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17/05/2015

Dépasser le trauma Savary

000_arp1503471_72dpi.jpgIl semblerait que l'ineffable Julien Dray ait récemment conseillé à Hollande d'inciter NVB à de la modération de peur "de faire descendre 1 million de personnes dans la rue". On sent encore la puissance du traumatisme du projet de loi Savary : surtout ne pas mécontenter le peuple de droite sur l'éducation, sinon il se fâchera... La photo ci contre montre le ras de marée humain qui s'est abattu sur la gauche qui avait tenté d'intégrer le privé dans le service public de l'enseignement. Fermer le ban. Cette histoire a durablement traumatisé les socialistes.

30 ans plus tard, le privé est plus que jamais plébiscité pour tout un tas de raisons. Pour l'élitisme supputé, la sélection des élèves, la non fréquentation d'éléments perturbants, mais aussi de plus en plus fortement, des raisons religieuses, morales ou de fond sur les programmes. Volonté de contourner une école qui enseigne trop les vaincus et pas assez les vainqueurs, volonté d'extirper ses enfants de cours d'économie dominés par une méfiance à l'égard du capitalisme triomphant... 

En 30 ans, la logique d'investissement éducatif s'est étendu : de plus en plus de parents, aisés mais plus seulement, payent pour que leurs chairs étudient. Cours privés, stages intensifs, conversation dans des langues étrangères... L'idée que payer vous donne un avantage dans la course éducative n'a plus rien d'un tabou. On peut, évidemment, le déplorer, mais les faits sont là. Et ceux là même qui investissent massivement, sont, la nature est bien faite, ceux qui vomissent le plus le système public. Là où les choses se compliquent est que notre système fou fait que nous subventionnons ce privé, avec le système du privé sous contrat. En somme : on encourage ceux là même qui nous persécute et nous crachent à la gueule... Mais quel monde ! De plus, les investissements depuis 2012 en matière éducative atteignent leurs limites, le président Hollande étant piégé par la promesse uniquement quantitative du candidat Hollande d'embaucher 60 000 profs. La casse en la matière fut telle pendant 10 ans de droite que l'on va payer longtemps encore les choix absolument catastrophiques des gouvernements et de leurs brillants Ferry, Darcos, Fillon et évidemment Chatel (j'en oublie forcément, mais j'essaie de ne pas m'encombrer de trop avec cela.) et il faut retrouver des marges de manoeuvres pour lutter contre les inégalités au collège.

La politique c'est faire des choix et parfois radicaux, proposer dès demain la sortie du financement public à tous les établissements de privé sous contrat me semblerait aller dans le bon sens. En finir avec cette aberration. Une minorité d'hérétiques, de haineux de la République, continueront de payer pour que leurs enfants soient éloignés de principes éducatifs qu'ils jugent nauséabonds. Fort bien, qu'ils fassent sécession. Une grosse majorité commencera par geindre avant de rallier les établissements publics. On aura ainsi grandement contraint les effets de contournement ou de détournement de la carte scolaire. Alors, on sera bien contraints de se la coltiner, de l'affronter, cette mixité qui terrorisent tant de parents. C'est un risque à prendre, non ? Politiquement, le risque est nul : notre collège est de plus en plus inégalitaire, peu de chances qu'on l'enfonce encore davantage. Electoralement, on parle de haineux à l'encontre des socialistes, une attitude littéralement incurable. Tant qu'à faire, ils peuvent bien redescendre dans la rue, les contenter ou les chouchouter ne changera pas leur bulletin de vote...

Je sais bien que l'équipe en place sait tout cela et n'aura jamais le courage de le faire. C'est un peu désespérant d'avoir encore peur d'un fantôme de 30 ans, surtout qu'aujourd'hui serait vraiment le bon moment... Avec les socialistes, ça n'aura donc jamais été "maintenant" pour rien, fors le progressiste mariage pour tous...

07/05/2015

Quoi de neuf en journalisme ?

image.jpg"Essayer de tout savoir pour tout raconter, de tout apprendre pour tout vulgariser, de tout comprendre pour tout expliquer, ne rien laisser dans l'ombre qui soit beau ou qui soit atroce, ne pas désintéresser d'aucun aspect de la vie, chercher à tâtons, mais d'un coeur obstiné, tâcher de vivre en avant de son temps, ne point mesurer son succès à sa fortune, être d'autant plus décrié qu'on a raison : tel est, je pense, le métier de journaliste. Tout compte fait, je pense qu'il vaut la peine". Heureusement que la fin du livre vient rassurer le lecteur hésitant sur la tonalité de cet étonnant ouvrage, c'est bien une déclaration d'amour, même si c'est de l'amour vache. L'auteur, père de Bertrand de Jouvenel dont la postérité est bien plus grande grâce à son excellent Du pouvoir, fut un journaliste, rédacteur en chef à l'Oeuvre et auteur d'un livre La république des camarades. 

Ces vingt leçons de journalisme sont publiées par les éditions de la Thébaïde pour la première fois. C'est un très court livre, un opuscule (80 pages) dont je me voudrais de faire un résumé, mais une chose m'a frappé en lisant ce texte vieux d'un siècle : sa curieuse modernité. Curieuse, dans la mesure où si mes sources sont exactes, lorsque de Jouvenel a écrit son texte, les chaînes d'info en continu et Twitter n'existaient pas (je crois, hein). Pour autant, ce que l'auteur dit de la raison pour lesquelles les actionnaires investissent en presse n'ont pas changé : influence, influence, influence. Mais aussi privilège, privilège, privilège. Pas pour gagner de l'argent, mais pour avoir une loge à l'Opéra, l'oreille d'un ministre, des entrées en bonnes écoles, des tables inaccessibles et des adresses secrètes. 100 ans plus tard, le Canard gagne de l'argent, quelques titres de presse pro, mais un grand nombre de titres sont très loin de l'équilibre sans que cela ait l'air d'émouvoir les actionnaires, particulièrement les nouveaux gloutons : Bergé/Niel/Pigasse d'un côté, Patrick Drahi de l'autre...

Ce qu'il dit des chroniqueurs qui sont extérieurs aux journaux, ne révèlent jamais aucun fait ou info d'envergure et pourtant contribuent plus que nombre de rédacteurs au prestige des titres, reste valable aussi. Sans doute le sacre du secrétaire de rédaction est-il plus suranné, mais hormis cela, les observations de Jouvenel sont toutes valables aujourd'hui. Je ne pense pas qu'il y ait particulièrement lieu de s'en réjouir, mais cela vaut le détour par une librairie.

02/05/2015

Know you're own busy

Plaque-de-reperage-PVC-250-x-80-mm-Occupe-Libre-SE121P05.jpgUn texte circule beaucoup depuis quelques jours, autour du thème "stop the glorification of busy", que l'on peut lire . On ne peut évidemment qu'être d'accord avec l'auteur sur le sujet : oui, il faut cesser d'ériger le fait d'être débordé en modèle, d'en faire une gloire. Ce qu'il y a de vraiment étonnant par rapport à ce texte, c'est l'écho qu'il rencontre, on voit bien à quel point ce texte porte et qui le relaie, tous ceux dont la vie se résume à la sombre prédiction de la Boétie : une servitude volontaire. 

Dans un pays qui compte 3,5 millions de chômeurs, 7 millions qui voudraient travailler plus n'y a-t-il pas une indécence à se mettre soi même en situation d'être débordé ? Les inégalités s'amoncelant, nombre de travailleurs à taux plein de 35h ou moins, qui pourraient avoir plein de temps libre, ne l'ont pas car ils font entre 3h et 4h de transports quotidien pour travailler ou parce qu'ils sont dans une situation de famille compliquée ; monoparentale sans grand parents à proximités, sans ressources pour avoir de l'aide à la garde ou au ménage, on se retrouve vite débordé sans pour autant fréquenter le Rotary....

Si autant se sentent débordés, c'est qu'ils se sentent rassurés par une multitude de responsabilités, de contacts de rendez-vous : dans une France où la peur du déclassement est de plus en plus forte, où près d'1/4 français a peur de se retrouver un jour à la rue, cette suractivité peut être lue comme un moyen de chercher à se rassurer. Assez compréhensible lorsque vous ouvrez des journaux vous expliquant grosso modo que vous n'êtes jamais assez modernes, assez réactifs, assez ceci... C'est soit la réaction outrée, la contestation, soit le débranchage civique, soit la course du hamster... 

Pour autant, un truc m'a gêné dans les commentaires autour de la sympathique tribune de l'écrivain. Tout le monde louait sa vision très zen du monde et tout le monde voulait, tout à coup, cesser tout pour se repaître des joies de faire les courses, boire l'apéro, écrire et dîner avec des amis... Ce qui m'a ennuyé c'est que cette vie correspond en réalité à très très peu de monde mais tous ont feint d'en rêver... Un peu comme pour Rabhi qui fait bander tous les bobos parisiens, mais qui est sérieusement prêt à aller cultiver son lopin tous les jours ? Soyons sérieux... 

Aussi, je crois que le gars a raison, mais à condition que chacun trouve son "own busy". Certains ne se sentent pas en surchauffe avec des rendez-vous de 8 à 20h, c'est leur routine, ils ont besoin de ça et il n'y a pas de mal à ça. Par ailleurs, ces choses là changent au cours d'une vie et on a le droit de surinvestir son travail à un moment sans être traité de workaholic, ou de surinvestir sa vie de famille quelques années sans être traité de tire au flanc... A titre perso, j'ai trouvé une parade : je me dis tout le temps débordé. Pas que je le soit au sens managérial du terme, pas pour faire cool, mais pour qu'on ne me cale pas plus. Pour moi, 4 livres par semaine, c'est vital et je n'y déroge pas, en dessous de deux je me sens franchement sale donc quand ma charge de travail ne me laisse le temps que de lire un ou deux livres dans la semaine, je m'estime salement débordé...  Je n'ai jamais annulé un dîner, ni même un apéro. Non pas que je sois un Jean Foutre, mais je place mes limites et au-dessus de tout cela, le temps libre avec mes amis et évidemment l'amoureuse. J'ai trouvé mes limites de débordement et ça fait un bien fou. Je vous souhaite de trouver les votres.