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16/05/2011

Woody sera toujours Woody

minuit-paris-31164682b.jpgLe choix du film du dimanche soir dépend du contexte. Après une après-midi passée à potasser des conneries en prévision d'une semaine chargée à venir, la possibilité de voir Tomboy s'éloignait. J'y retournerai à coup sûr (promis, Cécile) mais pour achever la semaine, je voulais quelque chose de léger, de souriant. Gagné.

D'emblée, pas de fausses promesses: ce n'est pas un chef d'oeuvre, ça ne vaut ni Manhattan, ni Zellig, ni Match Point entre autres. Mais ça se déguste joyeusement. Un peu comme les touristes se gobergent des clichés parisiens, Allen force le trait avec les clichés du Paris de l'entre deux guerres. Il surjoue tellement le côté "belle époque avec un génie à chaque rue" que cela devient un joyeux n'importe quoi, prétexte à quelques sidérants numéros d'acteur (Adrian Brody prodigieux en Dali).

Sur le casting lui même, jetons un voile pudique sur Marion Cotillard, même un génie comme Woody Allen ne peut pas en faire une bonne actrice, mais disons qu'elle ne gâche rien. Sur la première dame, pas grand chose à dire, ni bonne, ni mauvaise, fade et effacée comme sa voix. En revanche, quelle idée de génie pour pouvoir tourner partout à Paris, se faire accorder tous les lieux à toute heure... Sur les seconds rôles, le beau père Républicain d'Owen Wilson est de toute beauté et Gad Elmaleh aussi fin qu'il est politiquement grotesque quand il défend le bouclier fiscal.

Et puis, et puis il y a Owen Wilson. Allen a toujours une trouvaille pour ses premiers rôle; là il prend un physique de jeune premier à qui il donne les fringues de Woody Allen en lui demandant de se camper en paumé à la Bill Murray; le cocktail s'avale hardimment.

Au final, peut être 5 ou 10 minutes de trop, mais si vous aimez détestez les américains, ne rechignez pas à vous moquer des clichés parisiens et français; en clair, si vous aimez Woody Allen, vous aimerez forcément celui-ci...

Demain, promis, nous irons vers quelque chose de plus exigeant, nous préparant pour Tree Of Life...

 

14/05/2011

Les nouvelles formes de la distinction...

41PCWAN1P2L._SL500_AA300_.jpgAlors même que je subis la lecture de Marc Lévy pour cause d'obligations professionnelles (police pour hypermétrope, mais 430 pages ça peut être long), j'ai un besoin d'entendre des choses intelligentes en parallèle. Mes oreilles stimulent mon cerveau attristé par les signaux adressés par mes yeux. Aussi, c'est avec délice que j'ai écouté cela http://www.franceculture.com/emission-du-grain-a-moudre-c...

L'émission m'avait interpellé sur son titre alors que l'opus primo et magna de près de 700 pages (après, j'arrête le quanti).

J'avais attaqué mon ascension du mont Bourdieu par ses brefs pamphlets sur la télé, assez justes mais pas nécessairement transcendants car ils émanaient d'un homme qui méprise la télé. La critique de la lucarne qui accapare les Français 3h20 par jour m'apparaît beaucoup plus efficace lorsqu'elle surgit du cerveau de Bernard Stiegler, mais passons. En lisant la distinction j'avais compris qu'il faudrait que je lise tout de ce monsieur qui fait de la sociologie en dentelle et non à la hache, déconstruit les visions stéréotypées et avait fait apparaître l'écart croissant à l'époque entre capital culturel et capital économique.

Brillant, juste et puissant, même si j'aime assez peu qu'un sociologue m'explique pourquoi je préfère le jazz à la musique classique, mais bon. Bourdieu et moi sommes restés bons amis et je suis allé à son bal des célibataires, écouter son analyse de la domination masculine et autres théories sur les champs de pouvoir...

D'où ma légère angoisse face à cette émission: qu'y aurait-il de neuf ? Plus une triste confirmation : les couches supérieures s'offrent de plus en plus le luxe d'avoir des pratiques culturelles diverses. Elles peuvent aller voir un Romain Duris et Kurismaki quand certains se limitent à Duris (ou Dubosc, c'est quasi kif kif). Que les couches éduquées se claquemurent de plus en plus dans un certain snobisme de pratiques culturelles élitistes pour montrer aux pouvoir économique qu'elles le domine sur un autre terrain... Bref, on sent bien à écouter Donnat et Coulangeon que le baroud d'honneur des pratiques culturelles est de s'ériger en dernière barrière contre le triomphe de l'argent: il y a des plaisirs d'un raffinement immense que les dominants ne pourront pas se payer avec leur Mastercard en somme... Je trouvais l'idée fort pertinente à défaut d'être agréable.

Et puis Jacques Rigaud est intervenu par téléphone. Jacques Rigaud a dirigé RTL pendant 20 ans et exercé moults activité culturelles, notamment en développant le mécénat d'entreprise. Fils de petits commerçants lyonnais, le petit garçon issu des milieux populaires a su conquérir la belle culture, relire les Essais de Montaigne tous les 5 ans, goûter les opéras et autres... Puisqu'il a su le faire, c'est possible. Volontarisme de droite qui se moque du déterminisme social.

Tristesse d'entendre cet homme que j'ai fréquenté quelques fois et écouté avec un plaisir toujours renouvelé raconter ce ramassis de conneries sur lesquelles les forces de droite gagnent l'élection présidentielle "quand on veut on peut". Ne pas réaliser ce qu'il y a de singulier dans son parcours, à Jacquot, le fait que les passeurs, les accoucheurs de talents de savoir, les révélateurs de vocation sont moins nombreux dans les quartiers populaires. Ce mépris s'est désormais concrétisé par cet immonde slogan de Mitterrand neveu "la culture pour chacun" à la place de "la culture pour tous"; en somme chacun pour soi. Les nouvelles formes de la distinction, en clair, disent des choses peu distinguées aux moins fortunées...

Demain, nous verrons si nos pas nous mènent vers Tomboy ou Woody Allen...

11/05/2011

La pensée métastasée de Laurent Wauquiez...

metastase-cerebral-6_fs.jpgRendons hommage à Laurent Wauquiez. Il a prouvé que la droite comportait dans ses rangs bon nombre d'estimables représentants de ce que la dignité doit nous intimer... Chère Roselyne Bachelot, sur la grippe A vous merdâtes, mais de l'avoir recadré comme ça, merci.

Y a des cancers qui se perdent, quand même... Du temps où j'écrivais un livre sur l'insertion et que Hirsch et de nombreux autres m'ouvrirent leurs portes, Wauquiez jamais, malgré 15 relances, 17 recommandations onctueuses, il ne voulait pas le savoir... Les cassés, z'ont qu'à se démerder...

Alors qu'il était ministre de l'emploi, le même parfait boy scout avait dîné avec des connaissances du conseil d'Etat à qui il avait confié que la médiocrité de ses résultats ne tenait pas à son action mais à "l'attitude des chômeurs qui préfèrent faire le tour du monde avec les allocs plutôt que d'aller bosser". Sûrement, ils doivent être des milliers.

Précisons d'emblée un point : oui, de nombreux types, notamment des jeunes, refusent d'aller bosser. Et je les comprends. Quand tu as vu tes parents rentrer cassés du taff, physiquement vrac à 50 piges sans avoir pu mettre un euro de côté, tu te méfies. Quand de plus les margoulins te proposent un taff de 9h à 11h30 et de 15h30 à 18H pour 25h par semaine donc 60% du SMIC je les comprends de ne pas aller bosser toute la semaine pour 150 euros d'écart. C'est plus humiliant et la dignité du travail on la cherche un peu... Or, la pensée mainstream souligne cela : on voudrait que la cause soit le montant des allocations, trop proche du coût du travail. Sans voir qu'à l'évidence, c'est la dégradation du travail le coupable.

Un chiffre, un seul. En 1988, à la création du RMI, l'allocation représentait 50% du SMIC, aujourd'hui ce n'est plus que 43%... Non, Laurent Wauquiez, on ne vit pas des allocations. On survit. On compte tout, on achète ses courses dans une épicerie sociale, paye son essence avec des tickets resto et emploi le mot "vacance" qu'au sujet de l'accompagnement vers l'emploi. C'est tout de même extraordinaire, ce renversement qui voudrait que les gens crèvent de l'assistanat quand ils crèvent de n'avoir que le fruit de l'assistanat qui ne leur permet pas de soigner dents et yeux voir pire encore... 

Et ce brave Laurent qui fait des dîners de levée de fonds auprès des yuppies de Londres à 1200 euros le couvert pour son club "droite sociale"... Etienne Pinte a démissionné dudit club mal nommé mais il paraît qu'ils sont encore une cinquantaine à apprécier ce genre de justice sociale; espérons qu'ils se retrouvent tous au chômage dans un an...

Demain, nous ne retournerons pas voir la nouvelle formule de l'Obs une seconde fois...