12/05/2010
On veut de la bamboche à la cantoche !
Avant de divaguer sur Freud, Onfray a écrit un excellent opuscule sur "le ventre des philosophes". Le Jedi noir de la psychanalyse rappelait avec humour (à l'époque...) et justesse de vue qu'on peut filer sur le thème "dis moi ce que tu manges, je te dirais qui tu es". Desproges en faisait sa règle absolue, expliquant qu'il ne cherchait pas à séduire outre mesure sa commensale d'un soir, si elle renâclait devant une saucisse de Morteau, oracle d'une nuit d'une tristesse infinie...
Personnellement, j'y crois très fortement, je me lancerai dans une introspection un de ces jours pour voir ce qui se passe quand la base de votre alimentation est composée de tartare frites et de vin rouge; une tendance Hannibal Lecter ?
Ensuite, viens la question du lieu où l'on mange. Laissons de côté les appartements et les restaurants, trop inégalitaires, et attardons nous un instant sur cette immense conquête démocratique, où le P.D.G. peut côtoyer la stagiaire de la compta: la cantine. C'est un enjeu d'épanouissement majeur délaissé par les DRH, mais la bamboche à la cantoche serait pourtant un axe fort de développement.
Pensez-y. Les mômes ont horreur de la cantine, alors que devenus adultes et pour les plus chanceux, salariés, ils s'y pressent. Je n'ose croire que c'est uniquement parce que c'est moins cher; non, c'est aussi parce que pour un instant, pour un instant seulement, vous pouvez décloisonner la hiérarchie de votre boîte.
A la cantine de la sécu, pour peu que vous acceptiez de déjeuner en sous-sol, éclairé au néon en bouffant des maquereaux tièdes trempant dans une sauce jaune fluo, vous pouviez croiser plusieurs hiérarques du public, trop heureux de montrer leur côté peuple. A Canal +, là aussi, on croise les stars, mais c'est uniquement parce que le siège est au milieu de nulle part et les stars ont un emploi du temps compté. On y croise 100% de gens bronzés, minces, beaux et modes qui boivent le coca zéro, les légumes bio et light que proposent la cantine. M'est avis qu'ils sont tous sous Prozac mais n'osent pas se l'avouer, il faudrait briser le tabou de leur malheur contenu; peut être le recrutement de Didier Lombard comme DRH les aiderait... Je me souviens aussi de boîte d'édition néerlandaise où l'on pouvait observer le placement tribal, les parades nuptiales des mecs du commercial vers les filles du marketing... Je crois qu'après Caméra Café, les scénaristes français devraient envisager Caméra Cantoche...
Impression confirmée hier par mes agapes à la cantoche du Quai Branly. Il y avait foule et pour cause, le musée Chirac est plus isolé que l'homme politique et les trois cafés environnants n'ont pas du entendre parler de la baisse de la TVA... Deuxième constat, alors que le Musée est un puits de lumière enfoui dans une végétation luxuriante, l'imbécile qui a conçu la cantine l'a faite en rouge et noir; idée plus Jeanne Mas que Stendhal, les deux couleurs absorbent la luminosité et du coup la chaleur naturelle disparaît. Niveau bouffe, la gaudriole n'est pas au rendez-vous non plus; du bio ratiociné, du légume bouillie et les frites et le vin mis en retrait, on vous poussera au contraire à vous délecter d'un steak de soja. Du coup, à part à ma table parce que bon, faut pas déconner, la neurasthénie s'installe, les rires s'étiolent et du coup l'esprit de sérieux reprend la main et renvoi rapidement les employés au turbin. Dans une pure logique productiviste, c'est bien vu, mais je me permets tout de même de trouver chagrin de ne pas refaire de la Bombance déjeunatoire un vrai enjeu de l'entreprise, ça guérirait sans doute bien des stress, bien du mal être au travail...
Demain, nous nous demanderons pourquoi la revue Bordel continue à se proclamer littéraire alors qu'elle fait ses lancements dans des bars de l'étoile où les joueurs de foot doivent avoir leur habitudes...
11:58 | Lien permanent | Commentaires (2)
10/05/2010
Le secteur social, employeur antisocial
On s'y perd un peu, là, entre les caisses vides, plus que vides, et hocus pocus, on trouve 750 milliards pour sauver quoi ? Le château de cartes de dettes publiques ? Je suis pas rendu à la retraite, moi, je vous le dis... Il paraît qu'à midi, le CAC repartait en hausse de 8%, alléluia ma foi.
Alors, évidemment, par rapport à ces sommes faramineuses et aux mirobolants contrats publicitaires en péril au moment de la coup du monde du fait des moeurs dissolues des frenchies; oui, comparé à tout ça, qu'est-ce que 417 euros ? 417 euros, c'est la petite avancée obtenue par les stagiaires invisibles qui cachaient leur honte et leur trouille derrière des masques blancs pendant les manifs du CPE où la jeunesse stigmatisée s'était réveillée. Depuis 2006, autant dire hier, les employeurs étaient obligés de donner 417 euros mensuels aux stagiaires restant plus de trois mois. Et la semaine dernière, tranquille le chat, les sénateurs biffent cette "contrainte" pour le secteur social, soit tout de même 30 000 motivés. Là, vous vous dites: soit ils ont déjeuné avec Boorlo juste avant et ils se sont gourés de bouton soit c'est vraiment des enc ... Vous n'y êtes pas, ça part d'un bon sentiment et d'ailleurs ils l'avancent avec une bonne foi digne de Rocco Sifredi (le rapport ? Plus c'est gros, plus ça passe. Désolé...) : la "gratification" de 417 euros est un frein à l'obtention de stages donc, pour fluidifier le secteur et pour aider les petits jeunes, on leur ôte ce boulot pécuniaire... Et Rocco a gagné, c'est passé comme une lettre à la poste.
En début d'année, grève au Samu Social qui emploi des vacataires à outrance, reniant, rongeant toutes les avancées dues aux autres travailleurs. Une autre à suivi dans un centre Emmaüs et des copains dirigeants d'instances sociales me confiaient leurs inquiétude de se retrouver exposés à pareils mouvements tant ils n'ont pas les marges budgétaires suffisantes pour payer correctement leurs salariés. Je ne connais pas les autres cas, mais concernant mes copains, je les sais désolé et sincères quand ils n'arrivent pas à obtenir les crédits nécessaires.
Après la logique "de toute façon, les chômeurs c'est rien que des mecs qui veulent pas bosser" qu'on entonne joyeusement dans les couloirs du MEDEF, voilà la logique "de toute façon, ils sont dans le social, c'est pas pour se vautrer dans la soie" ; sous prétexte que vous acceptez d'aider les autres, on vous impose des horaires, salaires et autres que personne d'autres n'accepterait... En plus, niveau dévouement, leurs fonctions pousse toujours les travailleurs sociaux à dépasser leur quota d'heures, de dossiers et autres. Un employé de banque peut fermer le rideau à 17h pour aller profiter de l'happy hour sans mauvaise conscience quand un responsable d'écoute rechignera à partir à 16H59 face à quelqu'un lui disant "si je peux pas vous parler, je me fous en l'air", difficile, alors, de lui demander de revenir le lendemain...
Pourtant, à l'heure de mesurer le PIB, le PNB et autres B, on tient assez peu compte de l'utilité social... J'ai lu récemment que pour remonter le moral des pauvres hères opprimés, on comptait leur dire qu'ils avaient un BNB supérieur, "bonheur national bruts", mais peut on être heureux au seul motif qu'on fait le bien au point de se faire du mal et le tout pour pas une thune avec une considération sociale souvent inférieure à celle de Zahia, qui, elle n'a pas de problèmes de fins de mois...
Aussi, les sénateurs qui ont raboté 417 euros peuvent être fiers d'eux, ils auront peut être réussi à écoeurer un peu plus ceux qui acceptent cet apostolat du social...
Demain, nous irons voir "l'amour c'est mieux à deux", un titre aussi con fait forcément un film moins mauvais...
14:06 | Lien permanent | Commentaires (4)
09/05/2010
Foule continentale...
Aujourd'hui, 9 mai, 60 ans de la déclaration Schuman. Vous étiez pas au courant ? Normal, personne n'en parle. Le 8 mai, fin de la guerre en Europe (oublions pas que les japonais ont encore eu le temps d'en prendre deux sur la gueule, notamment la seconde après qu'ils avaient déjà capitulé...) 11 novembre, on commémore des poilus tous disparus. Pourtant, pour ces non-événements, à chaque fois, les J.T. jouent le jeu. Idem pour les publi-reportages pour la fête des mères (merci Pétain) des pères (merci Gilette Mach 3) ou des grands mères (café, Polydent....) là encore, on relaye. Mais pour l'Europe, que pouic.
Dans le contexte actuel, ça donne des envies de détourner le génial Souchon pour faire quelque chose comme
Foule continentale, il faut voir comme on nous parle d'Europe,
On a soif d'idéal, attirée par les étoiles qu'on floque
Que des choses pas commerciales, des fables d'Esope
Aïe, on nous fait croire que le bonheur c'est d'avoir de la croissance
De la croissance plein nos City
Dérisions des peuples dérisoires
On nous Jean-Claude Trichet
On nous Angela Merkel
Oh le mal qu'ils peuvent nous faire
Et qui ravage pères et mères,
Du ciel dévale
Un rêve qui nous emballe
Pour demain nos enfants bigarrés
Un mieux, un rêve, un projet...
Souchon ne composera pas ça, l'idée de l'Europe ne fait pas frémir grand monde chez les artistes. Depuis que des maîtres comme Hugo ont fantasmé sur l'idée, bernique. Le fantasme était bandant, la réalité trop déceptive alors on la laisse à Baverez, Trichet et Junker. Triste France peut être, mais triste Europe ce matin sans doute. 162 ans après le printemps des peuples, on a un printemps des people qui n'ont à vendre qu'une cure d'austérité avec une pointe de désolation pour les premiers morts des émeutes. 60 ans après la déclaration Schuman, il y aura une déclaration Sarko/Merkel, pas dit qu'elle soulève les mêmes espérances.
Demain, nous innoverons avec un cake aux petits pois à la feta et aux tomates confites, parce que l'Europe culinaire est plus digeste que la cuisine financière...
09:46 | Lien permanent | Commentaires (4)