14/11/2009
Kindle surprise ?
Hier soir, dîner avec un couple de jeune gens brillants. La fille était un peu éteinte car elle s'était fait vacciner contre la grippe A (elle est môman d'un très jeune bébé) et moi ça m'a pas donné envie d'en faire autant vu qu'elle pouvait pas bouger son bras et qu'elle s'étiolait plus vite qu'une bougie Leader Price.
L'homme lui, était volubile. Il esquivait le badinage et je sentais bien qu'il voulait me parler de sa "Mission". Oui, parce que, on parle de la mort des églises en France, mais c'est fou ce qu'on compte de missionnaires avec des gens très très convaincus. Sa grande quête, donc c'est "le livre électronique". Pourquoi pas ? " Lui dis-je...
Oui, sauf qu'il ne veut pas m'entendre. Pour lui, il n'y a que des abrutis aveugles qui ne voient pas "le sens de l'histoire". Ca m'ennuie profondément, c'est ma martingale favorite sur la question de la baisse du temps de travail. Donc, il rencontre toutes les huiles de l'édition pour leur présenter sa salade avec force nuance. Son gimmick est implacable: le livre est dans la même situation que le disque il y a 15 ans et va mourir. Mouaif... Il m'avance des arguments techniques, je lui réponds que je suis d'accord mais que j'oppose des arguments culturels. Je lui répète que je ne suis pas contre Internet et pour cause, que j'écoute de la musique sur deezer, lis énormément les journaux en ligne, mais que le livre c'est pas pareil.
Et je me lance:
- La musique, même si tu la portes sur tes oreilles, dans ton Ipod, elle est faite pour être partagée, c'est convivial. Un langage universel. A St Petersbourg, j'ai vibré sur du jazz alors que je ne pouvais partager mon amour pour Dostoïevski because No Rouski hablar senor. La lecture est une activité solitaire, de retrait du monde, quand bien même tu conseilles et prêtes des livres ou si tu assistes a des lectures publiques. La volonté initiale, est d'aller dans ta bulle, un univers.
- De plus, contre l'argument technique du piratage et les échanges. Aussi loin qu'il m'en souvienne, on essayait de pirater des 33 tours pour les mettre sur cassette. Le livre, on ne voulait pas le photocopier, ou le scanner pour l'imprimer. Contrairement à la musique, le contenu ne fait pas tout, le contenant est capital.
-L'idée que tu puisses télécharger les 3 premiers chapitres et acheter? Mais c'est complètement con ! Un livre, comme un fruit, se tâte au hasard, tu humes, tu vois et sait vite si ça te plaît, pas en goûtant le début.
-Par ailleurs, l'argument d'avoir tout sous la main... Ca rebute, évidemment. Si j'achète les Karamazov (qu'il a persisté a appelé les "Kamarazov" par un savoureux lapsus de chute du mur) je vois déjà la taille de la bête avant d'entamer tout Dostoïevski ou pas d'ailleurs...
Il a pas bougé d'un iota, me disant "le sens de l'histoire c'est que tu auras "en temps réel" la possibilité d'acheter le Goncourt ou le Renaudot moins cher qu'aujourd'hui et ça c'est le sens de l'histoire. J'adore ce mec, on court, on boit des coups, on fait la fête, mais penser qu'avec ses acolytes qui lisent 3 livres par an (ils ont pas le temps) ils vont expliquer aux éditeurs "l'avenir du livre", ça me fait un peu suer...
Demain, je lirais vos commentaires si vous avez un avis sur le sujet car je ne désespère pas de lui donner d'autres grains en moudre. Les missionnaires ne l'ont pas toujours emporté me semble t-il, dans le sens de l'histoire...
09:46 | Lien permanent | Commentaires (7)
Commentaires
1. Il y a un argument SURTOUT. Le livre ne fait pas mal aux yeux, l'écran oui. L'écran est en quelques sorte un mal nécessaire.
2. Le plaisir du feuilletage, ce que t'appelles, au hasard de l'effeuillement.
3. La question pour autant que je sache jamais résolue, de payer pour le support ou le contenu. A titre personnel, je paye le support, pas le contenu. LEs nouveaux tenants de l'économie ne parle plus de contenu, mais de services. Ils ont bien lu leur cours de marketing, ça fait plaisir. Mais, je maintiendrai ad vitam que je paye un support, un coût de fabrication, une industrie.
Pour autant, ça devrait se développer.
1. Question de génération. L'argument qu'il n'a pas mentionné est que la génération qui lit (des livres qui se tiennent, on dira) ne va pas se renouveler.
2. L'habitude prise par la nôtre de lire sur Internet, lecture plus proche du reader de sony que des Karamazov en 1200 pages.
3. La déconnexion existante entre la lecture (jamais un peuple n'a autant lu dans l'histoire) et le matériau livre, dont les gens se foutent en réalité autant que le disque. Les activités S-O-L-I-T-A-I-R-E-S (juste) n'étant pas louées socialement ou collectivement.
Écrit par : pseudonymes1 | 14/11/2009
> pseudonymes :
- à ma connaissance (bien modeste), l'écran n'est pas (plus) un argument, le temps étant proche où il sera aussi peu agressif que le papier
- tu as raison, je crois, quand tu parles d'industrie : les thuriféraires du "livre électronique" votent pour l'informaticien contre le conducteur de machine ; ce fameux "sens de l'histoire", c'est aussi le PC remplaçant la Timson
> Castor :
- il y a comme toujours une volonté dictatoriale généralisatrice chez les tenants de la nouveauté : ils parlent du livre et c'est aussi bien pour eux le guide marabout que la nrf
- or, au fond, une des questions qui priment n'est-elle pas celle des usages ? On n'use pas d'un livre de recettes comme d'un essai, d'un ouvrage juridique (tiens, ça fait belle lurette que ceux-là sont dématérialisés !) comme d'un conte pour petiots
- des usages dépendront les contenants (et la modification des contenus) : au hasard, le guide de voyage ira sur Smartphone, le recueil commenté des CCAG sur tablette et le prochain opus d'Anna G. sur bouffant 90 g.
- et puis j'arrête là parce que ce commentaire est déjà trop long et que la lecture écran (d'aujourd'hui) fatigue deux fois plus que la lecture papier...
Écrit par : Laurent | 14/11/2009
Livre papier ou livre électronique, l'argument est essentiellement économique. Trouver le bon truc qui fera vendre plus à moindre coût (de fabrication, de personnel…). Dans la presse, on me disait la même chose: les gens qui travaillent encore pour des journaux papiers qui s'achètent seraient des dinosaures, l'avenir c'est le gratuit (journaux et sites). Et puis depuis quelque temps, j'entends ici et là (à la suite de Murdoch) que finalement il faudrait renoncer au tout gratuit. On tourne en rond et dans tout ça, les vraies questions ne sont jamais abordées: comment lit-on? Qu'attend-on d'un journal ou d'un livre? Est-ce qu'on fabrique et qu'on vend un journal ou un livre comme une voiture ou une boïte de conserve?
Écrit par : Yola | 14/11/2009
Le livre électronique (disons le roman, parce que pour le reste oui, ça a déjà bougé), c'est une offre qui depuis dix ans cherche désespérément sa demande en criant haut et fort qu'elle est déjà là pour essayer de l'attirer.
Plusieurs missionnaires s'y sont déjà cassé les dents, je crois.
(ce qui ne veut pas dire qu'un jour, etc.)
Qu'a-t-il à vendre, d'ailleurs, ce brillant missionnaire, à part le vent (de l'histoire) ?
Écrit par : secondflore | 14/11/2009
Sans parler de la fragile et attendrissante souplesse du broché, ni de la rigidité intimidante du relié (rien de scabreux dans tout çà).
Et qui glorifiera enfin le parfum irremplaçable de l'imprimé ? (...)
Écrit par : estellebeaurivage | 14/11/2009
@Tous: merci ! C'est qu'hier, j'ai escrimé sans relâche face à quelqu'un qui, pour reprendre l'expression de SF a à vendre... des honoraires. Et ça rend hargneux !
Écrit par : castor Junior | 14/11/2009
De plus, corner une page après avoir souligné quelque(s) phrase(s) ou noter quelque chose en marge, j'y tiens bcp....
Écrit par : Voilou | 15/11/2009
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