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08/07/2012

Abolition, piège à connes ?

manifestation-putes-fieres-abolition-prostitution-mon-corps-m-appartient.jpgLes mots ont un sens, en théorie. Ce n'est pas rien "l'abolition". Même dans une époque qui voit le triomphe de l'hyperbole permanente, on ne peut abolir impunément. On n'imagine pas Valls, Mosco ou autres abolir. C'est un étendard, une attitude révolutionnaire, une quête d'absolu.

On pourrait rêver d'abolition des licenciements boursiers, avant d'être repris par la manche sur l'effectivité d'une telle mesure. On voit bien l'intention "si profit de l'entreprise, pas possible de licencier", oui mais si le profit ne vient pas enrichir le cours de bourse ? Si le profit est pour l'année N et que les années suivantes sont condamnées ? Indignation morale louable, mais pas pour autant que l'on peut le graver dans le marbre législatif. C'est pour cette raison que l'on a jamais aboli que ce que l'on était certain de ne jamais regretter: les privilèges, l'esclavage et la peine de mort. Les esprits sagaces remarqueront que les privilèges perdurent, ils se sont déplacés, mués, mais ils existent. Tristement, l'esclavage moderne se perpétue encore, sans parler des conditions de travail de certains. La peine de mort, en l'état, n'existe vraiment plus. Les efforts abolitionnistes accouchent de résultats qui incitent à la modestie. 

En ce moment, ce week-end même, l'université d'été d'Osez le Féminisme se tient et débat largement de ces questions. Najat Vallaud-Belkacem s'est rendue à Evry pour discuter devant un public conquis d'avance. Tout ce beau monde pouvait se réjouir que le jour même, un comité de soutien à l'abolition  (avec notamment Sylviane Agacinski ou Coline Serreau) s'affichait dans Mediapart. Bon. 

La question de la prostitution est éminemment complexe, mais l'attaquer par ce versant là me semble profondément stupide. Sans verser dans l'argumentation à la Pascal Bruckner sur l'ordre moral ou autre, faire de la prostitution en soi un problème me paraît malsain. L'adage en faisant le plus vieux métier du monde n'a pas tort et on peut imaginer sans mal que des tas de personnes y trouvent leur compte. Certaines (et certains) sont même spécialisés sur des marchés de niche, de luxe et n'imaginent pas une seconde devoir aller trimer. En une nuit, il gagne l'équivalent de 400h de travail dans un centre d'appel, y a pas à tortiller... J'ai souvenir d'un ami de mon frère, cubain, a qui la perspective d'un emploi classique donnait des frissons. Il préférait très largement apporter un peu ou beaucoup de plaisir à quelques rombières sexagénaires voir au delà moyennant une grasse rémunération.

Bien sûr, ces cas sont marginaux. Sans doute. Mais pour eux, parce qu'ils ne sont pas fictifs, comme pour ces étudiants qui préfèrent faire cela un soir par mois que bosser 18h par semaine au Mc Do PAR CHOIX, l'abolition me semble relever de l'ineptie. Du coup, porter la réflexion par la ministre chargée de l'égalité femme/homme  enfonce le clou et cantonne le sujet à une revendication féministe. Encore pire. Mieux vaudrait que Manuel Valls annonce un grand plan de lutte contre les trafics de femmes, les réseaux de proxénètes, les marchands de viande humaine. Là, oui. Problème, ces réseaux ont leur entrée à l'Assemblée Nationale, chez les grands avocats et argentiers, chez les sportifs, chez tous ceux qui ne savent plus comment vider leurs excédents boursiers. La lutte contre la prostitution forcée doit être envisagée sous un angle économique, pas moral. Ce qui est inacceptable c'est que des truands poussent les filles à bosser dans des conditions inhumaines. Une amie juge qui faisait sa permanence dans une association de défense de prostituées me narrait le désarroi des putes slovènes face à leurs homologue chinoises qui pratiquaient la fellation à 6 euros... N'est-ce pas là un cas flagrant de ce à quoi le dumping économique, le libéralisme a de pire. Ne détachons pas le problème de l'économique car il touche à l'intime. L'indignation morale avec renoncement à changer l'ordre économique du monde: voilà bien une vision de socialiste...

Demain, nous entamerons la semaine en cherchant un module de formation e-learning à la danse du soleil  parce que la danse de la pluie, ça va bien maintenant...

Commentaires

Je partage ton analyse. On ne supprimera pas le proxénétisme en s'en prenant aux prostitués ou à leurs clients, mais cette question me semble aussi complexe que celle de la légalisation du cannabis, où la encore ça implique de revoir toute une économie.

Quant à ta formation à la danse du soleil, bonne initiative. Ta seule participation suffira-t-elle à le faire revenir ou penses-tu qu'il faille une action collective?

Écrit par : Yola | 08/07/2012

Le rapprochement avec le cannabis peut se faire ! Quand je vais voir les prévisions météo, m'est avis que seule une action de masse peut aboutir....

Écrit par : Castor Junior | 08/07/2012

Il faut beaucoup de patience pour répondre à un post qui commence par vous affubler du doux nom de "connes"...
Étant fatiguée de m'être indignée moralement tout le week-end, je préfère aller me coucher en me demandant pourquoi, dans la mesure où la domination masculine est la plus vieille chose du monde, se donner tant de mal à lutter contre? Surtout qu'heureusement, le gentil Manuel Valls fera tout plein de choses pour de ne pas cantonner mes réflexions du week-end à de bêtes revendications féministes. Ou que de gentils économistes viendront me prouver par de savants calculs qu'on peut parfaitement inventer un modèle économique pour une prostitution light, sans danger, tout confort et tout terrain. Vivement que ces messieurs sortent, qui leur gros pistolet, qui leur grosse calculette!!!
Ouf! Je vais pouvoir dormir tranquille! Ca doit être mon côté socialiste....

Écrit par : Josse | 08/07/2012

J'espère que tu as bien dormi, camarade. Tu te doutes bien que mon intention n'était pas de vous traiter de conne, loin s'en faut. Je réfléchissais juste à cette mesure que je trouve inepte et je crois qu'on a beau avoir "féminisme" dans le nom de son assoc, ce n'est pas un talisman pour autant. Parfois (souvent), les socialistes sont libéraux et je crois qu'il en va de même l'abolition n'est pas une revendication des féministes. A bonne entendeuse.

Écrit par : Castor Junior | 09/07/2012

Non, effectivement, ce n'est en rien un talisman, mais le fait d'avoir "journalisme" dans son CV ne l'est pas plus: jouer le savoir objectif du journaliste contre la mentalité forcément bornée du militant, c'est facile. C'est un peu ce qui a autorisé Jean-Michel Apathie à donner un "prix de nunucherie" à Aubry sur le care... avant qu'il ne finisse par s'excuser en reconnaissant en gros son incompétence sur le sujet (il serait bon qu'il la reconnaisse ailleurs, mais passons). Les militants réfléchissent aussi, et notamment sur la prostitution, tout simplement parce qu'ils sont un peu plus que des militants: des gens qui lisent, qui s'informent, qui se posent des questions, des gens comme toi, quoi. Personnellement, je me pose beaucoup de questions sur la prostitution, étant sensible à l'argument économique autant qu'au fait qu'il faut entendre toutes les parties dans le débat. Mais je ne traite personne de con, et je n'évoque pas des manifestations auxquelles je ne me suis pas rendue, dans lesquelles les débats ont été houleux et où les conditions économiques ont été amplement évoquées.
Parlant de réflexion, j'ai vraiment du sens à saisir la tienne: tu es réglementariste? Il faut l'écrire dans ce cas-là noir sur blanc, et assumer tout ce que ça implique: faire du proxénète un entrepreneur, envisager des formations adaptées, et mettre Pôle Emploi sur le coup pour caser les chômeuses récalcitrantes. Bref, le bordel comme nouvelle filière de recrutement quoi! En ces temps de crise, c'est une solution à envisager...
C'est au nom du pragmatisme que tu trouves la revendication abolitionniste inepte? Alors pourquoi dans ce cas reprocher aux socialistes ce pragmatisme? Bref, je n'ai sincèrement pas tout compris.
Puisque tu apprécies la prose de Mona Chollet (qui est certes féministe, mais aussi journaliste: cela devrait constituer un talisman suffisant), voici un article très éclairant qu'elle a commis sur le sujet: http://www.peripheries.net/article216.html. 50 000 signes: de quoi faire le tour du sujet, d'autant que son auteure a elle aussi été sensible dans un premier temps à l'argument économique et au statut des assos type STRASS dans le débat. Petit extrait en guise de hors-d'oeuvre: "Le déficit de réflexion est particulièrement frappant chez les antilibéraux, toujours prompts à dénoncer la « marchandisation » et à refuser la résignation avec force rodomontades, mais qui, quand il s’agit du corps des femmes, se montrent soudain remarquablement réticents et fatalistes, et répliquent par une litanie de lieux communs, à commencer par le refrain du « plus vieux métier du monde », qui suscite immédiatement dans les esprits l’image de la femme de Cro-Magnon prenant des poses aguicheuses sur le seuil de sa caverne de passe, harnachée de ses jarretelles en boyau d’aurochs."
Enfin, j'ajoute:
1/ que les féministes ne sont pas toutes socialistes, loin de là. Je pourrais ajouter l'équivalent: que les socialistes ne sont pas franchement féministes, mais je pense que c'est inutile. Aux dernières nouvelles, Valls n'envisagerait même pas de mettre en place des statistiques lisibles sur les violences de genre; alors pourquoi irait-il se mouiller sur la prostitution?
2/ La faute aux méchants riches qui se tapent des "escort-girls" (c'est beaucoup plus classe que de dire "putes")? Ben non: si rien n'est fait, c'est que dans leur grande majorité, les Français s'en foutent, et s'accommoderaient volontiers de la réouverture des "maisons closes": on les appellerait des "Centres Eros", c'est beaucoup plus classe que "bordel". À noter que la France est officiellement abolitionniste depuis des années: réclamer l'abolition, c'est réclamer la mise en conformité des actes avec les principes affirmés.
3/ Une simple lecture du texte de sortie des Rencontres permet de remarquer que l'abolition de la prostitution n'a pas été définie comme priorité par les FEM, pour la simple et bonne raison que dans ce collectif d'assos, le seul Planning familial se positionne en réglementariste. Comme quoi le débat existe, il est d'ailleurs assez violent. Dire que toutes les féministes sont pour l'abolition de la prostitution est donc une ineptie aussi. À bon entendeur...

Écrit par : Josse | 11/07/2012

ZUT. J'ai oublié l'important, même si on peut le déduire de la fin de mon post: ce n'était pas l'université d'été d'Osez le féminisme, mais les Rencontres d'été des Féministes en mouvement (FEM). Un collectif de 45 assos, donc, parmi lesquelles le Planning, et Osez le féminisme. Tout est là: http://www.feministesenmouvements.fr/
Rendez-vous a été donné pour l'an prochain. You're welcome, of course!

Écrit par : Josse | 11/07/2012

Oups ! J'en ai encore rajouté une tartine qui s'est peut-être perdu dans le cyberespace... Ce n'était pas l'université d'été d'Osez le féminisme (qui n'a jamais existé: tout au plus une AG il y a un mois), mais les Rencontres d'été des Féministes en mouvement, collectif de 45 assos, parmi lesquelles OLF et le Planning, donc.
Tout est ici: http://www.feministesenmouvements.fr/
Rendez-vous a été donné pour l'an prochain. Prends date...

Écrit par : Josse | 11/07/2012

Bien noté ! Quelle verve, je ne suis pas règlementariste mais pour des peines beaucoup plus lourdes financières et judiciaires pour les proxénètes et que celles et ceux qui se prostituent payent des impôts. Voui... Bises camarade

Écrit par : Castor | 11/07/2012

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