01/04/2012
Adieu la Reine, le peuple t'aimait pas bien.
On ne parle que de lui en 2012 et pourtant on ne le voit jamais. La rumeur ? Raté, le peuple. Plein les librairies, les discours et les programmes, on le coupe au montage quand il défile, revendique ou s'égosille. Pourtant, les impétrants des grands partis continuent de se réclamer de lui. Quand notre roitelet se veut le candidat du peuple, on confine au grotesque... et ça ne date pas d'hier.
Cette prétention du souverain à savoir ce qui est bon pour le peuple à sa place est le point de départ du film de Benoît Jacquot, "Les Adieux à la Reine". Sur le film en lui même, pas tant que cela à dire. Un bon film tel qu'on sait faire en France.
Belles images, souci du détail jusque dans les reliures des livres, casting impeccable avec cinq sociétaires de la Comédie Française et tout une pléiade de comédiennes (les comédiens sont moins présents) au diapason, Léa Seydoux, Diane Kruger et Virginie Ledoyen. Au-delà de l'habileté de la caméra, le film fait mouche grâce à l'habileté du scénario. Un peu comme pour "The Queen" ou Stephen Frears ne nous raconte pas Diana, c'est le décentrage qui compte. Là, voici la prise de la Bastille vue par le Petit Trianon... L'information ne parvient pas de suite, Internet étant défaillant alors et surtout, le téléphone arabe donne des versions rocambolesques et contradictoires. Heureusement les écrits restent et le libelle inscrivant les 246 têtes à écrémer pour refonder le royaume inquiète Versailles...
Inquiète, le mot est faible. Les riches fuient, emportent jusqu'au pendules en or pour assurer l'avenir. Seuls certains irréductibles au premier rang desquels Louis le 16ème tiennent bon. La pensée du bon Louis est de ce point de vue éclairante sur ce qui traverse l'élite d'un pays et vaut sans doute encore en 2012. Ainsi, Louis confie à Antoinette: "Vous ne savez pas l'idée stupide qui m'a été rapporté par Monsieur de Bailly? Le peuple ne veut pas seulement du pain. Il veut gouverner... Moi qui ai toujours cru que le pouvoir était une fatalité qui vous tombait dessus, la disgrâce sous un manteau d'hermine" (bon, c'est de mémoire, que les puristes du scénario du film m'excusent...).
Pour cela aussi, le film de Jacquot est réjouissant. On aime tracer des passerelles de l'une à l'autre époque. Le film évite le quart d'heure de trop, mais l'action n'est pas haletante au point que l'esprit ne puisse divaguer. Et certaines ressemblances sont troublantes, notamment dans la vanité de la vie de Château "on dit que le marquis a un château superbe, mais il vit ici dans un trou à rat depuis dix ans pour apercevoir le roi deux fois la semaine". Comment ne pas penser à la cohorte de suiveurs qui s'époumonent dans les arcanes du pouvoir à la recherche d'un colifichet ou d'un sous secrétariat d'Etat ?
Le film s'achève le 17 juillet 1789 et alors, le pouvoir a peur car les têtes peuvent tomber. En 1871, le pouvoir a aussi pris peur et en 1968, même si l'on se représente souvent une vaste blague, une révolution d'opérette, force est de constater que les bourgeois ont eu le trouillomètre à zéro. Ils priaient pour que le général mettent au pas ces jeunes dégénérés. Depuis 1968 plus aucune barricade ne s'est dressée en plein Paris, elles se sont exilés dans nos banlieues déshéritées, en 1983 ou 2005. Mais la trouille n'habite plus les faubourgs bourgeois. Reste alors à défiler par centaines de milliers et voter par millions pour le candidat du peuple, celui qui n'est pas vraiment candidat mais porte-parole d'un mouvement. Alors, peut être aura t'on une autre réponse que "s'ils n'ont pas de pain, qu'ils mangent de la brioche".
Voilà, en attendant, on peut couper le poste où l'égalité du temps de parole vomit une cacophonie programmatique excédante et prendre des romans. "Le rêve de l'homme lucide" (Buchet Chastel) de Philippe Ségur constitue un fidèle allié en ce dimanche ensoleillé.
08:50 | Lien permanent | Commentaires (4)
Commentaires
La citation de Louis le 16 est conforme :-))
Oui, car j'ai eu la meme idée hier soir, rendre les derniers Adieux à la Reine. Je suis d'accord avec ce que tu y as vu. J'aime particulièrement le personnage de Gabrielle de Polignac, carriériste, ambitieuse, cynique, manipulatrice qui semble annoncer la haute bourgeoisie à venir, qui bientôt remplacera dans les lieux de pouvoir cette aristocratie décapitée par le peuple.
Écrit par : Cécile | 01/04/2012
Certes, mais n'oublies pas les bourgeois qu'on a pas vu à l'écran, Robsepierre, Marat et St Just !!!!
Écrit par : Castor Junior | 01/04/2012
Oui, oui, c'est justement ce qui me manque dans ce film. Mais je voudrais une lecture d'historien et Benoît Jacquot ne fait pas du cinéma d'historien. Donc, c'est normal que je sois un peu frustrée par ce film qui est néanmoins magnifique.
En revanche, le livre de Chantal Thomas va plus dans ce sens donc je vais sur le champ aller le lire (d'autant que j'aime bcp son écriture).
Écrit par : Cecile | 01/04/2012
Et un bouquin de plus sur ma liste...
Écrit par : Castor Junior | 02/04/2012
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