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10/03/2020

Extension du domaine des fragilités

Tu parles d'un colosse, notre système. A date, on ne sait pas encore qui est le vrai coupable, mais les deux principaux suspects de la casse planétaire sont bien malingres : un pangolin ou une chauve-souris. Une zoonose de plus, comme la vache folle, le SRAS ou la grippe aviaire. Une de plus, de plus en plus fréquentes, de plus en plus rapide à se propager, aussi. Les grandes pestes du moyen âge mettaient des années à quitter un pays, le coronavirus a atteint son premier patient hors de Chine en seulement huit jours. Et le système entier s'est enrayé plus rapidement que jamais. 

Du très spectaculaire (plus de manifestations sportives et culturelles) au plus symbolique (annulation de salons professionnels) l'arrêt de l'activité économique est bien plus patent qu'en 2008, quand bien même la dégelée sur les marchés est moins forte. Surtout, la crise actuelle met en lumière ce que nombre d'économistes hétérodoxes ont dit depuis 10 ans sans jamais être entendu : nous n'avons tiré aucune leçon de 2008 et sommes infiniment plus vulnérables. Les banquiers, les directeurs de fonds, tous ceux qui ont spéculé sur ces saloperies de subrpimes, ont inventé des produits attrape-gogos, vont mieux que bien. Personne ou presque n'a été sanctionné. Un Madoff pour l'exemple et récemment une filiale de BNP (Helvet Immo) condamné à 150 millions d'euros pour avoir escroqué de pauvres hères. Des amendes dérisoires par rapport aux sommes en jeu. Si dérisoires qu'elles n'ont pas empêché les fonds et banques de refaire n'importe quoi avec la bénédiction de la FED et de la BCE qui ont déversé un pognon de dingue à taux négatif... Maintenant que la fête va à nouveau se calmer, il y a fort à parier qu'ils ne seront toujours pas mis à contribution et que, comme en 2008, les États vont "laisser filer les déficits" et que quand le gros de la crise aura passé, ils reprendront leur laïus sur "l'impérieuse austérité pour rembourser la dette" avec une crédibilité en berne... Quand on accepte d'augmenter la dette de 30% du PIB pour sauver la finance automatisé, on a du mal à être crédible en expliquant qu'un point de plus pour l'hôpital public, l'éducation et la recherche et les minimas sociaux nous condamneront à l'Armaggedon budgétaire...

L'autre fragilité n'est plus financière, mais sociale. Le chômage fut résorbé partout dans l'OCDE avec un recours ultra massif aux travailleurs indépendants qui ont triplé a minima en 10 ans dans tous ces pays. Pour quelques indépendants fortunés et sans risque de panne de commande (dont ma pomme) l'écrasante majorité des cohortes est composé de travailleurs des plate-formes (livreurs, chauffeurs, logisiticiens) et de nouveaux précaires du monde des services qui naguère auraient été salariés (rédacteurs, relecteurs, chargés de projets...). Eux qui sont à l'arrêt depuis quelques jours, quelques semaines, n'ont aucun filet de sécurité, aucune assurance chômage, rien. Bien plus dure sera la chute pour eux, qu'en 2008... Et quand ils devront payer leurs loyers, voire rembourser leurs achats, les choses vont se compliquer grandement. La crise de 2008 a vu une explosion du nombre de SDF, si celle-ci dure quelques mois, l'hécatombe pourrait être plus forte encore.

Insoutenable écologiquement et socialement, notre système ne repose que sur un fondamentalisme financier qui voit dans toute entrave au libre échange du "populisme réactionnaire". Face à des forcenés pareils, l'édifice ne peut vaciller, il ne peut que s'écrouler d'un coup. Difficile, en de telles circonstances, de trouver des raisons de sourire car l'effondrement dans l'état actuel favorisera le sauve qui peut, celui des nababs à même de se payer des milices et laissera les autres en proie à une misère noire. 

07/03/2020

Tout est trop relatif

Godard avait coutume de dire que "l'impartialité ne peut être cinq minutes pour les juifs, cinq minutes pour Hitler" et c'est hélas ce qui se passe sur nombre de sujets. A force de hurler qu'on ne peut plus rien dire, qu'il faut couper court à la censure, que tout le monde doit pouvoir s'exprimer, on ne hiérarchise plus et on relativise tout. 

Or, si chacun peut désormais être sa propre caisse de résonance avec les réseaux sociaux, ceux qui ont la responsabilité d'émissions, d'espaces de débats, ne devraient jamais suivre cette pente dangereuse de l'indifférenciation. Quand Despentes dit que l'on couvre un pédocriminelle et que Polony répond en chargent Haenel, Despentes et Foresti, certains disent "un partout balle au centre, équité respectée". M'enfin de quoi parle-t-on ? On peut trouver le style trop violent dans un cas ou les mouvements d'humeur peu élégant dans l'autre, mais on met sur un pied d'égalité une condamnation d'un crime et une attitude ? Folie...

Les atrabilaires qui conchient Greta Thunberg au point de lui nier le droit d'avoir des convictions ont plus que souvent leur tour de mégaphone. Mais la critique de l'adolescente a rapidement laissé la place à une critique en règle de "l'idéologie écologiste" et voilà comment, au milieu des ventes de SUV et de pesticides qui continuent à battre des records, on se demande si "les radicaux verts ne vont pas trop loin ?". Lâcheté immonde. 

Je sais que le plus grand cerveau du siècle passé disait que tout est relatif, mais on doit pouvoir trouver un curseur quelque part pour rendre l'air du débat moins pollué. 

01/03/2020

Fin du débat

Concédons une évidence à la macronie : il y avait bien depuis quelques jours de l'obstruction parlementaire. Proposer un amendement visant à remplacer "annuellement" par "chaque année" c'est évidemment une perte de temps et dévoyer le travail règlementaire. Bien sûr. Mais la seule double question qui vaille est "comment en sommes nous arrivés là ? Comment les députés LFI en ont-ils été réduit à cette seule possibilité pour se faire entendre?". De cela, on cause peu, ce matin.

Le gouvernement passe en force alors qu'il a une majorité fidèle, voire au pied comme on dit des meilleurs labradors. Les comparaisons avec le passé ne tiennent pas. Valls le fit par menace des frondeurs, Rocard voulait s'éviter des crispations avec les courants socialistes, la chose ne tient pas en Macronie, modèle descendant au possible où les députés votent ce que dit leur Dieu, y compris sur les jours de congés en cas de décès d'un enfant, c'est dire. Non, ils passent en force car ils veulent s'éviter une déroute encore plus grande lors des municipales. Stratégiquement, ça s'entend. Démocratiquement, c'est un non sens.

Parler n'est pas débattre. A l'issue des révoltes des gilets jaunes il y eu un "Grand débat" organisé par une officine complice (Bluenove) dont il n'est rien ressorti en lien des revendications. La première d'entre elle était de renforcer le système public de santé et c'est un euphémisme de dire que ça ne fut pas entendu. Forcément, ça énerve. Ce gouvernement méprise tout le monde, syndicats, corps intermédiaires, oppositions politiques et ne retient pas une virgule des propositions qui ne sont pas les siennes. Forcément, ça rend fou.

Prenons un texte emblématique de réforme comme les 35h de Jospin. Opposition vent debout, le tout passe sans 49-3 et 20 ans après personne n'est revenu dessus. Par miracle ? Non, parce que le texte était très discuté, amendé, partagé. Beaucoup d'allègements de cotisations pour les grands groupes, des dérogations par branches, des exceptions, de la concertation quoi. Résultat, le texte passe largement modifié par rapport à la version initiale.

Là, on a un texte qui, dès qu'il est débattu, crispe tout le monde. On passe en trois mois de deux tiers à moins d'un tiers de soutien. On l'oublie tant tout passe vite, mais on fait face à des conflits d'intérêts qui, dans n'importe quelle démocratie mature, invalide le projet et propose un report d'un an. Le départ de Delevoye, le maintien de Jacques Maire malgré des centaines de milliers d'euros de rémunérations des principaux acteurs privés de retraites est d'un manquement éthique inouï. Par ailleurs, il y a un amateurisme fou dans le texte, les nouvelles retraites des fonctionnaires, des profs notamment, changeant chaque jour. Enfin, l'indicateur futur des retraites n'existe pas, selon l'INSEE. Avec des failles aussi gigantesques, le fait qu'un texte pareil soit soumis au parlement est pure folie. On ne peut pas débattre avec des forcenés pareils, tant mieux, ils ne veulent pas débattre. 

En termes de rapport de force, le pragmatisme à ce niveau rappel l'armée israélienne qui justifie le recours aux missiles face à des lanceurs de pierre. Pareille humiliation ne s'oublie pas et ne peux bien finir...