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18/03/2012

Cher Jean-Luc

P1040546.jpgComme le disait le slogan entonné sur le boulevard "au cul, au cul, aucune hésitation. Nous on vote, on vote pour Mélenchon". Ca, je le savais avant de partir de chez moi. Ca, notamment parce que comme le dit ta chanson de campagne, en référence aux accords avec les uns et les autres, "on lâche rien". S'il en est dont je sais qu'il ira au bout, qu'il ne négociera pas sur l'essentiel c'est bien toi. Donc, je suis venu.

Sache quand même, quand bien même nous ne nous connaissons pas, que j'attendais beaucoup d'aujourd'hui. Parce que depuis le début de la campagne, mon vote du 22 avril me vaut des engueulades franches avec les socialistes. J'ai voté Aubry aux primaires (un beau succès, 3 millions de votants, que tu as peu salué) et c'est vrai que chaque jour qui passe m'éloigne d'Hollande et me fait espérer que tu fasses beaucoup. Pas 10%, beaucoup, 15, 18% ce que tu veux, mais quelque chose. Une autre gauche, un projet qui fasse baisser les yeux à ce PS terroriste qui cherche toujours des arrangements à la marge avec d'autres forces de gauche, comme d'aucuns monnayent une rançon. Un PS de Valls et Moscovici, eux qui cherchent le curseur du libéralisme le plus acceptable pour que ça passe... Pour casser cette gauche qui trahit, il faut un gros score et l'histoire en marche veut que tu puisses le faire. Des inégalités galopantes, une crise systémique, un crise de valeurs, une remise en cause de l'impasse libérale : tu as un boulevard. Je comptais l'emprunter pour arriver à la Bastille.

Première étape, la place de la Nation. Bonne surprise, la manif est très éduquée, très encadrée, j'agrippe une pancarte (t'as vu si j'ai l'air fin avec mon galure façon Jean Moulin pour être en résistance, enfin surtout en résistance à la pluie annoncée et qui n'est jamais venue). Nous remontons la foule, trouvons des camarades, l'ambiance est belle, une espérance embaume les rues. Les sourires sympa, une vraie fraternité dans la foule où l'on s'attend, s'encourage, s'accompagne. Nous arrivons à la Bastille et tu as bien fait les choses. Des chanteurs chantent et chauffent la salle, et tu arrives à l'heure. C'est respectueux du peuple venu pour toi. Merci. Tu as choisi une petite estrade, pas de barnum phallique où on lève les bras au ciel. Jusque là, tout est parfait.

Et puis tu parles, doucement. D'une voix forte, mais calme, lente, sermonnante... Je n'ai jamais aimé les messes, les oraisons, les sermons, les discours verticaux qui condamnent les fautes morales. Ni curé, ni rabbin, ni imam. Tu cites Vallès, Louise Michel et Jaurès et pourquoi pas. Bien sûr, pourquoi pas, tu nous rappelles d'où nous venons, très bien. Mais je suis venu pour savoir où nous allons. Alors tu dis "une Constituante", de mémoire, ça devait être l'ensemble du peuple qui la rédigerait. Or, tu la récites dans le détail. Curieuse conception de la démocratie ; un brin confiscatoire, non ?

Inégalités, parité, règle verte plutôt que règle d'or et services publics confortés. Soit. Pour ceux comme moi qui ont lu ton programme, ton discours était cohérent, mais pour les autres ? Ceux qui sont venus voir la fureur en action, qui voulaient se révolter, sont-ils convaincus ? J'ai comme un doute. Je te félicite de ne pas t'être abaissé aux petites phrases (comme cette pintade de Cécile Duflot) aux invectives gratuites et à la contre tweet riposte. Mais il faut de la chair pour incarner l'âme de gauche dont tu nous as récité tous les mots clés comme on égrène son chapelet de prières. Hélas, la chair fut triste hélas, il nous reste à lire tous les livres. Pourquoi t'être calmé ? As tu eu peur de la vague qui monte ? Le vertige ? Je t'ai senti comme dépassé, presque inquiété de malmener le PS. En marchant et échangeant avec les camarades, mon sentiment était partagé par quelques chalands. 

Au fond, j'ai comme l'impression que ce que tu as accompli te dépasses, que tu es déjà au-delà de ce que tu espérais. Mais plutôt que de saisir ce renversement, tu freines. Dommage.  

Au royaume des aveugles, tu gagnes sans conteste. Même l'ex dircab' de Copé et gourou de la comm' politique, Bastien Millot, reconnaît que tu fais la meilleure campagne et de loin. C'est déjà ça. Mais tu ne peux pas nous en vouloir d'exiger un peu plus devant l'attente suscitée par la situation. Cher Jean-Luc, tu appelles au début du printemps européen, très bien, mais pour le sprint final, j'espère que tu retrouvera cette sève dont nous avons tant besoin. 

Commentaires

très bon billet, merci de ce partage de sentiment

Écrit par : gael | 18/03/2012

On attendait la grand'messe, il y avait tout pour ça (le boulevard, oui!)...
... Et bizarrement, on a eu plutôt eu droit à une messe, avec la liturgie classique de la Gauche pratiquante (je n'ai rien contre, hein, mais ça ne fait pas gagner une voix ni bcp avancer le schmilblick) et un sermon tourné vers les fidèles.

Ou comment s'ouvrir avec brio un boulevard et embarquer tout le monde dans une contre-allée. Dommage.

Écrit par : secondflore | 18/03/2012

@ Gael : merci et bonjour camarade.

@ SF: quel belle image, la contre-allée... Tristesse

Écrit par : Castor Junior | 18/03/2012

@Castor : en ce qui me concerne, j'avoue avoir envie, parfois - et comme vous - de secouer Hollande.
Mais à d'autres moments (de plus en plus nombreux), je pense à Sarkozy, à sa possible victoire, et là, je souhaite qu'on le ménage...
Sans doute Mélenchon prépare-t-il un second tour où il faudra bien se retrouver derrière le "moins pire". Il ne faudra pas, alors, qu'il ait tapé trop fort.

Écrit par : Coralie Delaume | 18/03/2012

Ce qui m'ennuie, chère Coralie, c'est le 3ème tour. Que fera Guy Mollet de sa victoire s'il gagne ?

Écrit par : Castor Junior | 18/03/2012

C'est un beau billet, néanmoins tempéré par le vertige du doute.
(merci de me le faire vivre, j'avoue que le regardant à la TV, je n'a pas ressenti tout cela/ Si, qu'il parlait avec une lenteur et un ronflant Gaullien et qu'il faisait dans le général, et peut-être maintenant que j'y pense, effectivement, qu'il était plutôt prudent (Le terme "l'insurrection", qui lui a peut-être un peu foutu la trouille ))

Écrit par : MHPA | 18/03/2012

Pas faux, cette histoire "d'insurrection" est outrancière, il eut fallu dire "la révolution tranquille", ha le pouvoir des mots !

Écrit par : Castor Junior | 19/03/2012

Soit, mais "peuple de gauche", nous sommes parfois plus royalistes que le roi et avons l'art de scier la branche sur laquelle nous souhaitons nous appuyer...Je vous trouve un peu sévères...les fondamentaux y étaient, l'art du tribun et les salutaires références aussi, reste à tenir le cap...et ce discours n'avait rien de l'agressivité habituelle des roquets politiciens, cela fait aussi du bien...

Écrit par : marcelline roux | 20/03/2012

Marcelline : pardon du délais, le commentaire, assez juste, m'avait échappé... C'est la sévérité de l'amoureux déçu qui attend tant !

Écrit par : Castor Junior | 25/03/2012

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