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17/08/2011

Le passage menchevik assure-t-il la victoire à Hollande en 2012 ?

p09_oktober_8_(800_x_600).jpgCeci n'est ni une pipe ni un billet d'opinion. Personnellement, il est fort probable (à moins d'un événement extraordinaire en fait, type un infarctus de JLM) que je vote Mélenchon au premier tour de la présidentielle et je me rendrais à la primaire socialiste pour voter Martine Aubry. Donner Hollande comme vainqueur n'est donc pas un souhait, mais une croyance qui s'ancre un peu au quotidien. Ce serait donc mon troisième choix (de loin...) mais s'il remporte la primaire, je voterai avec lui au second tour sans regret. 

Depuis que la France élit son Président au suffrage universel, le vainqueur à toujours connu un passage Menchevik qui l'a sauvé en le reliant au peuple, en lui donnant l'audace de proposer et en le mithridatisant contre la peur de la défaite. Il y a deux exceptions, mais qui légitiment encore plus la règle (très français...) : Pompidou est l'enfant légitime de De Gaulle et n'a eu qu'à se présenter sous cette couverture pour être élu. Giscard a tenté le coup de la modernité dans une France qui n'avait pas tant aimé 68 que cela. Passé en 74. Raté en 81...

Tous les autres, donc, sans exception, ont dû leur salut au fait d'avoir touché le fond. De Gaulle est au sommet de popularité en 1946, mais rate son OPA sur le pouvoir et doit attendre 58 pour revenir. Les douze années d'attente lui ont permis de se faire désirer et patiner son costume de général pour être accueilli comme l'homme providentiel, que sept années d'exercice du pouvoir n'éroderont pas : 1965, élu triomphalement. Triomphalement car il a traversé des épreuves qui lui permettaient de se penser invulnérable et d'étouffer l'opposition avec la gloutonnerie d'un Moloch. Le peuple aimait cet homme seul très entouré. Elle n'avait pas voulu de son coup "au dessus des partis" mais appréciait qu'il n'en ait pas besoin. Paradoxe français: on veut l'ascenseur dans l'immeuble à condition que le champion soit capable de prendre l'escalier. 

1969, il part sur un coup de tête, il bougonne. Arrive le pompidolien qui n'a pas d'homme providentiel en face ou alors j'ai raté quelque chose sur la vie de Poher. Pour gagner il lui suffit de coller un autocollant sur sa veste "ça vous plaît, bah c'est De Gaulle qui m'a fait". Hop, élu.

1974, Giscard affronte Mitterrand qui n'a pas encore embrassé son destin providentiel. Il a certes fait fort, bien mieux que prévu même en 1965, mais il a raté mai 68, dommage pour un leader de gauche. Pour reprendre la légitimité,  il a du reprendre la mécanique et penser à maîtriser son jeune PS, crée en 1971 et puis il faut affronter le PC. Il perd d'un souffle, mais perd aussi la faveur des enquêtes d'opinion. On le dit trop vieux. Ce qui le sauvra. Celui qui est mort 100 fois, a réussi à maquiller ses amitiés vichystes (qui fleurit la tombe de Pétain jusqu'en 1994 et qu'il faut attendre Chirac pour cesser cette infamie ?) son auto-attentat foireux de 1959, ses sympathies coloniales et réussit un 101ème tour de force : le congrès de Metz. Après avoir blousé tout le monde en 1971 à Epinay en rassemblant gauche et droite du mouvement pour étouffer les légitimistes, il joue la force contre l'opinion en 1978 et écrase Rocard, archi-favori des médias qui méprise Mitterrand qu'il sous-estime. La foi absolue de Mitterrand dans sa capacité à gagner, il la puise dans le fait qu'il a tutoyé si souvent le vide que cela ne lui fait pas peur et il triomphe des épiciers qui compte les marocains en cas de victoire. 1981, round 1, 1988 round 2 avec un violent 54% contre le pauvre Chirac. Comme pour De Gaulle, Mitterrand a une cour autour de lui, mais peu (Lang, Dumas, Lauvergeon, Vedrine, Fabius et Rousselet) à qui il conserve une amitié indéfectible. Il ne côtoie pas, l'opposition n'existe même pas, il a délaissé le PS depuis qu'il n'en a plus besoin et dans l'opposition seuls l'intéresse Chirac puis Balladur avec qui il bavarde au sujet de la cohabitation. Mitterrand n'avait plus la force de monter l'escalier, mais en Machiavel du XXème, il s'est fait construire un ascenseur à l'abri des regards dont lui seul avait la clé. Personne ne l'a pris après son départ du pouvoir en 1995.

Chirac martyrisé, Chirac humilié, mais Chirac libéré des pesanteurs partisanes. C'est d'être seul, lâché de ses amis d'hier qui permettent à cet autre phénix, capable de prendre le parti devant des foules hostiles de triompher en 1995. Etre donné à moins de 10 % au premier tour en décembre 1994 lui permet de porter les idées iconoclastes qui font mouche dans le peuple: dîner avec Marc Ladreit de Lacharrière qui convie un démographe très écouté mais peu courtisan, Emmanuel Todd qui parle de la "fracture sociale". L'idée d'un rapprochement libéral social s'incarne chez l'escogriffe corrézien qui dézingue aisément l'orléanais Balladur... Ensuite ? Chirac est un solitaire qui se soigne. Un affectif qui boit des coups et protège son clan à grands renforts d'emplois peu actifs, d'appartement aux loyers extrêmement modérés et autres prébendes à la tête d'agence fantoche. Pas par rouerie, pour s'entendre dire qu'on l'aime ; s'il compte sur Bernadette, c'est pas gagné... Ce traducteur méconnu de Pouchkine connaissait son histoire russe et ne s'est jamais inquiété lorsqu'il fut dans la posture Menchévik, au grand dam de tous ceux qui voulaient le faire trembler.

Commenter 2002 ? I would rather not too... Je persiste simplement à penser que tous ceux qui ont voté pour des candidats ayant voté 5 années de législature Jospin soit Mamère, Chevenement, Hue ou Taubira peuvent continuer à se sentir bien merdeux et coupables d'avoir fait perdre le meilleur bilan gouvernemental de ces vingt dernières années...

2007. Là encore Sarkozy n'est pas le patron de la droite, c'est un homme de clan et de sang ayant martyrisé une UMP qui attendait un chef et a élu celui qu'elle avait le plus conspué. Se souvenir des européennes de 1999 où il s'est pris une mandale comme peu d'autres avant ou depuis. Conduire une liste avec Madelin et finir derrière l'UDF (en ce temps là le MODEM n'existait même pas)... Plus personne ne lui parle à part Karl Zéro. Il porte ses blazers minables et tout le monde le traite comme un beauf vulgaire, traître au petit pied en hommage à  1993. Ils tressent sans le savoir les lauriers de sa victoire: Sarkozy passe ses journées à ruminer ses défaites, exsude sa haine dans le footing, rencontre et interroge tout ce qui sort du sérail. Peu aimé sous Chirac, mais ayant séduit toute une presse en mal d'histoires, il se rend indispensable tout seul. De 2002 à 2007, il n'a pas d'amis aux gouvernements. Il méprise Raffarin, déteste Juppé, Villepin, prend Douste pour un con, vomit MAM. Il est seul et il jubile, ça lui permet de recruter Emmanuelle Mignon, Guaino et de chercher les idées dont personne ne veut. On connaît, malheureusement, la suite.

6 mai 2012. Sarkozy n'est plus menchevik. Il ne peut jouer cela, d'ailleurs. Contrairement à Mitterrand en 1988 qu'il rêve de singer, il n'a pas l'aura du sage,  et n'a pas le courage d'y aller seul après avoir été trop critiqué pour sa gestion autarcique du pouvoir. Il a composé avec l'UMP, pactisé avec l'UMP qu'il secoue comme un talisman pour se protéger du FN, de l'ARES (Boorlo) de Bayrou... Ridicule. Du coup, il s'abaisse à demander de l'aide à ses ennemis de l'intérieur, Bolchéviks (au sens majoritaire uniquement) Copé, Le Maire qui s'occupe de son programme. Mais le Maire n'est pas iconoclaste, c'est un techno qui n'aura pas les lignes de failles dont un candidat à besoin.

Et en face ? L'illuminée picto-charentaise est seule, c'est vrai. Mais elle déambule seule en camisole ce qui ne facilite pas la rencontre avec le peuple. Aubry, je le crains, n'y arrivera pas. Elle ne veut pas y aller et ça se voit beaucoup malgré son excellente tribune sur la règle d'or. Elle a des idées, de gauche en plus, mais veut Matignon ou Valois. Elle a connu son moment de solitude (défaites aux législatives 2002) mais s'est recentrée sur sa mairie pour renaître. Comme Royal. La théorie du laboratoire des bonnes pratiques à fait long feu. Face à une crise mondiale, l'argument de "ce que j'ai fait pour Décathlon et Bonduelle, je le ferais pour Total et Axa" ne prend pas. Par ailleurs, elle s'est blolchévisé en 2008. Difficilement en plus, contre son coeur. Mais elle combine et cela se voit dans son staff dont elle est proche. Trop de boulets à traîner, de Bartolone à Cambadélis...

Reste Hollande. Monsieur 1% d'opinions favorables dans la primaire il y a un an et demi. Monsieur trois ans de moquerie sur ses 10 ans de gestion de Solférino. Monsieur "petites blagues" comme disait Fabius. Tout cela est vrai. Comme il est sans doute vrai qu'il ne savait pas faire bosser Solférino comme Aubry. Trop coulant, trop souple, trop élastique. Mais ce sera sa force pour 2012, il n'a rien à craindre ni à perdre. Il retournera dans sa Corrèze ou empochera le Zambèze. Autour de lui, des vagues de plus en plus hautes de soutien qui l'encadrent et le portent mais ne le noient pas: aucun soutien ne parle plus haut que lui, il fonce seul. Par ailleurs, d'avoir été blackboulé ainsi en 2008 lui a donné un avantage de taille sur les autres: il a renouvelé le cheptel des experts... A part Camille Peugny qui soutient Aubry, tous les experts autour d'Aubry et de Royal étaient là en 2007, 2002, 1995... Wieworka, Daniel Cohen, Rosenvallon dans l'ombre...

Hollande n'avait plus accès à eux ? Tant mieux, il est allé chercher le jeune et brillant Nicolas Duvoux (sociologue EHESS) dont la voix détone sur les jeunes. Il est allé voir l'épouvantail Bernard Maris, Charlie Hebdo et France Inter mais aux analyses économiques non polissées dans un contexte qui attend cela. Ca donne un "contrat de génération" ou juniors et seniors se redonnent la main dans une entreprise qui a besoin elle aussi de retrouver ses deux bouts de la chaîne car elles crèvent de n'être  que trentenaires et quadra....

François Hollande va ralentir la foulée, lui seul sait où il a mis le raccourci avec lequel il doublera tous les autres, les autres s'agiteront et lui répétera inlassablement à la Nation : je suis avec vous d'une voix de plus en plus effacée. Mais tout le monde sait que les enfants qui gueulent prennent des claques et exaspèrent quand ceux qui parlent doucement sont écoutés comme l'oracle.  

Commentaires

Chouette, un contrat! Vivement un pacte.
(gardons ce dernier paragraphe pour le ressortir le moment venu, nous verrons si le castor est oracle^)

Écrit par : secondflore | 17/08/2011

Un pacte gagnant gagnant pour contre le produire plus pour impacter plus ?
Gardons ce paragraphe et parions une bouteille de rosé pour être dans le ton (du rosé clair exactement, du Clairet, quoi)

Écrit par : Castor Junior | 17/08/2011

Un pacte gagnant gagnant ?

Pour être dans le ton, on garde le paragraphe et on mise une bouteille de la couleur du dit candidat : du rosé. Du rosé clair. Du clairet, en somme. Oui, c'est ça, du clairet en hommage à François Hollande...

Écrit par : Castor Junior | 17/08/2011

François Hollande, une équipe renouvelée d'experts ? À part Nicolas Duvoux (que vaut bien, au passage, Camille Peugny), c'est quoi les nouvelles têtes ? Bernard Maris, sans déconner, lui qui doit se dire que chez les Verts d'où il vient les perspectives sont moins bonnes ? Le staff de Hollande est une vaste entreprise de recyclage de députés, de sénateurs et de conseillers généraux contre vraiment très peu d'acteurs de la société civile. Histoire de rester "entre soi". Rien d'étonnant, Hollande n'a jamais fait que de la politique toute sa vie. (Au passage, j'aime beaucoup la lecture des 10 ans à Solférino : "trop coulant, trop souple, trop élastique" ; on pourrait dire aussi "trop mou, sans vision, incapable de s'imposer", tu crois pas ? Question résultat le bilan est le même)
Ce qui caractériserait les passages Menchevik de nos glorieux présidents, ce serait, après avoir connu la gloire, un bon gros revers de fortune : De Gaulle grand résistant, puis traversée du désert, Chirac 1er ministre avant le plantage de 1988 et la montée de Balladur, Sarko plus jeune maire de France et ministre du Budget avant d'être zappé par Chirac. Tous ces types ont pour le meilleur ou pour le pire des destins nationaux. Mais Hollande, qu'est ce qu'il a fait ? Même pas secrétaire d'État d'un petit bidule, nada. Ce type n'a pas plus qu'une aura corrézienne, ça rayonne à moindre puissance...

Écrit par : Josse | 21/08/2011

C'est ça, sa force... Il est neuf parce qu'il n a jamais été ministre. Bien sûr, son staff est politique, mais il s'est ouvert à d'autres idées parce qu'il a connu le doute le plus vrai, celui qui vient après des échecs cuisants.
Je voterai Aubry, j'aime ce qu'elle fait en associant politique et acteurs de terrain dans son équipe de campagne, hélas, 1000 fois hélas, je crains que ça ne suffise pas... Mais je serai ravi de me planter !

Écrit par : Castor | 21/08/2011

Bon je réponds (et puis après j'arrête, disons on ira boire un pot pour en parler plus en détail) : je ne vois pas où sont les échecs cuisants de Hollande. Pour subir un échec, il faut tenter quelque chose: le problème de Hollande, c'est qu'il n'a rien tenté. Tout ce qu'il peut revendiquer, c'est la perte d'une dizaine de kilos (un régime si hautement médiatisé que ça me fait halluciner sur le manque de fond du débat politique parfois : "il a perdu du poids" maintes fois répété comme un équivalent de "il a un programme politique et des idées nouvelles").
En fait il me semble que le dernier résultat des primaires EELV-Verts devrait inciter à la prudence sur les pronostics de tout poil : quand même DCB va expliquer qu'il a voté Joly en pensant qu'elle allait perdre, ça calme le jeu. Il y a des diagnostics qui virent à la prophétie auto-réalisatrice : il fallait élire DSK à la primaire parce que les Français allaient l'élire à l'Elysée ensuite, et les sondages nourrissant les sondages DSK avait fini par apparaître comme LE champion de la gauche... Pour chaque candidat, on peut trouver plein de bonnes ou de mauvaises raisons : le fait qu'il n'est jamais été ministre serait un plus pour Hollande, mais un moins pour de Villepin, par exemple. Sans parler du fait qu'en 2007, même ministre depuis 5 ans, Sarko a été assez habile pour faire croire à la rupture : moins par moins égale plus plus... Un bon animal politique serait alors quelqu'un qui arrive à faire croire aux atouts aussi bien de son éventuelle expérience (c'est sans doute ce que va nous vendre Sarko pour 2012 : "j'ai vécu, j'ai appris, je trace mon sillon") que de sa supposée fraîcheur (ce que le même vendait en 2007 : "contre les rois fainéants, je suis l'homme jeune, volontariste et plein d'élan"...)
Le seul atout de Hollande à la limite dans une France frileuse, c'est son bon vieux côté rad-soc' boosté à l'humour corrézien, ce bon vieux sépia qu'il a l'air de dégager et qui fait croire, quand on le voit en photo dans la presse, que brusquement on lit plus Libé mais L'Aurore.
Enfin bon, c'est mon point de vue. Biaisé, sans aucun doute, puisque moi aussi je voterai Aubry !

Écrit par : Josse | 23/08/2011

L'épreuve d'Hollande c'est d'avoir été à 1% dans les sondages, lâché de tous. Ca tanne le cuir, il veut y aller plus que tout, contrairement à Aurby, c'est maigre mais je crains que ça ne fasse la différence...

Écrit par : Castor Junior | 23/08/2011

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