégalités qui se sont tant amoncelées qu'elles forment des discriminations systémiques et que pour ceux qui ont sombré, qui ont perdu confiance, qui n'ont pas de formation initiale ou qui ont subi un accident, le volontarisme et le wishfull thinking comme on dit dans la start up nation, ne peuvent suffire. 

Ce que Macron refuse d'admettre et qui, en 2018, relève pour le social de l'équivalent du climato sceptissisme, c'est que le "quand on veut on peut aller vers le plein emploi" ne marche pas. Tous les pays qui baissent les dépenses sociales voient les plus riches être encore plus riche, le chômage baisser MAIS la pauvreté exploser. L'Allemagne et sa loi Hartz IV est à la fois le pays d'Europe où la pauvreté a le plus augmenté ses 15 dernières années (hors Grèce, hein) mais aussi les travailleurs pauvres. Idem pour le Royaume-Uni sans parler, évidemment, des Etats-Unis, où 25% des travailleurs sont sous le seuil de pauvreté. Des chiffres effarants de violence et qui ne cessent d'augmenter. Dans ces trois pays, de plus en plus de personnes à la rue, de plus en plus de refus de soins, de plus en plus de bagarres de SDF pour récupérer l'argent des consignes, des queues qui s'allongent devant les banques alimentaires. C'est ça, le prix à payer pour ne pas vouloir dépenser un "pognon de dingue" et le redonner de l'autre main, à ceux qui ont déjà tout... 

13/06/2018

C'est tragique, le tragique nous relie.

J'ai connu des journées plus fastes professionnellement qu'hier, enfermé à parler afacturation (j'ai appris le mot aussi...) cyber risques et transmission d'entreprises. Ca n'était pas non plus pénible, pas la mine, m'enfin si on me demandait de dessiner l'extase, aujourd'hui n'aurait pas été une source d'inspiration forte.

Et puis vers 17h, mon portable s'est emballé. Des appels et messages pour savoir si j'étais bien, si je n'étais pas embarqué dans cette prise d'otage qui avait ceci de différent avec celle des cheminots que des vies étaient réellement en jeu. Ladite prise d'otage avait lieu à 100 mètres de chez moi. Alors des proches se sont inquiétés. Alors même que le seul risque que j'encourrai tenait à l'ennui et le risque de manquer d'enthousiasme face à une explication des facteurs de possible regain de croissance. Il n'y avait, objectivement, aucune raison de s'en faire, mais face au tragique, nous nous emballons. Statistiquement, j'avais probablement plus de chances de me faire écraser par un chauffard sur le retour que de risquer un drame perpétré par un forcené. Un drame de l'info en continu, des technos instantanés c'est qu'elle nous empêche de rationaliser pour être victime de nos émotions primaires. Je trouve toujours cela déplorable. Ce soir, je tempérerai cette déploration par le fait que, j'avoue, ça fait du bien de voir que le tragique nous relie et que face au pire, certains pensent à vous.