Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

11/09/2011

Ne pas aimer lire tue

mouton-433958.jpgJe sais bien que les dirigeants de tous les pays se tiennent la main en regardant les indicateurs économiques de tout bord - aussi pertinent que les destructions de carrosseries de voitures - et que la dernière étude qui m'a miné ne les atteindra pas, mais quand même. 

On parle souvent des problèmes de riches pour évoquer l'obésité ou les dépressions quand il n'y a pas, comme bramait le chanteur socialiste, "de psychiatre en plein désert ou d'overdose à Kinshasa". Nous devons en gérer une de plus : le reflux massif de l'amour de la lecture. Les chiffres qui évoquent les lettres sont sans appel : leur compte est bon, il est fait...

http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2011/09/09/01016-... 

Nos jeunes de 15 ans aiment moins lire que leurs homologues albanais. Je doute pourtant que ce soit la qualité des rayons des bibliothèques publiques ou des librairies de Tirana qui explique la différence... Nous sommes derrière la Pologne, le Canada, ou le Brésil qui pourtant met l'accent dans ses politiques publiques sur la transmission de la culture par l'oralité et où la musique est omniprésente. Malgré cela, les jeunes Brésiliens ont plus le goût de la lecture que les Français... Le sociologue Bernard Lahire, auteur de sommes sur la question de "la consommation culturelle des français" défend les jeunes en disant qu'ils lisent, mais différemment. Les optimistes diront aussi que l'étude se limite au papier. Biais acceptable pour le Japon ou les Etats-Unis, où ce que l'on trouve à lire en ligne est d'excellente facture, mais en France, l'étendue du catalogue et surtout sa consultation (on trouve les Misérables et le Neveu de Rameau gratuit en ligne mais les clics ne s'affolent pas plus que pour un discours de Dupont-Aignan à la Nation...) rendent caduc l'argument de "mais ils lisent en ligne".

Ce reflux de plus de 15% en 10 ans, j'en suis le témoin pas plus privilégié que d'autres, mais inquiet. Former des journalistes ou des communicants qui n'aiment pas lire, qui paressent, c'est inquiétant. Surtout, cela rend le discours plus compliqué et oblige à repenser largement la pédagogie car au-delà de la lecture c'est la réduction du socle de références communes qui nuit aux échanges. Lorsqu'il faut mettre des sous-titres en parlant d'Orwell, de Rawls, de Mc Luhan: lorsque la baie des cochons ou la conférence de Bandung sont des noms de restos exotiques, la transmission part sur une base différente. Sans être catastrophiste, on peut s'inquiéter de cette chute ultra rapide de l'envie. Car si nous n'avons jamais autant été dans l'âge de l'accès pour le dire comme Rifkin, nous faisons face à la crise la plus grave de la connaissance car elle touche au fondement : l'envie. Le challenge technologique est aisément résolvable, quelques investissements bien sentis peuvent réduire la fracture numérique, un redéploiement des crédits peut relancer l'égalité des chances face à la culture, mais s'ils n'ont plus envie car on les a trop stimulé, gavé comme des oies de mauvais capitalisme libidinal comme il y a du mauvais cholestérol, on fera face à une armée de chapons culturels... 

L'étude rappelle pourtant que la lecture, contrairement à ce que déplore les pessimistes, reste un facteur de réussite social. Il existe des intellos précaires et par dizaine de milliers, mais ceux qui manient la lecture sont toujours plus en situation de se défendre que les autres. De là à dire qu'une élite cynique préférera affronter un nouveau lumpen ayant perdu le goût de lire il y a un fossé que je me garderai de franchir en triple saut. Mais quand on voit ce qu'on voit et qu'on entend ce qu'on entend dans les journaux sous toutes leurs formes écrites, orales, ou visuelles, le doute m'habite. 

Vient alors une question : quelle mesure d'urgence ? Et surtout ou écrire "ne pas aimer lire tue" pour détourner les non lecteurs de leurs autres activités ? Vaste programme de santé publique qui finira par singer l'INPES "pour votre santé mentale, lire une demie-heure par jour ; lisez 50 lignes de fiction ou de non fiction tous les jours". Quand à l'équivalent de "évitez de manger gras, salé et sucré", j'éviterais de tirer sur les ambulances.

Commentaires

"De là à dire qu'une élite cynique préférera affronter un nouveau lumpen ayant perdu le goût de lire il y a un fossé que je me garderai de franchir en triple saut."
Billet salutaire.
Tu as raison, on est dans l'"économisme" et le mépris de la culture en ce la qu'elle n'amène aucune sorte de "revenu", de "situation, et de rentabilité à court terme. On en est malheureusement là.
Quand des ânes médiatiques comme J-M Bigard nous bassinent systématiquement avec le fait qu'il faut "développer les emplois manuels" et "mettre l'accent sur les compétences", encore et encore, avec le sens caché mais qu'ils ne diront pas que "tous les intellectuels sont des cons", c'est une pure vision économique et à court terme de l'humanité.
Selon ce genre de phare, la culture, non seulement ne servirait à rien, mais serait l'apanage d'une élite méprisable, qui "n'ont pas à se lever tôt pour aller travailler, eux".
Je pense que le droite a bien fait son boulot, dans un populisme ambiant et une ardeur purement commerciale.
la conjugaison des deux tue complètement le seul plaisir de lire et d'apprendre, et de grandir (puisque "ça ne sert à rien")

Écrit par : MHPA | 11/09/2011

@ MHPA : je m'en vais lire l'éloge des humanités par Yves Citton pour comprendre comment transformer une salutaire colère en programme de reconquête...

Écrit par : Castor Junior | 11/09/2011

Beaucoup de jeunes pensent, en effet, que la lecture ne sert à rien, que ce n'est pas ça qui te permettra de te débrouiller dans la vie et ils n'en voient pas le bénéfice immédiat. Ils considèrent donc qu'ils n'en ont pas besoin. Quant au plaisir de lire, il faut sans doute le ressentir au moins une fois pour que naisse l'envie… Tu soulèves là une question essentielle et de grande ampleur.

Écrit par : Yola | 11/09/2011

Et une question complexe car ce plaisir de lire fou pour certains c'est avec Guerre et Paix, d'autres Pif Gadget (moi...) et d'autres encore la SF d'Asimov... Réponses multiples mais qui pour l'heure ont souvent l'air de buter sur du vide.

Écrit par : Castor Junior | 11/09/2011

Wai... Si on s'appelle l'Education Nationale.

En même temps, faire l'amour et lire appartiennent aux champs des loisirs, sont individuels et peuvent difficilement faire l'objet d'une prescription.

La lecture plaisir ne relève pas de l'instruction, donc celle-ci est hors jeu.
La lecture apprentissage est celle de l'éducation. Or il est apparent que depuis 30 ans les modes de l'enseignement ont changé.
Dans cette seconde acception, ce qui compte c'est le savoir transmis, acquis, entendu, vu ou expérimenté. Ce que vous voulez. Donc, c'est bien la fin qui va diriger la pratique. Et là, la lecture est relativement hors jeu.
Le premier cas fait l'objet d'une consommation individuelle des loisirs. Donc pas de prescription. Le second cas semble avoir été tranché dans la perspective de l'éducation.

Bon et après.
Ben, rien.
Justement.
Le temps passe.
La concurrence pure et parfaite entre les auteurs régule l'ensemble.
Je rajouterai un dernier point, c'est qu'à mon avis (les chiffres sont relativement confidentiels) IL NE S'EST JAMAIS AUTANT VENDU DE LIVRES, tout genre confondu. Certains quotidiens s'étiolent. C'est le jeu des vases communicants.

De plus, je dois avouer que je suis très étonné du NOMBRE DE LECTEURS et donc de LIVRES que je vois dans le métro quand je le prends. L'ipod n'a pas encore gagné sa lutte.

Par ailleurs, j'ajouterai qu'à 20 ans, on a tous pensé la même chose "A quoi ça sert ces conneries?" disons-le. On ne va pas demander à un djeun de 15 ans la maturité d'un type de 32 ou 50 ans.

Faut arrêter de faire semblant.

Écrit par : atlas | 12/09/2011

J'ajoute quand même que B. Lahire, c'est quand même le niveau zéro de l'étude socio, de l'écriture et de la réflexion.
Quand je vois le temps qu'il doit passer à collecter ses infos pour fournir un tel rien intellectuel et enfoncer des portes ouvertes... vaut mieux faire une millionième partie de Call of Duty ou de Poker.

ça vous refroidit en deux millisecondes de ce qu'est la sociologie.

Écrit par : atlas | 12/09/2011

L'argument de la vente de livres est fallacieux et pour emprunter tes termes, débile. Il s'est vendu 1 million de Bienveillantes, 400 000 idiot de la famille et personne ne les lit. Michel Serres n'a pas un millième de gens qui le lisent dans ceux qui achètent ses livres. Il y a du monde dans le métro, c'est vrai mais de moins en moins de jeunes. C'est ce que dit l'étude et ce que je constate dans mes classes...

Quand à Bernard Lahire, suffit de lire "l'invention de l'illétrisme" pour comprendre que l'homme a beaucoup de qualités même s'il n'a pas l'heur de te plaire...

Écrit par : Castor Junior | 12/09/2011

"Je pense que le droite a bien fait son boulot" nous dit un gauchiste "intello" dont le message est truffé de fautes d'orthographe.

Écrit par : Zébulon | 12/09/2011

pour être moins critique et plus constructif, je reformule.

Le livre perd, mais la lecture gagne.

Cela, je le vois rarement abordé dans les analyses.

Et la lecture gagne à tous endroits, les deux premiers étant Internet et les manuels scolaires.
Je ne suis pas persuadé que Gibert fût aussi fourni en titres il y a 50 ans.
Par ailleurs, la lecture d'un livre relève bien d'une décision individuelle.
Par ailleurs, je constate que l'opposition livre-lecture et ignardise découle de l'opposition politicienne classique.
Et là, je me dis, que le message est peut-être vicié.

Je suis heureux de pouvoir m'esclaffer avec Zadig & Voltaire.

Écrit par : atlas | 12/09/2011

Zébulon,
Le "gauchiste intello", il sort de 6 ans de maçonnerie, il n'a, par conséquence, pas toujours eu le loisir d'aligner des phrases supérieurement intelligentes comme tu sembles habilité à le faire, il a, en plus, quelques convictions qui font que quand il s'adresse aux personnes, il ne les réduit pas à une caste, une famille de pensée, où une idéologie politique, et il a également un vécu extrêmement riche qui fait qu'il sait à peu près de quoi il cause.
Deuxio, je suppose que quand on baigne dans une profonde intelligente comme la vôtre, on pourrait aisément passer au dessus de quelques fautes qui truffent les commentaires car l'on y écrit souvent bien trop rapidement, je le reconnais.
Troisio,le "gauchiste intello" na pas le mépris aux lèvres et la sensation de se croire dominant, lui, mais cependant, il t'emmerde.
(je ne rajoute pas sale con, tu devrais être capable de te le rajouter tout seul).
Merci.
(Désolé Castor)

Écrit par : MHPA | 12/09/2011

Petit rectificatif, à l'image de ce zébulon à qui, dans un grand élan d'amour, je foutrais bien mon pied au cul, je n'ai pas l'habitude de me planquer derrière un pseudo qui ne mène à rien (et surtout à aucun lien).
Alors petite explication : Supprimé un blog, pour cette raison qu'il n'est plus lié.
Mais sinon j'ai d'autres liens :
http://amarreesnoires.blogspot.com/
https://plus.google.com/110192121499144598056/posts
Et feu "Fucking disgrace", qui n'est plus, hammerpapatamandropov.blogspot.com
(Re-désolé, Castor)

Écrit par : stéphane Grangier "MHPA" | 12/09/2011

@ Atlas : c'est bien la faiblesse de l'analyse : oui, la lecture monte quantitativement, mais qui peut honnêtement prétendre que les choses vont mieux si tout le monde lit du Marc Lévy, Gala et le catalogue Bircorama ? Je ne triche pas, ce sont les chiffres, observe la QUALITE de ce qui se vend, en livres comme en presse, l'inquiétude peut être là.

@ Zebulon : ce blog est un espace ouvert, aucun problème. Néanmoins, généralement, ceux qui formulent du "gauchiste" comme invective sont peu susceptibles de me plaire. J'ai beaucoup d'indulgence pour les fautes d'orthographes, étant moi même dyslexique. Pour les défauts d'humanisme, aucune indulgence... Il y a des sites pour l'expéctoration haineuse et gratuite.

@ Stéphane : don't be sorry, fucking morning disgrace !

Écrit par : castor Junior | 13/09/2011

Il suffirait peut-être qu'un jour par semaine, la télévision n'émette rien? Certains retrouveraient le goût de la lecture, d'autres le goût des sorties avec leurs amis, cela pourrait favoriser aussi le lien social (tiens si j'allais parler avec mes voisins?), d'autres sortiraient les jeux de société, il y aurait peut-être un peu moins de jeunes qui dorment debout le lendemain matin, etc.

La télévision, média de masse ayant dépassé la taille critique, est devenue un trou noir qui pompe l'imagination et la créativité, qui incite les gens à ne pas dormir assez, qui perturbe la capacité de concentration… Mais le pire, et de très loin, c'est sans doute la télévision-poubelle, qui alimente la peur de l'Autre :

http://bit.ly/psXSkB

Un jour par semaine sans télé, oui, je pense que ça serait un moyen pour que certains retrouvent le chemin des bibliothèques et des librairies. Ça ferait un peu comme l'interdiction de fumer dans les bars : une levée de boucliers des réactionnaires, puis après un moment de transition, une majorité trouverait ça bien.

Écrit par : Grégoire Colbert | 13/09/2011

@ Grégoire : bienvenu. Merci de donner des nouvelles, même mauvaises, de l'oncle Picsou par chez toi. Quand à la télé, tu parles à un thuriféraire de Bernard Stiegler, je te suis à 100% sur ce point.

Écrit par : Castor Junior | 13/09/2011

Merci Castor Junior, ton allusion à Picsou est très drôle! :-)

Écrit par : Grégoire Colbert | 13/09/2011

Je t'en prie, s'il est mal, je vais peut être hériter, faut que je me rencarde, on parle gros sous !

Écrit par : castor Junior | 13/09/2011

OK pour la merdiocrité de la majorité des publications. Cela étant, je ne suis pas sûr que ce soit là l'argument principal.
Le système libéral permet tout de même la publi. de grands romans. Sur les 16 retenus du Goncourt, yen a tout de même 1 que je vais lire (l'art français de la guerre), wai c'est ma thématique.
Ce que je veux dire, c'est que la DISPONIBILITE intégrale de tout ce qui est et de ce qui a été est plus importante. Par ailleurs, je comprends tout de même cette forme d'empathie ou de facilité qui préfère aller à E.Em. Schmidt plutôt qu'à Chateaubriand. J'avoue avoir fait un tentative ya 4 mois, ça a duré 50 pages. Peu importe, j'y reviendrai. Le démarquage est là.

La copine d'un copain arrive à se prendre de passion pour toutes les daubes du marché (dernier en date Foenkinos), c'est impressionnant aucun auteur de ce type ne lui échappe. Remarque, par contrecoup, cela me permet d'en voir le topo. Cela étant elle est libre de lire et d'aimer. C'est comme l'argument de la dope, pas de consommateur, pas de dealer. Tirer sur l'écrivain (en l’occurrence business man accompli, ce que nous échouons tous deux à être dans ce domaine), je pense que c'est un peu manquer sa cible.

Par ailleurs, il n 'y a pas de critique s'il n'y a pas d'intelligence servile ou d'intelligence capturée par endroits.

PS : C'est très bien le catalogue Bricorama. J'ai récemment parcouru le catalogue Conforama. J'ai fait une très bonne lecture. Bien plus passionnante que Gala ou Lévy.

Écrit par : atlas | 15/09/2011

Mwai... La disponibilité, un mythe du oueb. 1 million d'heures de cours du Collège de France téléchargées, elles sont pas écoutées pour autant. En revanche, j'irai regarder le catalogue Conforama.

Écrit par : Castor Junior | 15/09/2011

Les commentaires sont fermés.