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30/01/2021

Y a commun manque

Dans un débat sur l'avancée de la recherche vaccinale, l'économiste Nathalie Coutinet de rappeler que les brevets sur les médicaments sont une invention de 1960. Auparavant, c'étaient des biens communs et on ne lésinait pas sur la recherche pour autant. On a trouvé des tas de nouveaux médicaments, des tas de nouveaux traitements, des nouveaux vaccins, le tout sans enrichir plus que de raison des labos qui n'étaient pas à plaindre pour autant, puisqu'ils vendaient leurs découvertes quand même. Ce simple rappel est une gigantesque gifle, un KO technique et absolu à toute la rhétorique de big pharma justifiant leurs marges indécentes, leurs profits colossaux et les salaires en millions d'euros des dirigeants de ces boîtes. Rien ne justifie ça. Gagner des millions n'est jamais justifiable, mais c'est bien plus révoltant quand on oeuvre pour la santé plutôt que pour des sacs, des voitures et autres biens superfétatoires...  

Aussi, les arguments égoïstes de Pfizer et les autres ne tiennent pas, mais alors pas une seconde. D'ailleurs, le silence d'anges suspendus qui s'en suivit fut celui de la honte devant l'abandon des Communs. Face à elle, le dirigeant de Truffle company et fondateur de biotech voyait tous ses arguments sur "le coût de l'innovation" tomber... Sanofi est la 2ème entreprise du CAC qui reverse le plus de dividendes aux actionnaires, derrière Total et loin devant BNP Paribas. Les profits massifs ne profitent pas à la recherche, à l'innovation, ni même à l'emploi. Uniquement aux actionnaires. Les producteurs de biens communs sont plus rapaces que les banquiers privés...

Dire qu'il suffirait que Pfizer, Astrazeneca et consorts abandonnent leurs brevets pour que les usines des autres labos tournent à plein régime et permettent de passer la surmultiplié et de vacciner toutes celles et tous ceux qui le veulent. Ils ont quoi aujourd'hui ? 20% de marge, et bah ça se rachète ou ça se rackette. La disparition de Jack Ma en Chine a rappelé qui domine le rapport de force entre politique et privé. Non que ça soit un modèle de société, évidemment, que cette violentisation des rapports, mais on se pince tout de même face à l'angélisme et l'apathie de dirigeants politiques face aux caprices de labos avares et âpres au gain devant le hold up du millénaire. Sans aller jusqu'à envoyer l'armée récupérer les brevets dans les coffres forts des labos, on pourrait imaginer une compensation, un remboursement du minimum mémorandum de ce qui a été investi dans la recherche et hop, abandon des brevets.

Encore une fois, jusqu'à 1960, ça n'existait pas. Ça n'est pas une folle utopie, une illumination baba cool, mais le petit minimum a exiger en temps de guerre sanitaire... Nous avons les inconvénients de dirigeants de plus en plus autoritaires et même pas les avantages. 

28/01/2021

Innovation partout, progrès nulle part

Face aux pandémies, a-t-on tellement progressé depuis sept siècles ? L'espèce humaine a bien évidemment réalisé des progrès colossaux depuis que Boccace écrivit son "Décaméron", mais force est de constater qu'on gère la Covid 19 presque comme nos ancêtres affrontaient la peste : en nous confinant. Et dans le cas du XIVème siècle, ils faisaient face à une maladie autrement plus létale, autrement plus dangereuse et ils n'avaient pas encore découvert l'aspirine, l'acmé de la médecine, c'était les décoctions d'herbes ou une saignée. Dès lors, on comprend bien qu'ils restèrent chez eux. Au XIVème comme aujourd'hui, faire face aux pandémies est foncièrement inégalitaire : les bourgeois peuvent rester chez eux, dans de grands chez eux, et travailler de chez eux, quand les plus démunis vont aux champs dans un cas, où vont des champs aux rayons des supermarchés.  

Je m'étonne tout de même grandement que cette remise en perspective ne soit pas plus souvent établie. On a beaucoup progressé sur l'évaluation du nombre de contaminations, qui sont connues "en temps réel", territoire par territoire, les clusters sont identifiés, les chaînes de contaminations tracées, là il y a le progrès. Bien sûr que la situation sanitaire se dégrade, à cette aune. 27 000 cas de Covid c'est plus que 20 000 cas donc assurément, cela se dégrade. Mais je m'étonne tout de même qu'on nous explique que "le troisième confinement est inéluctable". Inéluctable, impossible de faire autrement, circulez, y a rien à voir.

Avant que la Covid ne nous enferme, on parlait beaucoup innovations : on investissait des milliards pour des distributeurs de croquettes pour chiens à reconnaissance faciale (véridique), pour des préservatifs connectés permettant de renseigner les performances utilisateurs, pour permettre à l'homme de jouer au golf sur la lune. Au CES de Las Vegas, on causait taxis volants qui supprimeront à jamais les bouchons sur la route, certaines boîtes de séquençage génétique promettaient l'éradication des cancers et bien sûr, Ray Kurzweil et ses amis continuent à investir plusieurs dizaines de milliards pour nous rendre immortels. Notre capacité à innover est vraiment sans limite... Notre capacité à progresser en arrêtant de polluer, de réchauffer, de manger mieux et de nourrir les 800 millions de personnes qui ont faim malgré notre surproduction agricole, elle, est toujours faible... Innovation partout, progrès nulle part, en somme.

Nous faisons face à une zoonose, comme 60 à 70% des maladies qui touchent l'homme depuis la nuit des temps. Coup de pot, elle est bien moins violente ou létale qu'Ebola, pas de bol, c'est la plus contagieuse que l'ont ait connu depuis des décennies. C'est la seule spécificité vraiment pénible de la Covid, elle est très très contagieuse. Rappelons que la grippe espagnole a infecté 600 millions de personnes en deux ans, à une époque où la mobilité était bien inférieure et la population mondiale de deux milliards d'humains. Soit un tiers de la planète. En un an, nous sommes à 100 millions sur 7 milliards, soit à peine 2%... Nous mettons tous nos moyens pour prolonger des vies, plus que pour en sauver, ça constitue à l'évidence une innovation, mais pas un progrès. Passé la sidération de mars 2020 lors duquel tout le monde dupliqua le modèle d'une dictature les plus répressive au monde, on pourrait tout de même attendre plus de débats, plus de concertations dans les démocraties. Mais là encore, on innove avec des attestations de sortie, des dérogations, désormais un passeport vaccinal, mais on ne progresse pas dans notre capacité à vivre avec ce virus. Il y a peu, Arnaud Desclaux, médecin au service des maladies infectieuses du CHU de Bordeaux qui a traité les premiers patients du Covid il y a un an, s'exprimait "à l'évidence contre le 3ème confinement". Et lui de poursuivre : "confiner, c'est capituler face au virus. Il ne sera pas parti dans un mois, ni dans six. Il faut sortir de la pensée magique vaccinale ou autre. Il faut continuer à chercher des traitements, continuer à être prudents, mais il faut tout ouvrir, même s'il y a des risques, car chaque fermeture est une capitulation face au Covid". Je n'aurais pas dit mieux. Le confinement est la plus navrante, la plus désespérante défaite de nos imaginaires de progrès.

13/01/2021

Elon Musk, l'Algérie et le Qatar

L'Algérie et ses 43 millions d'habitants, ses puits de gaz et de pétrole ont un PIB de 180 milliards $. Le Qatar, et ses 2,8 millions d'habitants (j'imagine que les esclaves des chantiers de stade de foot ne sont pas comptabilisés) et ses gigantesques réserves pétrolières, ont un PIB de 192 milliards $. Elon Musk tout seul a donc une fortune légèrement supérieur à l'Algérie, tout juste en dessous du Qatar. 

Lors de la publication du dernier classement Forbes, sorte de Dadzibao néolibéral, Elon Musk détrône Jeff Bezos. Plus personne ne prend pas la peine de pester contre le concept de milliardaire, c'est has been. On préfère commenter le PMU (patrimoine mondial usurpé) en espérant que Bernard Arnault, casaque jaune, parvienne à remonter son retard et devienne l'homme le plus riche du monde, ce qui aurait de la gueule pour une grande nation déchue. 

Au fond, quarantaine années de dérégulation et d'explosions des fortunes des milliardaires, fortunes express reposant sur le pillage des ressources naturelles, le dumping social et la fraude fiscale, ont fini par nous mithridatiser à l'indécence. Quarantaine années de propagande en faveur des "entrepreneurs" qui "prennent des risques" et "créent de la richesse" font que l'on interroge plus les chiffres, les ordres de grandeur. Il gagne 10 fois plus que ses salarié.es ? Il les vaut ! 100 fois plus ? C'est le marché ! 10 000 fois plus ? C'est le meilleur !

Parfois, quand même, une voix très médiatique arrive à rappeler les chiffres et dire qu'il faut se détendre d'urgence et reprendre ce qu'ils ont volé pour le rendre aux États. Qu'on ne peut plus avoir des types assis sur de tels stocks quand les hôpitaux et les écoles manquent cruellement... Ainsi, quand Thomas Piketty venait défendre les thèses d’un partage plus juste au micro de France Inter, Léa Salamé lui rétorqua : « Finalement, vous voulez éradiquer les riches, c’est cela ? N’est-ce pas un peu une idéologie liberticide?»  

La propagande des nababs n'a pas de limite. Pour Musk, on nous dit que l'homme aux 190 milliards "ne possède rien", ni maison ni rien, il ne rêve que de mars. Un gosse, quoi ! Tu parles... La fortune de Musk repose sur la bulle de valorisation de Tesla, qui vaut plus que les 8 plus gros constructeurs au monde, alors qu'il se vend fort peu de Tesla, qui restent hors de prix. Le truc le plus rentable, c'est les crédits CO2, qui leur ont permis de gagner 3 milliards depuis 2012. On ne prête qu'aux riches, y compris des intentions écologiques. Mais Tesla reste l'histoire la mieux empaquetée récemment : pas de cerveaux réduits par les écrans, pas de flicage de nos vies intimes, non, la voiture rêvée au XXème siècle et qui ne polluerait pas (on reparlera de ses batteries une autre fois, pour ne pas gâcher la fête). Avec cette histoire, il a bâti une fortune valant celle de l'Algérie.

Les autres nababs possèdent, eux, ils ont la dépense ostentatoire. Quand Bezos a divorcé, il s'est acheté un château à Los Angeles pour 165 millions $. Un montant suffisant pour loger pour des années des dizaines de milliers de SDF, mais non, un château. Xavier Niel, quand il promène des invités en voiture, aime à montrer des immeubles à Paris en disant "ça m'appartient". Comme des sales gosses du Monopoly. Contrairement au célèbre jeu de société, ils ne vont pas en prison sans passer par la case départ et ses 20 000 francs, il vont à la case milliards de dollars sans jamais passer par la case prison.

Le seul pays qui a su mettre un milliardaire vraiment à l'arrêt, c'est la Chine qui apprend à Jack Ma à ne pas se moquer du régime quelque part loin des écrans radars. Je n'irai pas pleurer sur son sort, je garde mes larmes pour les 3 millions de Ouighours enfermés, stérilisés, violées, esclavagisés. Pour faire disparaître les milliardaires, on peut se contenter de faire disparaître leurs excès et de les rendre aux pots communs.