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27/07/2013

Freedom, ô Freedom

Le mot de Jules Renard est connu, "si l'argent ne fait pas le bonheur, rendez-le". Hier, à déjeuner, j'ai cotoyé quelqu'un qui l'a fait et a l'air plus radieuse que je ne l'ai jamais vu. C'était à San Francisco dans un vaste restaurant végétarien avec une immense baie vitrée donnant sur la baie portuaire. Somptueux et surprenament bon pour une cuisine sans viande.

Nous nous sommes retrouvés après des années grâce à Facebook qui te permet de réaliser le rêve de Patrick Bruel : étalez dix ans sur table comme on étale ses lettres au Scrabble (si vous connaissez le parolier...). En quelques clics, on voit l'univers et on se rappelle. Il y a un peu plus de 20 ans, j'étais avec elle en 5ème. Un calvaire pour tous. Elle était première, mais ne semblait pas faite pour cela. On entendait presque la peur du martinet dans ses réponses de par coeur à des matières comme les maths, la physique ou la bio. La contrainte fonctionnait à plein, mais l'adolescente aurait sans doute préféré d'autres choses. Choisir des options plus futiles. Pas possible. Moi j'étais prisonnier d'un physique pas en accord avec mon bulletin de notes. Plus petit de la classe, coupe à le beatle, je me devais de devancer la première. Et s'il y a une extrémité du classement que je tutoyais c'était bien l'autre... Un cancre et pour six longues années à suivre encore. Suscitant toujours l'incrédulité de ceux qui faisaient du délit de bonne gueule me pensant bon élève. Hélas, je n'avais pas le pédigree de rebel qui est cancre pour une raison, car il est dur ou a un destin à la Dickens. Ce qui m'aurait valu force estime. Non, j'étais un cancre parce que résolument infoutu de travailler et ne trouvant de l'intérêt dans l'existence que dans des choses peu valorisées au sein de l'institution scolaire (apprendre à reconnaître les morceaux de musique en moins de trois secondes, accumuler des connaissances encyclopédiques sur tous les sports. Ma connaissance de la géographie américaine atteignait des sommets grâce à la NBA. Ou encore imaginer 10 000 moyens de ne pas travailler).

Aussi, il y a 20 ans, nous voulions tous les deux une forme de liberté et j'en étais bien plus proche qu'elle. Il me suffirait d'en finir avec ce long lycée et je finirais bien par me réaliser. C'est d'ailleurs ce qui s'est produit. Mon bac en poche, je pouvais enfin respirer. Pour elle ce fut plus compliqué. Si je suis franchement privilégié de naissance elle était dans des stratosphères inimaginables. Non seulement l'argent n'était pas un problème, mais à ce stade, vous ne savez plus ce que vous avez. Si ce n'est que pour amasser cela, il fallut beaucoup de ténacité et impensable pour la mère de cette amie que sa descendance s'adonne à quelque frivolité ou tocade. Il fallait oeuvrer avec elle pour faire croître l'Empire. Avec elle ou contre elle. Or, mon amie voulait chanter. Juste chanter. Impensable.

Il a fallu un Gimini Circket à canapé, beaucoup de ténacité et une audace folle, mais nous nous sommes retrouvés à San Francisco où elle me présentait celui qu'elle va épouser. Comme elle, il est une aberration sociologique (un érudit fou de la France pour ses livres et son vin, issu d'une famille où l'on aime le base ball et où la qualité de la gastronomie se mesure en protéines). Ils rayonnent quand ils sont côte à côte, un luxe indispensable dans cette ville brumeuse où ils emménagent dans une masure de Mimi Pinson. Mais la leur. Trouvé sans les subsides de l'Empire. Mon amie lui a tourné le dos ainsi qu'aux faramineux émoluments qui vont avec. Cher Jules Renard, elle a rendu l'argent et rayonne plus que jamais. Je n'en ferais pas une morale de vie à tous les coups, mais là il n'y a pas photo.

24/07/2013

La lutte des classes n'aura pas lieu, aux US

Je me suis senti obligé de rajouter une virgule, pour l'espérance. Et puis parce qu'elle est si vivace en Amérique du Sud qu'on ne peut pas dire qu'elle ne fonctionnera pas. En France elle patine depuis un bout de temps mais on ne peut pas dire qu'elle ne hante pas l'histoire et que notre droit social, nos congés payés, notre scolarisation et système de santé gratuit n'en soient pas les marques les plus saillantes. Aux US, en revanche, ce concept semble plus feutré. Les inégalités y sont plus fortes que chez nous, mais une certaine résignation peuple les rues, un fatalisme mâtiné de servitude. Avec des tensions fortes de façon épisodique, mais globalement ça tient.

Dans les années 60, lorsque la jeunesse occidentale gueulait, les Etats-Unis n'ont pas été épargné. Mais ils ont acheté leur paix civile avec le Civil Rights Acts et l'Affirmative Action. C'est à dire une politique de quotas permettant, historiquement, de réserver certaines entrées à la fac ou certains postes à des minorités visibles. Avec le temps, le processus s'est étendu aux latinos et autres et un certain nombre de dispositifs similaires ont essaimé dans les nominations hommes/femmes dans la sphère professionnelle. Résultat : chacun se considère comme un individu. La conscience de Genre est bien plus forte que chez nous. De couleur aussi, de religion, sans doute. Tout se compose dans un vaste puzzle et il faut que votre pièce soit demandé pour espérer avoir une chance de trouver votre place. Si l'on peut comprendre les fondements immédiats de cette politique réparatrice, il n'en demeure pas moins que la discrimination positive est la politique de ceux qui ont renoncé à réduire les inégalités. Ca donne des résultats spectaculaires pour un tout petit nombre et permet d'avoir Obama, Winfrey ou Condoleeza Rice, mais globalement, les inégalités de revenus, d'accès aux soins à l'éducation ou à l'emploi n'ont jamais diminué, fort au contraire...

Pour ceux qui appartiennent aux catégories de pièces les plus fréquemement employées, cela lasse. Ainsi,un homme blanc parfaitement intelligent nous a dit sans plaisanter "qu'il était compliqué de faire carrière en étant banc" sous entendu que sa nomination passerait toujours après celles obligées de femmes ou de minorités. Passons. Dans le contexte, ça peut s'entendre. En France, ce serait plus discutable. J'en profite pour signaler le texte le plus hilarant de bêtise, une tribune de l'ineffable Laurent Bouvet avec deux autres collègues testostéronnées intiulées : "nous les trentenaires sacrifiés su l'autel de la diversité" où ils expliquent en gros qu'ils ne seront pas députés puis ministres parce que l'impératif de l'air du temps impose des femmes et des arabes. Il n'y a d'ailleurs que voir l'Assemblée pour s'en persuader... L'idée que leur nullité politique alliée à une intelligence discrète les ai éconduit des processus de nomination ne semble pas avoir effleuré nos hétéros beaufs. Revenons aux US

De passage par la Nappa Valley pour aller voir si leurs vins sont si bons qu'on le dit (ils le sont mais ils ne se mouchent pas du coude sur les prix), nous voyons bien dans ce havre de prospérité que toutes les tables sont peuplées de blancs. Des hommes et femmes de couleur on en voit : chez les serveurs, ceux qui vident les poubelles, travaillent dans les vignes ou tondent les pelouses par 40°. Pour être allé chercher mes journaux à 6H30 dans le même café que les éboueurs du 14ème, je puis attester que l'uniformité de couleur n'y existait pas. On peut se flageler jusqu'à après demain, mais nous ne sommes pas aussi brutaux que les américains.

L'explosion de violence à Trappes montre les résultats d'une politique de ségrégation territoriale mais aussi paradoxalement les limites d'un Etat Providence suffisament généreux pour permettre aux classes opprimées de s'en rendre compte : aux US, sans aucune protection (ou presque) de l'Etat, les humbles souquent plus que de raison sans avoir le temps de penser à se révolter. Pour le grand basculement, ne comptez pas sur les States. La lutte des classes arrêterait le business qu'ici rien n'arrête, pas même Chuck Norris.

22/07/2013

Carte postale de Santa Cruz

Je sais bien que Paris, Roubaix, la Baule et Marseille ont de sensibles différences. Mais il n'est pas sérieux d'envisager la France comme une terre de contrastes lorsque l'on s'est rendu une seule fois aux Etats-Unis. C'est juridiquement le même pays qui abrite un Etat comme la Floride, où l'on peut tirer les noirs comme des lapins, les abattre et ne pas passer par la case prison au nom de la soi-disant "légitime défense" et aller à la rencontre d'une ville universitaire comme Santa Cruz, où les électeurs de Mélenchon seraient mal vus, car ici, on aime pas les gens de droite... 

Je ne sais pas si je me serai arrêté à Santa Cruz si nous n'avions pas reçu une charmante invitation pour notre remontée de la côte californienne, de L.A. à San Francisco. Peut être m'aurait-on conseillé Monterrey, même s'il n'y a rien à faire dans cette ville à part goûter de délicieux suhis et se faire couper lescheveux pour constater que vraiment, partout dans le monde, les coiffeurs aiment parler météo... Bref, nous sommes arrivés à Santa Cruz pour quelques jours et je suis vraiment heureux d'avoir fait cette escale. Sans doute la réussite de l'étape tient dans la qualité de nos hôtes; nous sommes hébergés par un prof de la fac et sa femme. Un couple de puits de science établis dans la région depuis longtemps. Et ils aiment assurer le narratif de la ville.

Le point de départ ne manque pas d'intérêt: dans les années 60, Santa Cruz est une petite ville côtière, connue surtout pour son parc d'attraction et qui vote majoritairement Républicain. Lorsque la décision est prise d'installer un campus expérimental, d'intenses discussions sont entamées pour savoir si les étudiants auront le droit de voter là, ou s'ils devront voter dans leur lieu de résidence principale. Panique dans les rangs des conservateurs à l'idée de laisser le droit de vote à ces hippies... Qui traînent l'affaire devant la justice et obtiennent gain de cause... Depuis lors, la ville vit très à gauche, très très à gauche et les derniers républicains sont morts ou en partance.

Concrètement, cela se traduit par l'installation d'une grande ferme bio sur le campus, avec de nombreux apprentis. Mais pour aller au-delà de l'étape bobo, une partie des fonds de la ferme va à des programmes d'éducation et d'accès à une nouttiture saine pour les populations les plus populaires de la région, majoritairement latinos. La fac n'est évidemment pas exempte d'égalitrisme en gardant des frais d'inscription en dessous de la moyenne des bonnes facs (compter 13 000$ par an quand même) mais surtout en augementant sensiblement le nombre de bourses et systèmes dérogatoires pour obtenir la gratuité des études. Enfin, les habitants du quartier pratiquent une démocratie particiipative plus active que dans la plupart des comtés du coin. Dans notre cas, nous avons poussé le vice écolo jusqu'à vivre chez des gens dont les panneaux solaires sur le toit les fournissent en énérgie et alimentent une bonne partie du voisinage... Dernier point notable, la ville est pensée de sorte que le vélo ait sa place et que la voiture ne soit pas une nécessité absolue au quotidien. Ca laisse vraiment songeur de se dire que ce havre de paix se trouve dans le même pays que la mecque du mauvais goût qu'est Miami...

Enfin, pour achever la carte postale idyllique, je me suis rendu à l'aube, quand la brume envahit encore toute la baie, sur la piste d'athlétisme de la fac. Un régal pour les genoux et les athlètes en général. Et pour les yeux, j'avais sur la pelouse au milieu, le choix entre le ridicule des chorégraphies des cheerleaders du coin et le ravissement des nombreux faons venus paître tranquille.

Peu indiqué sur les guides, la ville vaut à mon sens vraiment le détour ; d'autant qu'elle abrite une impressionnante libriairie où l'on trouve du Marie n'Diaiye. Et juste à côté, une boutique avec du bon café : franchement, que demande le peuple ?