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11/11/2021

À rebours

Macron achève le quinquennat comme il l'a commencé : avec des idées dont on sait qu'elles ne marchent plus. Il a ouvert son mandat avec la mort de l'ISF et l'instauration d'une flat tax au nom d'un ruissellement dont il nous serine qu'il va faire rester les riches, en attirer de nouveaux et créer des champions mondiaux... Bref, tel un membre prenant sa carte au parti dans l'Union Soviétique de 1988, Macron se lançait joyeusement dans ce qui a mené tous les pays riches à un modèle social proche des pays les plus pauvres avec une élite séparée du pays, vivant en gated community, allant dans des écoles et hôpitaux privés et employant plein de personnel pour compenser leurs heures de travail supplémentaires. On ne casse pas un modèle social du jour au lendemain, et les acquis du CNR, pilonnés depuis au moins Sarkozy voire avant tiennent toujours, mais cesse plus effilochés... Le néolibéralisme, les cadeaux fiscaux aux plus riches, on en a depuis longtemps, mais les courbes et tendances ne sont en rien, mais alors en rien comparables avec les quinquennats précédents : Macron a vraiment été le président des ultra riches, décomplexés.

Et pour la fin de son mandat, il passe son infâme réforme de l'assurance chômage et relance l'idée de sa réforme des retraites pour bien dire qu'il faudra bosser plus longtemps. En ligne de fond : gare à celles et ceux qui refusent de bosser et ne prennent pas les offres, on sucre les allocs. Il ressuscite le mythe du chômeur volontaire, feignant cocagnier, face aux offres abondantes.... Même en période de relance inouïe comme actuellement, il y a peut 700 000 ou même 800 000 offres d'emplois non pourvues, ce qui est beaucoup, mais 6 millions de personnes qui ne bossent pas autant qu'elles veulent donc le compte n'y est vraiment, mais alors vraiment pas. Macron fustige et fracassent les malheureux qui n'ont pas d'emploi au moment même où, aux États-Unis, le pays a été frappé par "The great resignation" 20 millions de démissions depuis le Covid. Et pas 20 millions de bullshit jobs décidés à tourner le dos au consulting pour aller faire de la permaculture. Non. 20 millions d'exploité.es de la logistique, de la restauration, du nettoyage, de l'agro alimentaire... Et ça n'est pas pour profiter du chimérique système allocataire qu'ils partent. Ils partent parce qu'ils n'en peuvent plus : sous payés, sous considérés, non sécurisés dans le temps par leurs emplois, marre. Marre, marre, marre et ils reviendront quand les employeurs se réveilleront, ce qui vient...

Macron ferait bien de s'en inspirer car le même problème est devant nous. 300 000 emplois non pourvus dans l'hôtellerie restauration ont poussé la profession à auditer cette désertion. Et les résultats de leurs enquêtes sont sans appel : celles et ceux qui sont parti.es et ne veulent pas revenir, comme celles et ceux qui ne veulent pas y aller alors qu'elles et ils sont sans emplois évoquent des rémunérations déplorables, évidemment, mais pas que. Ils pestent contre des heures supplémentaires non payées, des récups non attribuées, l'impossibilité d'avoir un planning sur les trois mois à venir, et la considération d'un job étudiant. Et dans ces conditions : fuck. Confronté au même problème, le BTP ne s'en est pas sorti en menaçant les récalcitrants, mais en généralisant les hausses de salaires déclarés, les CDI, les formations, recours aux mutuelles et aux CE. Exit la culture de la débrouille et les promesses de black pour compenser. Ils s'en sont sortis en traitant les gens humainement. Les lois Macron sur le travail sont, littéralement, inhumaines et veulent nous renvoyer vers le XIXème siècle, celui où fut écrit le roman de Huysmans, À Rebours. L'essence même du macronisme. 

07/11/2021

Politique chronophage et endogamie

On peut le lire comme un progrès en termes d'égalité : dans un couple, l'homme met sa carrière entre parenthèses pour ne pas nuire à son compagne. Thomas Sotto, le présentateur de l'émission politique phare de France 2 s'arrête au nom de sa relation avec Mayada Boulos, dircom de Jean Castex. Sa co présentratice, Léa Salamé, avait elle même dû arrêter de présenter les journaux d'Inter pendant les européennes puisque son compagnon, Raphaël Glucksmann, était candidat. Chaque histoire d'amour est singulière et je m'en voudrais bien de juger l'une ou l'autre de ces relations, mais le fait est que la France détient la palme en termes d'endogamie entre politique et information, et ce depuis longtemps. 

Le phénomène était documentée et Acrimed montrait bien de façon critique ce que le systématisme de ces couples avait de pervers pour la démocratie : DSK et Sinclair, Ockrent et Kouchner, Boorlo et Schoenberg, Marie Drucker et Baroin, Pulvar et Montebourg, Trierweiler et Hollande... Sarkozy et Chirac avaient eux mêmes eu des liaisons avec des journalistes stars en marge de leur couple (Anne Fulda pour l'un, Jacqueline Chabridon, pour l'autre). Dans "les nouveaux chiens de garde" Serge Halimi pointait les manquements déontologiques évidents que ces questions posaient, mais ça a continué sans jamais s'arrêter jusqu'au deux relations citées plus haut. Jean-Michel Blanquer a quitté son épouse pour une éditorialiste BFM, Anna Cabana, Caroline Roux a épousé le dircab de Sarkozy, Laurent Solly, Vincent Peillon avec une journaliste de l'Obs, Sapin s'était remariée avec une éditorialiste des Echos et j'en oublie sans doute des tas car je ne lis pas de Tabloïds, tout cela je l'ai appris a posteriori, quand le "conflit d'intérêt" de la relation oblige l'un ou l'autre (souvent la femme, donc) à se mettre en retrait. 

Toutes ces histoires ne sont pas des rencontres de jeunesse, mais exclusivement des relations nouées au pouvoir et en disent long sur la folie chronophage de la vie politique à la française. Nous sommes le pays au monde où ces relations endogames sont le plus fréquentes précisément à cause de notre pratique journalistique : pas assez d'entretiens et d'interviews claires et franches publiques et ouvertes. Pour avoir des infos, des scoop, pour que les politiques se lâchent, il leur faut des déjeuners isolés, des dîners, des week-ends même au prétexte fallacieux d'un meeting ou autre université d'été... Ceci n'est pas anecdotique, c'est un facteur très profond du malaise vis à vis de la politique, qui fait que nombre de français.es refusent de s'investir, pensent qu'il faut être fou pour le faire... Je les comprends. Quand on m'a demandé si j'allais "m'impliquer dans la campagne à gauche pour 2022", ma vie personnelle est la première raison qui m'a fait dire non. Huit années à diriger un Master en communication politique m'ont fait observer le rythme littéralement intenable de mes ancien.nes étudiant.es membres de cabinets ministériels. Fatalement, vous n'avez plus de vie hors du politique et donc plus de vie amoureuse non plus. Qu'on me permette de préférer ma vie à une campagne... Et je crois que nous sommes très nombreux et surtout très nombreuses à vouloir changer cela. Le programme "Investies" lancée par Quitterie de Villepin identifiait les freins à l'engagement des jeunes femmes en politique et la disparition d'une vie intime était haut dans la liste. Récemment, Alice Barbe a lancé son Académie des Futurs Leaders et elle aussi a reçu moins de candidatures féminines, par auto censure ou complexe de l'imposteur, sans doute, mais évidemment pour la même raison. Rendre la vie politique moins chronophage, plus naturelle, plus compatible avec une vie "normale" devrait être une priorité que ne voit pas ceux qui vivent définitivement trop entre eux...