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17/03/2020

Profiter du confinement pour remettre d'équerre les travers

La première guerre a débouché sur la création de la SDN, la seconde a accouché de l'ONU, de stabilité monétaire dans le monde, du CNR, chez nous. Il y a toujours des moyens de se rassurer, de se dire que tout va bien se passer et que, naturellement, les catastrophes muent en miracles comme les chenilles deviennent papillons. Pourquoi pas. Mais l'automaticité n'a rien de certain et on pourrait aussi lister ce qui va de biais.

Cette crise actuelle frappe d'autant plus fort les plus fragiles. Soit parce qu'ils n'ont pas de toit, soit qu'ils vivent dans un habitat vétuste, délabré, minuscule... Ensuite ceux qui ne peuvent faire les courses, les produits les moins chers partant les premiers, la pente est d'autant plus raide pour les portefeuilles minces. Macron a éteint l'incendie hier, des impayés de factures, de loyers. A court terme, il n'y aura pas de million d'expulsions, de robinets coupés ou de gens dans le noir. D'accord. Mais à la reprise ? La reprise pour qui ? 12 millions de français sont à 50 euros près à la fin du mois.... Bien sûr le confinement réduit à néant le budget loisir. Mais il réduit aussi à néant tous les petits extras (travail au noir des artisans, cours du soir des profs, ou musique), troc, deal (quoi que, en temps bloqués, les gens s'ennuient et se droguent beaucoup) et pour des budgets étriqués, les déficits se creusent. Les charges, taxes, impôts, tout cela va être assuré, pris en charge par l'Etat pour un mois. Mais au bout de plusieurs semaines, il y aura des cartes bleues refusées par millions dans les distributeurs et aux caisses des supermarchés. S'agirait que la course contre la montre soit vite gagnée...

Quand l'activité reprendra ses droits, Philippe Juvin, chef des urgences de Pompidou, rappelle que nous aurons une hécatombe chez les plus fragiles, affaiblis et surexposés aux risques sanitaires par la précarité. Si rien ne change maintenant, notre monde inégalitaire ne le sera que plus. Hier, les banquiers centraux réunis pour s'accorder sur les taux fanfaronnaient sur fond de "nous aurons une croissance plus que robuste, quand ça repartira". C'est à dire un ticket pour l'open bar écocidaire et de la casse sociale : une reprise avec des contrats sans garantie pour tous, pour relancer plus vite, plus haut plus fort. Plus d'échange internationaux pour ne pas entraver le besoin de croissance et profiter de l'excès de liquidité... Business as usual, encore plus inconscient des limites écologiques et des fragilités sociales, en somme. 

En plus de réunions pompiers, les grands argentiers pourraient profiter de leur engouement pour les visioconférences pour consulter des économistes hétérodoxes, lire des sociologues et chercheur.e.s qui bossent sur des alternatives sociales et écologiques pour, peut-être, éviter, de relancer la machine exactement sur la trajectoire folle qu'elle empruntait...

L'heure étant aussi à la responsabilité individuelle, on pourrait profiter du confinement pour repenser pleinement et au quotidien l'égalité F/H. Autour de moi, j'ai noté que les travers sociaux se répercutent parfois dans le cocon : papa télétravaille, maman gère les kids. Mais j'ai aussi noté des tonnes de pratiques vertueuses avec un partage 100% égalitaire : tu les gères aujourd'hui, moi demain, ou moi ce matin, toi cet aprèm. C'est simple et facile, évident aussi. Si ces pratiques vraiment pleinement égalitaires continuent à la reprise, ça sera déjà ça de gagné. 

16/03/2020

L'enfer, c'est pas les autres

Nous y voilà : confinés, enfermés. Dans quelques heures, tout sera bouclé comme nos voisins italiens et espagnols. Trop méditerranéens, trop insouciants et irresponsables pour nous auto-discipliner, nous avons obligé nos gouvernants à exiger que la police et l'armée nous bouclent chez nous sous peine d'amende. 

Nombre d'articles ricanants circulent sur le thème "l'enfer, c'est les autres". Chaque fois, des éditorialistes pouffant que "quand on se met en couple, on veut passer sa vie ensemble, peut être pas toute sa vie". Des articles satiriques relatent une explosion des divorces en Chine suite au mois de confinement mettant en garde les européens contre un inexorable délitement lié à la promiscuité. Le même qui a le plus été partagé jeudi soir suite à l'annonce de la fermeture des écoles disait "quand ils disent qu'on ferme les écoles, c'est avec les enfants à l'intérieur ?".

Dans l'écrasante majorité des cas, il s'agit de second, troisième, xxème degré et tant mieux, c'est salvateur. La situation est suffisamment étouffante pour qu'elle ne devienne pas irrespirable. Néanmoins, à ne pointer que ces cas là, en riant des cohabitations forcées, on élude ce que nos sociétés ont fabriqué de toutes pièces et par millions : des personnes seules par obligation et non par choix.

Les familles dissociées laissent les aïeux seuls et désormais, impossible de leur rendre visite. On parler des EHPAD, bien sûr, mais tous les très séniors sont dans la même situation. Hors de question de laisser des petits enfants à des aînés souffreteux, au souffle court. Les modèles de vie hachées ont crée des records de célibataires. Des millions de personnes seules, vraiment seules, de plus en plus sans enfant par impossibilité au moment où il était l'heure. Rajoutez à cela l'explosion du foncier dans les métropoles qui confinent ces personnes seules dans des boîtes à chaussures. Ça, c'est l'enfer. 

Une situation exceptionnelle permet à chacun de relativiser. Nos gouvernants réalisent depuis une semaine que certaines activités sont au dessus des lois du marché. On va pouvoir apprendre à réaliser l'immense bonheur de partager nos vies. 

(Avant de me faire tacler sur le thème "j'aimerais t'y voir", vous pouvez m'y voir. Ma fille est évidemment extrêmement précoce, mais elle est à un âge où je ne peux la laisser seule plus de 10 secondes ce qui, vous en conviendrez, est sans doute trop peu pour écrire la suite de la Recherche du Temps Perdu, aider les ados pour leurs devoirs ou les anciens pour des courses.....).

Le virtuel ne transmettant pas le virus, de grosses bises à toutes et tous en ces délicats et un immense merci aux soignant.e.s pour qui l'enfer ne fait que commencer... 

15/03/2020

47 millions de choix de Sophie

Je me suis refait le film dans tous les sens, avec toutes les options, tous les arguments contre-arguments et je ne vois pas de décision raisonnable et responsable. "Eu égard aux risques et surtout d'invalidité du scrutin sans second tour, je me dis que je vais m'abstenir, même si j'ai l'impression de déserter. Et en pensant à ça, je me dis que je vais regarder les chiffres de participation et que si les gens y vont, j'irai" me disait la Reine Mère. Je partage, ce point de vue et vraiment, je me désole que les élections aient lieu. Car ça n'est pas à nous de faire ce choix. Macron a voulu être père de la Nation, il a mis tout le monde de côté, depuis 3 ans, il décide de tout, tout seul. Il contredit ses ministres, s'assoie sur ses députés, ignore les syndicats et l'opinion. C'est un autocrate de tempérament, heureusement sans les pouvoirs constitutionnels pour l'être, mais sur absolument tous les sujets, il décide seul et là il laisse à chacun la responsabilité de se rendre ou non dans l'isoloir sans savoir - de l'aveu même de l'Elysée- si le second tour aura lieu. 

Les arguments sur "l'impossibilité du report" sont dérisoires. A 19h30, Philippe prend la décision unilatérale, sans consulter aucun des acteurs concernés, de fermer tous les bars, restaurants et autres en 4h de temps. On a vu, du jour au lendemain, fermer des événements pharaoniques en quelques heures. Et personne ne moufte, car on sait que ça sauve des milliers de vie. De la même manière les propos sur une éventuelle critique de "confiscation de la démocratie" par les opposants ne tiennent pas. Bayrou, Morin, Pécresse et tutti quanti appelaient hier à un report des élections. 

Scientifiquement, c'est le plus dégueulasse. Les scientifiques sont des gens courageux, ils disent ce qu'ils pensent. Hier, des pétitions de scientifiques, épidémiologistes, médecins, infectiologues, appelaient à l'annulation des élections. Ce matin, le Professeur Mignon dit que "ça n'est pas raisonnable". A visage découvert, ils disent tous ce qu'ils pensent. Qui compose le conseil scientifique sur lequel s'appuie Macron ? Personne ne sait, aucun scientifique ne cautionne les propos présidentiels. Transparence zéro, irresponsabilité et instrumentalisation de la science, maximale.  

Il est à peine onze heures et je vais continuer à me faire des noeuds au cerveau. Des ami.e.s y sont allés en rouspétant, en tempêtant, en écumant. D'autres s'abstiennent volontairement, activement, fortement. Je comprends tout le même. Je ne juge personne. Ce n'était pas notre choix et nous y sommes contraints. En apprenant de nouvelles contaminations, certain.e.s se sentiront coupables sans être directement fautifs. En regardant les résultats, certain.e.s se désoleront par contumace. Dégoût.