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02/06/2011

La vomitive mythologie du Figaro Magazine

20081226PHOWWW00335.jpgUne du Figaro Magazine de la semaine. Hebdo papier, mais toute la vulgarité de la pensée est dans l'image. Une image choisie pour illustrée un marronnier de la presse de droite: "Enquête sur la France des assistés". Laurent Wauquiez nous aurait sans doute parler de voyage en pavillon des cancéreux. L'image donc : un drapeau Français sert de hamac à un jeune homme qui dort comme un bienheureux.

En ces temps de lepénisation accrue des esprits et de vigilance des associations anti-racistes, le graphiste a évité de prendre un individu de type non Gaulois aisément identifiable... Ni noir, ni arabe. Pas une femme non plus, les coups de griffes d'Osez le Féminisme et de la Barbe effraient sans doute. Pourtant, les victimes du chômage ou du temps partiel, les parents célibataires sont souvent des éléments féminins. La religion des faits et des statistiques dans laquelle se drape sans cesse les journalistes de ce torche-cul hebdomadaire aurait pu leur faire choisir une femme, mais ils n'ont pas voulu prêter le flanc à la critique. Et puis, dans l'imaginaire collectif, le corps féminin est plus victime qu'agresseur et là, il s'agit de susciter la colère. Ne pas en rajouter sur les stéréotypes. Pourtant, si l'on avait suivi à la lettre le portrait robot des bénéficiaires des minimas sociaux et autres allocations solidaires, on aurait dû avoir en une un corps grossi, vieilli avant l'heure par la malbouffe, une peau ternie par le stress, la précarité énergétique poussant au mal logement et une hygiène de vie irrégulière.

Au lieu de cela, ce jeune homme a le morphotype des dominants: une minceur loin des affres de la maigreur, une barbe de trois jours bien taillée (pour souligner l'oisiveté). Le teint légèrement hâlé de celui qui sort souvent de chez lui profiter du soleil et un t-shirt car il ne met pas de chemise pour aller chercher du travail, il se sait protégé par son hamac étatique...

On voit bien que l'électeur conservateur, passant devant et regardant la légende ne manquera pas d'être scandalisé. Sans même à avoir acheté le journal, il est convaincu d'avance. La droite tentera à nouveau de relancer cette chimérique bataille en 2012, de la France du travail contre celles des assistés sybarites. En évitant juste de trop taper sur les immigrés pour ne pas faire le jeu de Marine  le Pen, mais en laissant Claude Guéant dire que l'on va diminuer l'immigration par deux parce qu'il n'y a pas de travail. D'où la première incohérence : s'il n'y a vraiment pas de travail, les allocataires de minimas ne sont pas des assistés, mais bien des victimes. Le discours profond les trahit...

Seconde incohérence factuelle sur les assistés : la différence avec la rémunération du travail. Là encore, les faits sont plus solides que les outrances. L'écart ne cesse de croitre. En 1988, à l'instauration du RMI, ce dernier représentait 50% du SMIC, aujourd'hui il est de 43%. Ajoutez à cela que les autres filets de protection sont de plus en plus troués: le dernier rapport sur le logement en Ile de France révèle une attente moyenne de cinq ans pour accéder à un logement social, poussant un nombre croissant d'allocataires des minimas sociaux vers un parc privé prohibitif pour elles... Si Madame Dugenou, chère à François Hollande, a l'impression d'un tassement entre travail et allocation, c'est que le travail baisse: le SMIC plein est de moins en moins la norme et le CDI, l'exception. Le RSA ne tire son "avantage" comparatif qu'à son attribution pérenne et à taux plein quand les salaires sont de plus morcelés et versés de façon aléatoire.

Comme le rappelait Rafaele Simone et récemment Yves Citton, il faudra contrer cette vomitive mythologie par un imaginaire de gauche à même de redonner de l'emploi à tous ceux qui en sont de plus en plus éloignés; sans doute cela passera t'il comme le dit Jean-Baptiste de Foucauld par l'instauration d'une abondance frugale avec un retour du coercitif en politique pour assurer le vivre-ensemble. Imposition confiscatoire sur les métiers à marge indécente pour favoriser l'émergence d'une économie responsable et désireuse d'embauche, pression sur les loyers et le prix au mètre carré pour entraîner, enfin une déflation de la part consacré au logement dans les revenus des ménages...

Pour l'heure, sachons gardez toute notre capacité d'indignation face à cette imaginaire indigne car la résignation devant l'outrance est le premier viatique pour le poujadisme au pouvoir... 

Commentaires

En cette période où le temps de disponibilité des cerveaux est plutôt employé à scruter à travers les fenêtres du refuge de Tribeca, à mater les seins de la fille au nom de pipe à Roland Garros, à se rejouir des éventuelles saloperies commises par nos élus, c'est un parti pris courageux d'écrire sur la vie telle qu'elle va... mal. Merci Castor d'avoir tourné la caméra de l'autre côté juste un moment.

Écrit par : Cécile | 02/06/2011

You're welcome, même si je sèche lamentablement sur le nom de la fille au nom de pipe...
Et j'en profite pour chercher une caméra qui vaille le coup qu'on aille voir, la palme d'or m'inspirant quelques réserves liées au film, évidemment, pas au metteur en scène...

Écrit par : Castor Junior | 02/06/2011

Eh bien tu me rassures, pour le nom de la fille... Pour le cinéma, il faudra attendre un peu.

Écrit par : Cécile | 02/06/2011

Bel article ! Ici (i.e. : outre-Rhin), les choses se passent à peu près de la même façon. Les classes dirigeantes et bourrées du fric des autres incitent le reste de la société à se diviser - en démunis et en plus démunis - pour garder un pouvoir de plus en plus malsain. Le bon viel adage des Romains est toujours à l'honneur : divide et impera. Et dire qu'on vous présente l'Allemagne comme le grand modèle qu'il faut suivre... beurk.

Au plaisir de te relire !

Écrit par : Tom | 03/06/2011

@ Cécile: yep, j'ai préféré avec joie lire "l'isolée" de Gwenaelle Aubry plutôt que d'aller dans une salle obscure...

@ Tom: danke ! Bon, on ne peut pas aller en Allemagne alors ? En Angleterre non plus, dans le Nord fait trop froid, en Espagne, plus de boulot... Espérons que les italiens vont rapidement foutre dehors Berlusconi qu'on puisse y retourner...

Écrit par : Castor Junior | 03/06/2011

Espérons aussi qu'en France on ne gardera pas Sarkozy et qu'ils ne choisiront pas pire encore pour qu'on puisse y rester

Écrit par : Yola | 04/06/2011

@ Yola : le prosélytisme pour changer de camp est un combat quotidien...

Écrit par : Castor Junior | 04/06/2011

En PS à ce post : je viens de lire dans Libé que la signataire de l'article, Sophie Roquelle, est mariée à un grand patron du CAC 40 qui touche plus de 2 millions par an. Ca m'a fait rire (jaune)

Écrit par : Josse | 10/06/2011

Lu le même article où on rappelle que l'article est hémiplégique: elle a interrogé les patrons incapables de recruter mais aucun allocataire du RSA "heureux" avec ses 450 euros...

Écrit par : Castor Junior | 10/06/2011

Les commentaires sont fermés.