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14/10/2020

Les jeunes vieux

"Je n'ai jamais eu l'âge de mon État civil" écrivait Aragon qui refusait, à raison, de se voir vieillir. La Macronie non plus n'a jamais eu l'âge de son état civil, ils sont des trentenaires et quadras cacochymes.

Ce matin, la secrétaire d'État à la jeunesse Sarah El Haïry s'est exprimée à la radio avec un phrasé qui n'était pas sans rappeler la Baronne de Rothschild et un regard sur la jeunesse qu'aurait adoré Pierre de Coubertin ; une espèce de paternalisme mâtiné de condescendance "faites vos preuves et après on verra". Interrogée sur "la génération sacrifiée", pourtant statistiquement incontestable, la ministre de répondre : "non, c'est une génération à l'oeuvre". Des éléments de langage qui auraient pu servir, au XIXè, pour maintenir le travail des enfants.

Ça n'est pas une surprise, ils sont tous pareils dans ce gouvernement. Il y a Gabriel Attal, aussi, lui qui morigénait la "gréviculture" des syndicats français comme le ferait Tatie Danièle. Souvenons de Brune Poirson, qui parlait du recyclage comme solution miracle, exactement comme les pubs coca des années 60 où la marque justifiait son passage de la bouteille en verre au plastique en responsabilisant le consommateur "pensez à bien les mettre à la poubelle". Elisabeth Moreno, notre nouvelle ministre de l'égalité femmes-hommes, "issue de l'entreprise, responsable diversité chez HP" en voilà un truc neuf, plus excitant que les anciens assistants parlementaires du vieux monde. Que pense-t-elle des relations entre sexe ? Elle en loue "la complémentarité". Bah voilà, les hommes viennent de mars, les femmes de vénus, ça c'est neuf !

Et puis, évidemment, Gérald Darmanin, dont le vocabulaire sépia et la rhétorique martiale rappellerait presque Raymond Marcellin, au point de nous faire oublier que le locataire de Beauvau n'a pas 40 ans... Sibeth N Diaye, Cédric O, Stanislas Guérini, toutes ces personnes sentent la naphtaline. Une naphtaline 2.0., la condescendance des Anciens avec Stop Covid.

Au sommet de la pyramide de la macronie, il y a Jupiter lui-même. Quadra vendu comme "un Président jeune", l'âge de Macron constitue une arnaque grosse comme une étiquette de Pétrus sur du Beaujolais Nouveau. Tout chez lui transpire le croulant : sa passion pour la chasse, pour Jeanne d'Arc (son premier grand discours) le Puy du Fou (ses premières visites et soutiens politiques), pour Marcel Gauchet... Ses goûts littéraires et cinémas trahissent un anachronisme, sa manière de gouverner, plus verticale que jamais, nous renvoie aux chefs de cantons se rêvant empereurs.... 

On dit souvent que les crises exacerbent, grossissent le trait des défauts. Avec le Covid, Macron est plus vieux que jamais. De son discours sur l'épidémie dominé par la guerre, le fait de "se tenir, ne pas se relâcher" aux boucs émissaires qui seraient responsable de la reprise des contaminations, les jeunes. Il faut tancer les jeunes invertébrés, incapables de comprendre, incapables de se maîtriser... En 2017, Macron en campagne avait vertement recadré un jeune homme en déshérence professionnelle qui lui disait qu'il ne pouvait se payer des beaux costards ; le président lui renvoya un "le meilleur moyen de s'acheter des costumes, c'est encore de travailler", dans une punchline droit sortie de la bouche d'Hubert Bonisseur de la Batte. Contrairement à Macron, OSS a le mérite de nous faire rire, par les temps qui courent, ça n'est pas un luxe... 

13/10/2020

Aporie, aporie

Faut-il sauver des vies ou l'économie ? La planète ou le PIB ? Fin du monde ou fin du mois ? La destruction créatrice ou le modèle Amish ? Je n'invente rien, c'est tristement en ces termes que la plupart des grandes rédactions, des grandes voix de l'info, posent les alternatives offertes à nous. Si l'enjeu n'était crucial, je m'esclafferais, mais c'est évidemment à pleurer.  

Comme on me chaparde trop souvent des livres sans me les rendre, je ne sais plus dans quel ouvrage de Raoul Vaneigem c'est, mais c'est bien l'auteur du "traité de savoir-vivre à l'usage des jeunes générations" qui a écrit "la grande force du capitalisme, c'est de réussir à détourner toute question sociale, tout débat de fond et de choix, pour les réduire à une aporie". Le dictionnaire parle pour "aporie" d'une "contradiction insoluble dans un raisonnement" et c'est bien de cela qu'il s'agit. Nous sommes comme des singes pas savants face à un Rubik's Kube vérolé, interdits de perplexité. Nous soupirons sans voir que la seule manière de résoudre l'équation est de reprendre un Rubik's Kube propre. 

Peut-on sauver des vies sans économie ? Sans argent pour payer les soignant.es, financer leur matériel ? Inepte. Une planète inhabitable au PIB florissant, est-ce un projet de société ? Si la fin du monde est là, est-ce vraiment un drame d'être à découvert bancaire ? Et ne pas se précipiter vers la 5G, vers les couches culottes connectées, l'hydrogène vert et l'intelligence artificielle pour nous aider à choisir le menu du restaurant, c'est à dire rester avec le niveau inouï des innovations découvertes en 2020 nous transporterait comme par magie à la fin du XVIIe, quand les Amish se sont constitués en mouvement refusant la marche du temps ? C'est évidemment inepte. A se battre sur des feux contre-feux sans voir ce que nous voulons, nous sommes voués à l'échec. On ne peut jamais rassembler sur la base d'une aporie. "Êtes-vous pour le partage des ressources ?" Naturelles, financières, en temps, par genre, par territoire et populations habitants ces territoires, cette façon permet de poser le débat avec une base de 95% de favorables. Il y aura évidemment beaucoup de pertes en ligne, c'est inévitable, mais ça demeure un postulat initial supérieur aux combats intersectionnels, si légitimes soient-ils. 

 

11/10/2020

Langue tuée

Les assassins des langues mortes sont rarement pris en flagrant délit. Et pour cause. Ça résiste plus qu'un virus une langue. Ça traverse les saisons, les années et même, et surtout les générations. Ça se transmet, même quand des dirigeants vous intiment de ne pas la parler. Les bretons et les corses peuvent en témoigner, les aborigènes ou les indiens du Canada et des États-Unis aussi. Et tant d'autres. Dans une époque qui encense tartuffement la diversité, la diversité linguistique est si mal tolérée. Parlez globish et tout ira bien, misère. 

En cette fin de semaine, sans une ligne nulle part hors presse spécialisée, un arrêté ministériel nous confirme que l'épreuve d'ancien français disparaît du CAPES de lettres. Exit tout ce qui existe avant le 16ème siècle. Montaigne et Rabelais ont encore un sursis, mais Chrétien de Troyes, François Villon et Christine de Pizan ne seront plus enseignés en version originale, autant dire qu'on peut les oublier. Seul.es les agrégé.es de lettres auront encore la possibilité de se plonger dans ces textes et de les faire partager avec ferveur avec des collégiens et des lycéens qui vibrent souvent pour Tolkien, pour Games Of Thone, pour Kaamelot et peuvent aisément être amené à la littérature médiévale avec ces chevaliers, ces troubadours et troubairites, princes et princesses, donjons et dragons. Maintenant que l'épreuve est éliminée du CAPES, la disparition de l'agrég est une question de temps, mais on programme sa mort...

On parle d'un arrêté ministériel. On parle de Blanquer. Blanquer assassine sciemment la langue, l'estropie et personne n'y trouve rien à redire. Ça c'est du privilège blanc et réac. On imagine mal un élitiste pareil, ex directeur de l'ESSEC, abaisser le niveau sur le français et pourtant il le fait. Ça passe crème. Je n'ose imaginer ce qui serait advenu si Najat Vallaud-Belkacem avait osé faire passer cette mesure. Laurent Wauquiez et consorts auraient hurlé que c'était l'échec de l'intégration et que les arabes désagrégeaient notre trésor de langue...

Rien ne peut justifier une décision aussi stupide que dangereuse. Les thuriféraires autoproclamés de la langue française l'affaiblissent, affaiblissent ceux qui l'enseignent et donc diminuent l'ouvroir de vocabulaire et d'imaginaires potentiels des collégien.nes et lycéen.nes de demain. Tout ça pour quoi ? Pour rien. C'est un assassinat en flagrant délit, sans mobile, pour lequel il n'y aura pas de procès. Dégoût...