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19/04/2022

S'abstenir, c'est mourir un peu

Souvenez-vous, fugacement, au lendemain du congrès LR de décembre, Pécresse était donnée à 20% et même vainqueur d'un second tour face à Macron. Comme nous aurions été nombreux à nous abstenir, alors ! Et sans une once de mauvaise conscience. Choisir entre des fafs socialement acceptés comme Darmanin et Ciotti, non merci. Mais ça n'est pas cette configuration qui nous échoit, ni, hélas, celle à laquelle 8 millions d'électeur.ices ont rêvé. Depuis 10 jours, ma colère retombe très très lentement et j'essaye de comprendre ce qui bloque encore celles et ceux qui n'ont pas fait le chemin les menant au vote Macron dimanche. J'identifie quelques verrous ultimes, tous fondés sur le ressentiment.

D'abord, il y a l'asymétrie de soutien. Dans le cas d'un second tour Le Pen / Mélenchon, nous n'aurions évidemment pas une unanimité médiatique et politique à soutenir Mélenchon pour sauver la République. Quatre ans de mensonges, de propagande d'officines pitoyables comme le Printemps Républicain, relayé par la macronie et nombre d'éditorialistes, ont fini par faire croire que les Insoumis et la défense des victimes d'islamophobie serait un mouvement communautaire. Les articles en boucle sur "les extrêmes", "les populismes" ont beaucoup abîmé. Raphaël Enthoven avait même écrit qu'à "19h59, il voterait Le Pen contre Mélenchon, plutôt Trump que Chavez". Ni oubli, ni pardon. Les dégâts sont profonds et il faudra du temps pour ramener un peu de raison sur ces sujets...

Ensuite, il y a la constance de l'humiliation. Les écrits de Rachid Benzine sur le manque de reconnaissance dans la France de Macron se superpose parfaitement avec la France de celles et ceux qui voteront Le Pen ou s'abstiendront. Il n'y a pas que des nostalgiques du Reich et des colonies, dans les soutiens frontistes. En 2017, une étude montrait que Macron était à plus de 80% chez les habitants vivant à moins d'1km d'une gare SNCF, part  baissant progressivement pour retrouver Macron minoritaire chez les habitants à plus de 5km d'une gare. Les oublié.es, les humilié.es, les mutilé.es, les pris.es pour des con.nes ne peuvent se résoudre au bulletin Macron. 

Les réprimé.es des gilets jaunes, les obligé.es de la première ligne sous Covid ou encore les empapaouté.es de la Convention Citoyenne pour le Climat sont autant de grugé.es du quinquennat qui ont des raisons très légitimes de nourrir du ressentiment. J'entends cela. Je les lis et je suis frappé de retrouver chez celles et ceux qui revendiquent leur abstention au second tour un champ lexical de refus de la soumission, de peur du viol démocratique. "Je me ferais pas baiser", "je me ferais pas enculer cinq ans de plus" reviennent en boucle. J'entends aussi, mais je rappelle juste qu'avec le Pen, ça sera pire, car il n'y aurait plus moyen de hurler son dégoût.  

Je vois un courage, une force morale et une grandeur démocratique inouïe chez toustes ces soignant.es, ces profs qui appellent à voter Macron. Sans illusion, sans rien oublier de ce qu'ielles ont subi pendant cinq ans, de gel polaire de leurs rémunérations à un manque de moyens humains grandissant quand les problèmes allaient croissant. Mais connaissant l'histoire ancienne comme récente, à l'est, ils savent que nos systèmes éducatifs et sanitaires seraient bien pire sous le Pen. Pour les médecins, le tri se fait selon des critères médicaux, pas des injonctions politiques sur la couleur de peau ou les papiers des malades. Pour les profs, les valeurs et méthodes distillées en salle ne peuvent être celles qui ne reconnaît pas en tous les enfants des égaux.

Il y a une dernière frange d'abstentionnistes, les apprentis sorciers, celles et ceux qui rêvent d'un frisson, eux qui n'ont pas connu le service militaire et eu des vies rythmées par les week-end prolongés, les découvertes gastronomiques et autres avec mauvaise conscience d'être les gagnants de la mondialisation qu'ils dénoncent. Ha ! Le Pen ! Là on pourra se battre, être du bon côté des barricades. Pauvres cons, mais surtout pauvre fous, on ne reprend pas le pouvoir aux fafs. Pas sans effusion de sang gigantesque.

Enfin, il y a les experts. Infaillible sur ce qu'il fallait faire pour ne pas attraper le Covid, intarissables sur les raisons de la guerre en Ukraine, ils s'abstiennent désormais car "Le Pen ne peut gagner, c'est mathématique". Mathématiquement, le bloc d'extrême droite est en tête au premier tour. Le reste, c'est de la spéculation. Évidemment, Macron est favori, mais aucun institut, aucun, ne le donne à plus de 60%. Il dépasse tout juste les 55%. Or, au premier tour, les scores de Mélenchon et Pécresse sont différents de plus de 5% de ce qu'on leur avait prédit (en plus pour l'un, en moins pour l'autre). Qu'on nous permette donc d'être prudents. S'abstenir, c'est laisser mourir un peu plus la République et ça c'est impardonnable. Si des soignant.es arrivent à voter Macron avec tout ce qu'ils ont subi, y compris physiquement, je le peux bien, vous le pouvez, nous le pouvons. Pour qu'on soit dans une opposition lundi, il faut entretenir les conditions d'existence d'une opposition. Il est plus facile d'imaginer Sisyphe que Navalny heureux. Merci par avance de mettre votre ressentiment de côté pour quelques minutes dimanche. 

 

 

14/04/2022

Respectez le deuil de l'espérance Insoumise

Depuis dimanche soir, à côté de la colère, je sens monter la lente résignation de devoir monter Macron, dimanche. Ce vote sera à la fois, pour ne pas dire "en même temps", évident et impensable. Il me semble que pour des millions de personnes qui ont voté Mélenchon, cet ascenseur émotionnel est partagé. 

Dans mon cas, ce vote est évident, car mes aïeux s'appelaient Glassberg, connurent les pogroms en Ukraine il y a plus de 100 ans (l'histoire...), ceux plus proches fuirent la France juste avant la débâcle de 1940 et évitèrent la Shoah de peu. Plus près de nous, je me souviens du crâne plein de sang de mon grand frère, qui n'a pas la même couleur de peau que moi et qui servit de défouloir aux poings américains d'une bande du GUD. Je sais bien que rien n'a changé, que la même violence, la même lâcheté, la même haine aveugle est là aujourd'hui et que la présence de Le Pen au deuxième tour impose évidemment de voter pour celui ou celle qui n'est pas fasciste, en face. Car quand les fascistes prennent le pouvoir par les urnes, ils ne le rendent pas.

Ils casseront les services publics plus encore que Macron, remercieront tout autant les riches (Le Pen a jugé les 60 millions de salaire de Tavares cette année "choquante, mais moins que d'autres", je dis ça à mes amis qui pensent qu'elle a "une fibre sociale) et n'hésiteront pas à se torcher avec les conventions internationales pour enfoncer les plus fragiles. D'où l'évidence indépassable.

Mais c'est en même temps impensable. Depuis le début, ivre de lui même, Macron et sa majorité se sont enfoncés dans l'injustice sociale, fiscale, écologique et le racisme décomplexé. Même si voter n'est pas cautionner, mettre ce bulletin dans l'urne me fait autrement plus mal qu'il y a 5 ans, quand il n'avait comme passif "que" du mépris de classe pour les ouvrières "illettrées" de Gad, sa loi économique avec cars low cost et son autre sur le secret des affaires. C'était moche, mais pas sa République Bananière défendue par les LBD. Je les hais. Je les hais et ils me le rendent bien. Je ne compte plus les emmerdes au boulot, les annulations ou empêchements de contrats que j'ai eu pendant cinq ans car j'étais "bien, mais trop politique". Je les hais, mais je peux les haïr, écrire que je les hais, que je les méprise, c'est précieux. Si nous basculions en régime fasciste, je pourrais l'écrire une fois, puis mon compte serait bloqué, à la deuxième je serai en garde à vue ou ce genre de choses. Je mesure la différence... 

Donc impensable et pourtant évident. Mais c'est le 24, que j'irai. Les appels, les injonctions, depuis le dimanche avril à 21H me rendent fou de colère. Une personne, une voix et ces votes sont effectués le 24. Il n'y a pas de prime au zèle. Yannick Jadot, le Agnan du barrage qui leva la main dimanche à 20h02 pour dire qu'il voterait Macron ne pèse toujours qu'une voix et son électorat, pas beaucoup. Pas de quoi la ramener... Leurs procès, leurs oukases sur le manque de droiture, le manque de zèle, sont intolérables. A 20H02, Mélenchon a répété 4 fois, 4 fois !, "pas une voix à Madame le Pen". Alors, non, il n'a pas appelé à voter Macron. Ça n'est pas son rôle et surtout ça n'était pas le moment. Respectez le deuil de l'espérance Insoumise. 

Je voudrais juste rappeler à ces petit.es marquis.es de la bienséance que leurs champions ont maintenu la gauche en état de mort clinique, n'ont jamais su rallumer la flamme. Depuis des années, les scores des candidats de gauche étaient tous désespérément, lamentablement bloqué à un chiffre. Bien avant le "vote utile", Mélenchon avait crevé ce plafond, avait ranimé la flamme. Je sais bien qu'il n'a pas rassemblé 22% des électeurs par conviction, mais il était déjà à 15% avant que ça ne cause stratégie. Il avait déplacé des marées humaines à Paris, Toulouse, Bordeaux, Lyon et Marseille gratuitement, quand les autres candidats de gauche peinaient à remplir des Zénith... Il est le seul et unique à avoir redonné l'espérance si cruciale. Ça n'a pas de prix pour l'avenir. 

En 2017, déjà, les commentateurs tombaient sur les Insoumis en disaient qu'ils seraient "1/3 à voter le Pen au second tour". Ils furent 7%. 7%, c'est peu. C'est déjà plus que Jadot, mais ça reste insignifiant. Ils ne seront pas tellement plus à franchir le rubicond cette année. Sans doute de très nombreuses abstentions, mais des millions d'Insoumis.es vont prendre leur responsabilité, et nonobstant s'être fait cracher dessus par la Macronie depuis 5 ans, venir leur sauver le cul pour sauver la République. Ils vont venir, non par envie, mais parce que la Macronie est déplorable, est nulle et que leur nullité est telle qu'ils ne s'en sortent pas seuls pour écarter le Pen, alors on va faire le taff. 

Mais ne nous y trompons pas, camarades, le bloc bourgeois fond et ne sera jamais majoritaire, dans 5 ans. Leur candidat.e sera balayée par un autre bloc. On aura alors le choix entre un bloc réactionnaire raciste et un autre populaire au service du progrès social et écologique. S'agit de se préparer tôt et de pas se déchirer par anticipation sur la promptitude à voter pour une crapule libérale. Chaque chose en son temps. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

13/04/2022

Un mea culpa en préambule

Reposons d'emblée pour éviter tout malentendu : pas une voix à Marine le Pen. Pas une voix pour celle qui ne rendrait pas le pouvoir si jamais les urnes le lui donnait. A cause de cette imbécilité de Constitution de 1958, de son article 16, le vainqueur de l'élection peut se passer de l'Assemblée Nationale pour commencer à gouverner. A celles et ceux qui euphémisent ce risque en parlant de l'insurrection populaire qui s'en suivrait, je pense que vous avez mal compris ce que feront les 55% de flics encartés au RN, avec même le renfort de l'armée s'il le faut : ils s'en donneront à coeur joie pour rétablir l'ordre à la manière des cow boys. Donc, ne comptez pas là-dessus. Le Pen est toujours aussi nulle sur le fond (je sais que le Maghreb est un seul et même pays pour ces gens, mais non, Bourguiba n'était pas algérien...), mais elle est aussi teigneuse qu'Orban, ce qu'elle cache sous des filtres à chats. 

Pour autant, à celles et ceux qui somment les électeur.ices Insoumis.es de se presser voter Macron en masse pour sauver la République, il faudrait un mea culpa sur le thème républicain, justement. Depuis cinq ans, cette force politique nouvelle dérange l'establishment pour ses propositions claires sur le partage : des ressources, naturelles comme financières, du temps, des responsabilités. Tout ce que les tenants de "l'illimitisme" (formule de J. Chapoutot à propos de Bezos et Musk qui va très bien à Macron et ses thuriféraires) ont en horreur. L'évidence sociale et écologique est tellement du côté du programme de l'Avenir en Commun (même Roux de Bézieux en convient, à contrecoeur) qu'il vaut mieux pour eux ne pas en débattre sous peine d'être rossés. Comment défendre les 66 millions donnés à Carlos Tavares par le board de Stellantis ce matin ? En économie de guerre, pas de taxe spéciale sur ce genre de rémunération au delà de la honte ? Comment justifier les super profits de Total, BNP, LVMH, non taxés après deux ans de crise Covid ? Impensable. Alors, on agite un contre feu pathétique : les Insoumis.es ont un problème avec la République. 

C'est Blanquer qui a lancé le mouvement avec l'islamo gauchisme, suivi par Vidal, Darmanin, Castaner et nombre d'autres hiérarques de LREM. La défense des minorités, des opprimé.es constituerait une sortie de la République. Et nombreux de commentateur.ices, de Bourdin à Salamé en passant par Elkabbach ont repris la ritournelle : les Insoumis ont défilé contre l'islamophobie, c'est qu'ils ont un problème avec la République. Ha ? Et après avoir excommunié le peuple rouge de la République vous voudriez qu'ils viennent vous sauver du péril brun ? Il va falloir des excuses d'abord, et pas du bout des lèvres, s'il vous plaît.