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21/06/2011

Entendre Moscovici, écouter Montebourg et souffrir pour Hollande ou Aubry...

Ecart.jpgAlors que se rapprochent les primaires et que se renforcera inéluctablement la pression sondagière, nous conduisant sagement vers les deux figures les plus centrales du PS - Hollande et Aubry - arrive la seule question qui vaille:  aura t'on le temps d'écouter le fond pour voir les problèmes du même ordre qui se poseront l'an prochain lors de la campagne autour d'un projet ?

Bon, je me doute que vous n'avez sans doute pas le temps, moi c'est en partie mon boulot, mais si vous preniez quelques instant pour écouter le Grand Jury RTL Le Monde, émission où les journalistes sont inquisiteurs, tous Torquemada en petits pieds, mais où l'on parle la moitié du temps, du fond. 

Version 1, Arnaud Montebourg : http://www.rtl.fr/emission/le-grand-jury/ecouter/le... 

Je passe sur la partie où il doit répondre aux questions lénifiantes sur la primaire ("les assocs de gauche avec des non-votants, vous les jetez ? Vous excluez les Présidents d'associations?"). Hormis cela, je passe aussi sur la question de savoir si c'est une posture où non (j'ai mon intime conviction). Néanmoins, Montebourg tient des propos radicaux sur la dette, sur la régulation des échanges financiers, sur la mise sous tutelle des agences de notation (important, ça...) sur le rôle de l'économie sociale, de la parité, de la gouvernance des entrerprises, sur le salaire maximum... Clairement, s'il reconnaît une certaine filiation à l'époque Jospin par fidélité, mais il se détourne d'un axe Clinton / Blair, rappelle son nom à l'Europe et insiste sur l'importance d'un protectionnisme européen. Sur les idées uniquement, il existe donc indéniablement une porosité politique avec Jean-Luc Mélenchon. 

Version 2, Pierre Moscovicihttp://www.rtl.fr/emission/le-grand-jury/ecouter/pierre-m...

Je passe là aussi avec la partie où on le turlupine sur son mentor et sa possible culpabilité. (Mougeotte & Revel devraient vraiment s'exiler...). Qu'entend t'on ? Régulation des fluxs avec accompagnement des banques. Encadrement plus fort, au niveau européen des produits boursiers... Pas de critique de l'économie casino, mais une demande de vigilance "forte". Une croyance absolue que la politique ne doit jamais être coercitive. Pas plus de profs, mais de meilleurs profs. Plus de flics en revanche. La sécurité est un droit absolu, y compris avant l'emploi. En clair, une ligne démocrate new-yorkaise : clairement, libérale-libertaire et progressiste où la sécurité et la gentrification permettent de l'emporter. A New-York, à Paris ça marche. Forcément, on repousse la misère dans des ghettos (salut Sevran ! Bonjour Corbeilles, Stains, Creil...). 

Cette ligne, historiquement gagnante de par le monde (Schroeder, Blair, Clinton ) s'est cassée les dents quand les électeurs souhaitaient des projets génétiquement de gauche... Cette ligne a souvent rassemblé des sarkos compatibles: Bockel, Besson, Lang, Stéphane Richard (cab Strauss Khan puis dircab' Lagarde) Pigasse et autres... Pour autant, en des temps où la gauche est déboussolée, elle a cru au leurre de l'homme providentiel qui incarnait cette ligne. Aujourd'hui, Moscovici pèse 3% d'intentions de vote, derrière Valls, ce n'est donc pas cette ligne qui gagne, mais DSK qui incarnait la victoire contre Sarko pour une raison : il n'effrayait pas le centre. C'est vrai, en 2007, peut être aurait-il gagné. Bayrou n'aurait jamais fait 18% avec DSK et au second tour, la pensée magique en économie de Sarko se serait brisé sur le mur arithmétique de Strauss-Khan. Certes... Mais avec des "si", Boorlo ou Villepin seraient président, donc revenons à juin 2011.

Ni Montebourg, ni Valls, ni Moscovici ne gêneront le duo de favoris. Royal non plus, le souvenir de 2007 est trop vivace, même si elle garde une base solide (Désirs D'Avenir) les bourdes à répétition, le fait de ne pas être politiquement vertébrée, pas de ligne économique, a lassé. Donc, Aubry / Hollande.

Aubry ralliera les partisans de Montebourg plus aisément, Hollande ceux de Moscovici. Ce n'est pas tant la dentelle électoraliste qui compte. Au fond, savoir si trucmuche et trucmuche deviendront secrétaire d'Etat à l'immobilisme bancaire ou sous-ministre au progrès et à l'audace des régulations financières n'est pas le débat. Le problème est qu'une présidentielle se joue toujours à très peu, des miettes. Or, à ne pas vouloir choisir, à tenter cette improbable synthèse pour gober deux fois plus de miettes le PS finit par tomber en en avalant aucune. Comme le grand écart en photo, il tient au départ et s'écrase sous les scuds de Copé, NKM, Lefevbre, Morano, Balkany et autres Rottweiler politiques. "Comment concilier imposition des hauts revenus et libertés de mouvements des capitaux ? Recruter massivement des fonctionnaires ou continuer une politique lucide de limitation de ceux-ci ?" Voilà le genre de missiles que recevra l'impétrant socialiste. Et honnêtement, il n'y a pas de réponse à donner...

L'avantage du magma de la droite, même s'il y a des énervés et des modérés sur les questions d'immigration, c'est sa beaucoup plus grande cohérence idéologique, le projet de société se ressemble. A gauche, c'est beaucoup plus dispersé...  

En 2011, pour éviter de se vautrer à nouveau, il faudra donc choisir. J'admets volontiers une certaine impartialité, mais devant les échecs répétés du projet social-libéral, je me dis qu'à une époque où les lignes de repères sont plus que floues ce qui donne un boulevard à Marine le Pen;  proposer un programme clairement identifiable comme de gauche, rappelant l'importance capitale des services publics, confirmant et proposant des mesures punitives aux excès capitalistes, des mesures coercitives et obligatoires pour réduire les inégalités à l'école, au travail et au logement; alors, je crois que ce programme s'imposerait bien plus aisément...

Demain, nous débrieferons de l'arrivée de l'été en temps d'automne, avec quand même sa fête progressiste pour musiciens amateurs qui nous aura surement conduit au cinéma où les salles seront vides ....

19/06/2011

Impressionnant imprécateur

 Ha la claque ! Ha ce livre. Ha merci René Victor Pihles. J'ai trouvé ce livre par hasard, dans son édition jaunie des années 70, mais il existe en Points Seuil.

Je ne peux résumer le livre sans trop le déflorer, mais un directeur des ressources humaines de la plus grande société mondiale, division française, bascule dans le paranormal le jour où un cadre de l'entreprise meurt dans un accident de voiture, qu'il découvre une drôle de fêlure dans les caves de sa société et qu'un curieux anonyme, l'imprécateur, diffuse des curieux messages aux plus des 1000 salariés. Je laisserai donc sous silence le moment où le roman plonge voluptueusement, incidemment dans un univers kafkaien revisité par Kubrick (Pilhes avait déjà écrit les meilleures scènes d'Eyes Wide Shut 30 ans avant)... Surtout, les rapports entre dirigeants et syndiqués, le culte de l'économie de marché, libérale est dépeinte comme jamais. Plutôt que de s'attacher à opposer les salauds capitalistes aux bons ouvriers, Pilhes déforme la réalité pour la rendre plus crue. Les oppositions manichéennes sont très souvent raté à quelques exceptions près (Mordillat, Salvaing) mais là, en donnant un souffle onirique à son récit, en scandant la logique d'entreprise à renforts de tracts et de poèmes, il touche mieux la logique unique et totalisante de l'entreprise. Comme il le dit fort justement au départ "au fond, le management se fiche de son environnement religieux ou politique, le management impose le marché et le cash flow". C'était en 1974, VGE, "la nouvelle société" de Chaban, toutes visions du monde qui nous paraissent aujourd'hui surannées au possible et pourtant l'oeuvre de Philes est d'une troublante modernité. Les 300 pages toutes en phrases ourlées et à l'humour croustillant nous tienne en haleine avec une ultime bascule que l'on applaudit volontiers, beau joueur.

Aujourd'hui, on aimerait voir un nouvel imprécateur. Parmi les tombereaux de nouveaux romans, ne pourrait-on pas prélever quelques écrivains talentueux qui se gâchent en défilés d'autofiction où le héros ou l'héroïne se demande si les concombres ont une âme et les mangoustes un subconscient ? Quelques autres de nos meilleures plumes, plutôt que de résusciter pour l'esbrouffe des romans historiques aux dorures chocs et tocs, ne pourraient-elles pas avoir l'humilité et l'envie de se coltiner le présent, le réel ? 

Car tout grand livre qu'il soit, l'Imprécateur a 37 ans. S'il a fort bien vieilli, rien à redire, on aimerait simplement une suite démontrant l'implacable logique de déshumanisation achevée et de contrôle totale, totalitaire et totalisante exercée sur les individus, consentants à rebrousse-poil, par les nouvelles technologies. Comment des évolutions naturelles sont érigés en étendard guerrier pour nous monter les uns contre les autres: mondialisation, productivité, cadenece, "réalité"... Qu'un Yannick Haennel, un Tristant Garcia, une Camille de Villeneuve saisisse cette nouvelle réalité glacée et je cours dévorer ce livre. Lors de sa remise du prix de la Fondation Lagardère, Vincent Message disait qu'il ne voulait pas trop se dévoiler, mais que son livre aborderait l'entreprise... Wait and see, alors.

15/06/2011

Les banlieues, lieux mis au ban des médias...

6a013487b56bd4970c0147e145aecb970b-800wi.jpgDans l'inconscient collectif, Reporters Sans Frontières s'occupe de la liberté de la presse de par le vaste monde. Aussi, les voir traiter de ce qui se passe à Corbeil-Essonnes m'a plutôt surpris. 

http://www.slate.fr/tribune/39379/information-banlieues-e... 

Le directeur de la recherche d'RSF nous explique la menace : à empêcher les journalistes de bonne foi de faire leur boulot, on laisse la place à des journalistes déformés par le scandale, le seul droit d'informer sur "la" banlieue. Des cartes de presse (ou pas) qui partent en exploration, comme on part à la jungle pour chercher, dénicher ce qui est moche, qui est slle, qu'on attend avec une malsaine excitation. Des joints à foison, des mômes qui se cament dans les buissons, volent les sacs des vieilles, courent après les filles, pétaradent sur des quads et se balladent le Uzi en bandoulière...

Cette déplorable image d'Epinal est devenue la norme construite autour de nos banlieues. A part "Périphéries" d'Edouard Zambeaux, peu de grands médias consacrent des émissions à ces immenses espaces urbains. Combien de visites sur le Bondy Blog ? Pour quelques reportages en profondeur sur le foisonnement d'initiatives, combien de "la vérité sur les bandes" "l'enfer des cités", "enquête sur la ville de non droit", "genèse du gang des barbares", "plongée dans le royaume de ceux qui niquent la France". L'an dernier, une émission de France Inter (encore...) avait souligné que rarement dans la langue française un mot aura été à ce point dénaturé. 

La définition de wikipédia illustre ce malaise. Le médium étant plus récent, il englobe à la fois la définition naturelle et sa déviance médiatique: "La banlieue désigne communément l'espace urbanisé d'une ville qui est situé dans la continuité du bâti de sa ville-centre et qui en est administrativement distinct. Aujourd'hui, dans certains pays (en France entre autres), ce mot désigne habituellement dans les médias les quartiers pauvres et par conséquent souvent difficiles ("problèmes de banlieue")".

Et voilà comment l'alpha et l'omega des définitions des étudiants intègre l'aspect invariablement négatif de "banlieue". Pour autant, Neuilly ou Chatou, St Rémy les Chevreuses sont aussi des banlieues... A-t-on jamais entendu dire "l'X, HEC, Thalès, l'Oréal sont situés en banlieues", non, ces éléments du prestige Français sont situés "en région parisienne"...

Tout ceci ne vaut rien qui vaille comme le dit le chercheur de RSF. Cela souligne ce que Christophe Guilluy appelle dans son livre des "fractures françaises". Une déconnexion actée, irrémédiablement actée par des élites qui ne veulent plus voir cette réalité et la détache de leur programme politique comme on se sépare d'un poids pour mieux s'envoler. Une pratique moralement condamnable mais surtout politiquement stupide: l'avenir démographique et donc l'avenir des entrepreneurs et de la création du pays sont dans ces villes. S'en désintéresser revient à un suicide politique... Sciemment entretenu : combien d'élus de banlieue y vivent encore ? Ce n'est pas un hasard de voir Stéphane Gatignon tirer la sonnette d'alarme: il vit à Sevran. Contrairement à Mélenchon ou Dray qui rappellent invariablement qu'ils sont "élus de banlieue", certes, mais vivent à Paris. Une attitude lourde de symbole. Ils préfèrent vivre à Paris  pour tout ce que la capitale offre et qu'ils ont acté ne pouvoir doté leurs villes...

Ces lieux mis au ban, ces banlieues, sont plus que jamais la caisse de résonance de Marine le Pen. Pour une raison simple: elle agite cette réalité déformée par les médias et promet de la changer. Une candidature du changement, plutôt que de s'échiner vainement à promettre de tout reconstruire devrait commencer par s'y rendre pour parler d'autre chose que de sécurité...

La semaine dernière, j'étais aussi à Corbeille-Essonnes pour animer un débat sur l'avenir de la culture. Il faisait chaud et il était plus de 23h, cela faisait plus de 2h que l'on échangeait et pourtant il restait une quinzaine de personnes debout, toutes les chaises étant occupées par des militants persuadés que la culture restait la réponse prioritaire pour leurs villes. J'aurais vraiment aimé que des journalistes montrent aussi cet aspect de la ville, même si je reconnais qu'il est moins télégénique que l'infinie cohorte de camion de CRS que nous croisions au retour, devant les Tarterêts...