Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

06/06/2011

Rapport sur la justice : aux chiottes Ciotti.

crs-contre-lyceens.jpgPardon. Oui, j'admets ce titre, mais que voulez-vous en rentrant chez moi, je trouve ça: 

http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2011/06/05/01016-... 

Allez directement à la fin de l'article, on y trouve le pas en avant acceptable de la stratégie ciottiste. Espèce de gimmick sarkozyste, trois mesures inacceptables contrebalancées par une mesure sympathique ou populaire. Pour les retraites, tout le principe du financement partait de traviole et était compensé à la marge par une égalité homme/femme accrue (à la marge). Là, c'est l'idée selon laquelle il faudrait pousser les délinquants mineurs récidivistes à effectuer un service civique obligatoire. Bon.

Je ne crois pas que Martin Hirsch ait sauté de joie en lisant cela, je pense aussi qu'il a découvert la mesure en lisant l'article, mais néanmoins avouons que ce n'est pas forcément la stratégie du pire. Prendre des gamins en proie à de très graves difficultés de réinsertion, car marqués très tôt avec cette espèce de feuille de bagnard et leur remettre le pied à l'étrier professionnel peut s'entendre. On pourra évidemment objecter que cela revient à rejeter la responsabilité de la réinsertion aux professionnels sociaux, à des encadrants non spécialistes de ce type de populations. Néanmoins, pourquoi ne pas tenter ? Pour une fois qu'on considère les délinquants comme pouvant être réinséré et pas placés ad vitam eternam en prison...

Hormis cela, le rapport sous-tend une idéologie nauséabonde sur notre conception de la justice. Ciotti n'en est pas à son coup d'essai: c'est lui qui avait proposé la suppression des allocations familiales pour les parents d'élèves absents. Etonnant, non ? Le séide sarkozyste y retourne en décrétant, grosse mode, que Dati était une dangereuse laxiste et qu'il faut ériger des digues pour laisser les types en taule plus longtemps. Il est allé dénicher des rapports sur le ratio places de prison pour 1000 habitants qui laisse la France très loin de l'Angleterre (près de deux fois moins d'incarcérés)... On pourrait objecter que les anglais sont dégénérés, mais non.

Le programme consistera donc à relancer la création de places de prison (au lieu de rénover les nôtres), mais gageons puisque notre ministère de la justice compte parmi les plus impécunieux que cette réforme, si elle devait être mise en application, profiterait largement à Bouygues Construction; leader sur ce secteur... Hormis cela, renforcer l'exécution des peines, relever les peines plancher et donc, flécher les décisions de juges trop peu nombreux, dépassés par la charge de travail, harassés et dépourvus de moyens et donc... jugés coupables de l'Etat de la délinquance en France. Cherchez l'erreur...

Malheureusement, je crains que ce rapport commandé comme souvent avec le pouvoir actuel, avec l'aval de sondeurs comme Buisson ou Giacometti ne trouve quelque écho en France. La justice américaine est décriée pour ses excès, mais la sévérité envers les délinquants sexuels trouve toujours un nombre croissant de partisans. Comment aller contre évidemment ? Pas un mot sur le traitement psychologique de personnes malades; j'imagine que cela serait trop simple... Idem pour les jeunes "casseurs" : on le voit bien avec ce qui se passe à Sevran où le maire demande, désabusé, des casques bleus. Ségolène Royal le soutient mais vu son poids dans l'opinion, c'est la corde qui soutient le pendu. Cette désespérance légitime prête malheureusement le flanc aux délires répressifs de droites et à ce que l'on pourrait qualifier de "bluff sécuritaire" qui a cours depuis une dizaine d'années. Là, c'est à nouveau ce qui s'est passé avec une visite de Claude Guéant qui a promis de démonter et démanteler les réseaux... Puisque c'est si simple, que ne le fait-il ? A Sevran, les effectifs policiers ont baissé d'un tiers en dix ans. Là où l'insécurité est là plus forte, on retire toute force "normal" de sécurité pour privilégier l'exceptionnel; des forces de CRS. On peut y voir là une analogie de la conception de la justice par nos gouvernants actuels: surprotégés certains bastions, délaissez les autres et dès que le feu survient, frapper plus fort. Ensuite, allez bien dire à l'opinion qu'ils sont coupables et qu'ils l'ont bien cherché. Le problème étant que le venin de la présomption de délinquance s'étend... Ciotti le sait et joue la pensée Jean-Pierre Foucault contre Michel Foucault... Du pain et des jeux pour le peuple, pain sec et l'eau pour les délinquants et tout le monde sera bien gardés.

Relativisons cette consternation en nous souvenant que ce rapport prévoit des applications pour la mandature 2012-2017. Il y a donc un moyen assez simple d'éviter ce carnage citoyen... 

 

02/06/2011

La vomitive mythologie du Figaro Magazine

20081226PHOWWW00335.jpgUne du Figaro Magazine de la semaine. Hebdo papier, mais toute la vulgarité de la pensée est dans l'image. Une image choisie pour illustrée un marronnier de la presse de droite: "Enquête sur la France des assistés". Laurent Wauquiez nous aurait sans doute parler de voyage en pavillon des cancéreux. L'image donc : un drapeau Français sert de hamac à un jeune homme qui dort comme un bienheureux.

En ces temps de lepénisation accrue des esprits et de vigilance des associations anti-racistes, le graphiste a évité de prendre un individu de type non Gaulois aisément identifiable... Ni noir, ni arabe. Pas une femme non plus, les coups de griffes d'Osez le Féminisme et de la Barbe effraient sans doute. Pourtant, les victimes du chômage ou du temps partiel, les parents célibataires sont souvent des éléments féminins. La religion des faits et des statistiques dans laquelle se drape sans cesse les journalistes de ce torche-cul hebdomadaire aurait pu leur faire choisir une femme, mais ils n'ont pas voulu prêter le flanc à la critique. Et puis, dans l'imaginaire collectif, le corps féminin est plus victime qu'agresseur et là, il s'agit de susciter la colère. Ne pas en rajouter sur les stéréotypes. Pourtant, si l'on avait suivi à la lettre le portrait robot des bénéficiaires des minimas sociaux et autres allocations solidaires, on aurait dû avoir en une un corps grossi, vieilli avant l'heure par la malbouffe, une peau ternie par le stress, la précarité énergétique poussant au mal logement et une hygiène de vie irrégulière.

Au lieu de cela, ce jeune homme a le morphotype des dominants: une minceur loin des affres de la maigreur, une barbe de trois jours bien taillée (pour souligner l'oisiveté). Le teint légèrement hâlé de celui qui sort souvent de chez lui profiter du soleil et un t-shirt car il ne met pas de chemise pour aller chercher du travail, il se sait protégé par son hamac étatique...

On voit bien que l'électeur conservateur, passant devant et regardant la légende ne manquera pas d'être scandalisé. Sans même à avoir acheté le journal, il est convaincu d'avance. La droite tentera à nouveau de relancer cette chimérique bataille en 2012, de la France du travail contre celles des assistés sybarites. En évitant juste de trop taper sur les immigrés pour ne pas faire le jeu de Marine  le Pen, mais en laissant Claude Guéant dire que l'on va diminuer l'immigration par deux parce qu'il n'y a pas de travail. D'où la première incohérence : s'il n'y a vraiment pas de travail, les allocataires de minimas ne sont pas des assistés, mais bien des victimes. Le discours profond les trahit...

Seconde incohérence factuelle sur les assistés : la différence avec la rémunération du travail. Là encore, les faits sont plus solides que les outrances. L'écart ne cesse de croitre. En 1988, à l'instauration du RMI, ce dernier représentait 50% du SMIC, aujourd'hui il est de 43%. Ajoutez à cela que les autres filets de protection sont de plus en plus troués: le dernier rapport sur le logement en Ile de France révèle une attente moyenne de cinq ans pour accéder à un logement social, poussant un nombre croissant d'allocataires des minimas sociaux vers un parc privé prohibitif pour elles... Si Madame Dugenou, chère à François Hollande, a l'impression d'un tassement entre travail et allocation, c'est que le travail baisse: le SMIC plein est de moins en moins la norme et le CDI, l'exception. Le RSA ne tire son "avantage" comparatif qu'à son attribution pérenne et à taux plein quand les salaires sont de plus morcelés et versés de façon aléatoire.

Comme le rappelait Rafaele Simone et récemment Yves Citton, il faudra contrer cette vomitive mythologie par un imaginaire de gauche à même de redonner de l'emploi à tous ceux qui en sont de plus en plus éloignés; sans doute cela passera t'il comme le dit Jean-Baptiste de Foucauld par l'instauration d'une abondance frugale avec un retour du coercitif en politique pour assurer le vivre-ensemble. Imposition confiscatoire sur les métiers à marge indécente pour favoriser l'émergence d'une économie responsable et désireuse d'embauche, pression sur les loyers et le prix au mètre carré pour entraîner, enfin une déflation de la part consacré au logement dans les revenus des ménages...

Pour l'heure, sachons gardez toute notre capacité d'indignation face à cette imaginaire indigne car la résignation devant l'outrance est le premier viatique pour le poujadisme au pouvoir... 

01/06/2011

Très belle cote, ce Beaune

Un-homme-louche.jpgJe cherchais un bon roman. Pas forcément un grand roman, ce qui nous déçoit trop souvent, mais simplement un bon roman. Où l'on rentre dedans avec envie et poursuit sa lecture avec avidité pour l'achever heureux et rassasié en même temps. 

Ca commençait à urger, même. Entre les essais que je dois lire pour le boulot, ceux qui m'intéressent et ceux qui aboutissent sans que je me l'explique sur ma table de nuit, j'ai l'impression que les romans représentent à peine la moitié des livres que je lis maintenant. Sans doute moins. Pas le droit à l'erreur et je venais de mordre avec une déception non feinte dans l'oeuvre de Sabato; le récemment défunt que le snobiquement correct de Libé imposait de lire. L'argentin écrit très bien, mais les oeuvres gigognes souvent, lassent. Du coup, au bout de 100 ou 200 pages, on s'ennuie, on a compris et pas envie d'aller de l'avant.

François Beaune, j'en avais entendu parler quand il était en grand format, chez Verticales. Mouaif. Sur le pitch, ça sentait le "coup" le truc de jeune premier (il est né en 1978) qui veut se faire remarquer en parlant d'un thème exigeant pour un romancier : la folie. Je reposais le livre sur la pile. Bêtement...

En réalité, le livre est un slalom permanent parmi les écueils: jamais de facilité type violence du fou, langage ordurier ou déambulation dans les rues un slip sur la tête. Non, Beaune campe un jeune en proie à des problèmes psychiques intenses à deux âges de sa vie : 14 ans et 38, quelques mois avant sa mort. Pas de suspense, on l'apprend dès l'incipit. On sent qu'il vit avec son personnage et qu'il n'a jamais dû quitter son carnet et griffonner des centaines de phrases en pensant que son héros pourrait les rédiger, puisqu'on lit son journal intime. Exemple: "Retour de boulangerie, mâchant, j'évalue une bouchée de pain. A cinq bouchées la tartine et six ou huit tartines la baguette. Mettons sept. Donc trente cinq bouchées de pain la baguette. Une baguette = 70 centimes. 70 divisé par 35 = le prix d'une bouchée de pain, c'est à dire 2 centimes. Il suffirait donc de vendre au détail seulement 10 centimes la bouchées de pain pour multiplier par cinq les bénéfices. Je garde ça pour plus tard". C'est à la fois insensé et pourtant, certaines entreprises aujourd'hui millionnaires se sont fondées sur ce business model (notamment les ventes d'immeuble à la découpe).

Les réflexions du protagoniste embrassent aussi l'observation des autres, "Je pense qu'un plombier ne connaît pas la paix. Pour un plombier la fuite est l'état normal. Alors, quand les plombiers veulent se poser cinq minutes et profiter de la vie, oublier toutes les fuites, ils éteignent leur portable et organisent un barbecue". D'une justesse bien supérieure à ce que tous les ministres du travail ont jamais inventé sur la pénibilité au travail...

On traverse le livre ainsi, sans s'en rendre compte, admiratif de la maîtrise de Beaune qui n'use jamais d'artifice ramenard, mais écrit et décrit juste. Et grand.

Alors, pardon de ramener ça à des considérations politiques, mais mon éducation m'y ramène toujours. Je lisais ce livre alors que le Parlement votait une loi vomie par quelques illuminés organisés autour de "la nuit sécuritaire". Loi qui proposait, grosse mode, de permettre à un directeur d'hôpital d'interner un malade psychique sans son consentement, alors qu'il fallait attendre une décharge du préfet auparavant. L'opposition à cette loi se fondait sur le "il est interdit d'interdire", mais à force de ne pas voir les risques, certains psychiatres ont contribué à dégrader l'image des fous. La France n'aime pas ses fous, et son Président en a peur.

Il veut tous les interner et les gaver de psychotropes car il voit en chacun d'eux un assassin en puissance. Du coup, les communicants ont sagement embrayé en produisant moult reportages où l'on voit des fous décompenser et agresser leurs proches. Soit...

Pourtant, les faits sont têtus et quiquonque s'est deux secondes penché sur la question qu'en réalité, il faut soigner les fous pour les protéger: les malades psychiques sont dix fois plus agressés qu'agresseurs. Forcément, entre leurs agissements étranges, le fait que les agresseurs savent que la parole des victimes ne sera pas pris au sérieux et l'imagerie collective qui autorise à se défouler sur la différence, ce sont bien les fous qu'il faut protéger. Il faut inverser nos représentations: imaginons donc Sisyphe heureux et les fous à protéger. Puisse Nicolas Sarkozy lire "Un homme louche" et cesser de s'acharner sur ceux qui après tout, n'ont pas des afflictions plus graves qu'un fétichisme pédestre, par exemple.

Demain, nous monterons le niveau puisque le calendrier nous y invite.