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07/04/2012

Laissez le réalisme à Balzac et Courbet !

courbet-portrait.jpgPauvre débat ! Pas étonnant que les français se détournent de la politique. Non seulement on leur met en avant des faits divers, mais surtout jamais le spectre des possibles en politique n'a été aussi faible. La grande question de 2012, c'est entendu, est la vérité: de Valls à Bayrou jusqu'à Sarkozy et Marine le Pen, tout le monde défend l'idée selon laquelle il faut "dire la vérité aux français". A savoir que les lendemains vont déchanter et qu'il va falloir se serrer la ceinture. Ca, c'est la vérité. Circulez, y a plus rien à voir.

Sorti de ce cadre de la raison, incarné par des laquais (Pujadas, Namias, Elkabach) ou des puants (Guetta, Couturier) point de salut. Au passage, c'est la même palanquée de connards qui a voté oui en 2005 et s'est égosillé devant la bêtise du peuple, a vanté le libéralisme qui nous a mis là où nous en sommes et continue de prôner une certaine régulation, c'est à dire poser une petite cautère sur une jambe guettée par la gangrène...

Ce qui est amusant, c'est de voir le caractère proprement magique du mot. Aujourd'hui, les socialistes l'agitent comme un grigri, ils ont trouvé leur truc : Mélenchon n'a pas un programme réaliste. Mais encore ? Il veut dépenser près de 200 milliards d'euros. D'accord. Quel est le problème ? En renationalisant Areva et Total pour avoir un grand pôle de l'énergie, car les calculs aboutissant à 200 milliards incluent ces mesures, certes peu populaires à la Défense, mais de bon sens malgré tout. Or, eu égard aux profits de Total, au bout d'un quinquennat, une grosse parties des dépenses sont déjà rapatriés. Renationalisé, Total verserait ses dividendes à l'Etat et non plus aux actionnaires, mais passons. Surtout, ce qui est certain, c'est que jamais la somme des richesses produites en France n'a été aussi grande. Rappelez cette évidence qu'aucun économiste ne pourrait contester c'est déjà basculer du côté des hérétiques. Le libéralisme absolu qui dit qu'il faut baisser les dépenses est une croyance qui en vaut d'autres, mais elle reste une croyance. Au contraire, le fait qu'un pays riche a les moyens de reprendre en main son destin est un fait. Le réalisme prôné par certains est un avatar linguistique, comme le pragmatisme il y a quelques années, pour dire ni plus ni moins que libéralisme. Vaguement social-démocrates pour certains, clairement décomplexés pour d'autres, le réalisme reste libéral; sortir de cela c'est être fou. Comment expliquer ce rapt linguistique ? De la même manière que ce que Boltanski et Chiapello exposent dans "le nouvel esprit du capitalisme"; les dominants retournent le langage à leur avantage et après avoir repris des thèmes de lutte comme liberté ou autonomie, ils en ont fait leurs flèches. Aujourd'hui, l'économie libérale repose sur du bluff, de la croyance, du toc. Donc quoi de mieux comme rapt que la réalité ? Ridicule, et surtout, pas efficace. Les philippiques du PS font pschitt...

Prenez un petit exemple, qui dure 8 minutes, on y voit le pape, l'archange du réalisme, Alain Minc. Il se fait morigéner si fort par Mélenchon que le malheureux ne pipe mot. Alors, bien sûr, il y a un peu de montage; mais à la fin, on voit Minc s'en sortir reconnaître que Méluche a raison...

http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&... 

Dans le livre de Laourtourou, en vente partout à 3 euros "c'est pire que ce que l'on vous dit mais on peut s'en sortir", l'auteur rappelle que les US et la Russie ont augmenté leurs dépenses militaires de 82% en 10 ans. La Chine ? 181% ? Ca c'est du réalisme poussé à l'extrême. Et ça n'est pas ainsi que l'Europe se construit, le réalisme européen il se fonde sur une égalité de tous. Pas "tout le monde en bicyclette" comme disait Céline, mais selon ses moyens sans être biaisé. Ce n'est pas non plus le "soyez réaliste, demandez l'impossible", mais bien "demandez le possible" à une nation riche. Donc moi, le 22 avril, c'est avec réalisme que je voterai Mélenchon. Et messieurs les biens pensants à la vision étriquée et entre-soi de la réalité, je vous emmerde.

05/04/2012

Tant d'énergie au service du rien, les e-militants, ces cerises sur le gâteau du spectacle indigeste

Unknown-1.jpegDans 15 jours, la campagne officielle du premier tour prendra fin. Elle continuera tout le week-end sur Internet où nos amis les e-militants s'acharneront à re-twitter la dernière bourde d'un sous-secrétaire d'Etat ou la dernière outrance d'un quatrième couteau du PS. D'un geste énergique, ils feront trinquer leur canette de bière contre leur écran, ne pas quitter le champ de bataille; jusqu'au bout agressons ! 

Oh, ce ne sont pas tous des geeks, d'aucuns se réunissent dans des vrais bars ou avec leurs téléphones intelligents ou leurs tablettes, ils continuent de commenter l'intense actualité de la campagne... Bon. Arrêtons nous quelques instants sur leur fonctionnement car il est plus intéressant que leur pensée. D'ailleurs, la pensée ne les intéresse pas, ce sont des fans. Tiens, faisons comme eux, prenons un exemple dans l'actualité.

Dans quelques heures, Sarkozy va rendre public son programme et les e-militants UMP inonderont les réseaux sociaux de louanges quand leurs homologues du PS sortiront les Vuvuzelas numériques pour bouder. Dans cette course aux UBM (unité de bruit médiatique) cette surenchère aux "vues" et aux "like", nous rappellerons simplement en regardant les courbes d'intérêt qu'ils s'égosillent pour bien peu. 32% d'abstention programmée au premier tour, 75% des français jugeant la campagne d'une vacuité sidérale. Et qu'avec sa petite web série peu regardée, Mélenchon fait de très loin la meilleure campagne. La raison ? Il fait de la politique. Or, les 75% de française désabusés se plaignent précisément que la campagne ne parlent pas de politique. Or, à 99% les e-militants pratiquent la casse ou l'encensement de postures et mots valises. Ils appliquent sur un média pourtant censé être libre le même carcan, les mêmes cases que l'on retrouve dans les médias mainstream qui, précisément, ennuient les français. Pourquoi Mélenchon est-il le seul à parler du renouveau des services publics ? Du besoin de renationaliser, de contraindre le capitalisme, de bouger les lignes écologiques en changeant les règles du jeu pour les pollueurs ? Il est seul. Si Hollande prenait ces risques, il plierait Sarkozy. Pour cela, il faudrait un peu former ses e-militants, à part Guillaume Bachelay, pour les 20 minutes où je me suis égaré pour observer la "war room" ont une culture politique proche de celle de Frank Ribéry.

Surtout, là où le e-militant est une engeance néfaste pour la démocratie, c'est dans la mesure où il joue précisément sur un terrain restreint et à ce qu'il tient à ce qu'il le reste. La toile est ouverte à tous, certes. Objectivement, les abstentionnistes sont ils sur Twitter et suivent ils les pauvres mots des pseudos influenceurs ? J'en doute très fortement. Les 15 millions de français finissant leur mois à 50 euros près suivent ils des "feed news" ou des fils facebook ou twitter pour voir ce qu'il faut penser ? Je crains également que non. Ces types là, avec leurs cellules ripostes et contre ripostes, ont déployé une énergie prodigieuse, coûté du pognon aux partis, emmerdé tous qui se baladent sur la toile et tout cela pour ne pas déplacer un vote. Ca donne des envies maoïstes, rouvrir des camps de rééducation où on les enverrait faire un service civique non numérique pour les obliger à se coltiner la réalité sans avatar. Ca pourrait en effrayer beaucoup. Ca pourrait également donner envie à certains de s'engager. Vraiment.

01/04/2012

Adieu la Reine, le peuple t'aimait pas bien.

Unknown.jpegOn ne parle que de lui en 2012 et pourtant on ne le voit jamais. La rumeur ? Raté, le peuple. Plein les librairies, les discours et les programmes, on le coupe au montage quand il défile, revendique ou s'égosille. Pourtant, les impétrants des grands partis continuent de se réclamer de lui. Quand notre roitelet se veut le candidat du peuple, on confine au grotesque... et ça ne date pas d'hier.

Cette prétention du souverain à savoir ce qui est bon pour le peuple à sa place est le point de départ du film de Benoît Jacquot, "Les Adieux à la Reine". Sur le film en lui même, pas tant que cela à dire. Un bon film tel qu'on sait faire en France.

Belles images, souci du détail jusque dans les reliures des livres, casting impeccable avec cinq sociétaires de la Comédie Française et tout une pléiade de comédiennes (les comédiens sont moins présents) au diapason, Léa Seydoux, Diane Kruger et Virginie Ledoyen. Au-delà de l'habileté de la caméra, le film fait mouche grâce à l'habileté du scénario. Un peu comme pour "The Queen" ou Stephen Frears ne nous raconte pas Diana, c'est le décentrage qui compte. Là, voici la prise de la Bastille vue par le Petit Trianon... L'information ne parvient pas de suite, Internet étant défaillant alors et surtout, le téléphone arabe donne des versions rocambolesques et contradictoires. Heureusement les écrits restent et le libelle inscrivant les 246 têtes à écrémer pour refonder le royaume inquiète Versailles...

Inquiète, le mot est faible. Les riches fuient, emportent jusqu'au pendules en or pour assurer l'avenir. Seuls certains irréductibles au premier rang desquels Louis le 16ème tiennent bon. La pensée du bon Louis est de ce point de vue éclairante sur ce qui traverse l'élite d'un pays et vaut sans doute encore en 2012. Ainsi, Louis confie à Antoinette: "Vous ne savez pas l'idée stupide qui m'a été rapporté par Monsieur de Bailly? Le peuple ne veut pas seulement du pain. Il veut gouverner... Moi qui ai toujours cru que le pouvoir était une fatalité qui vous tombait dessus, la disgrâce sous un manteau d'hermine" (bon, c'est de mémoire, que les puristes du scénario du film m'excusent...).

Pour cela aussi, le film de Jacquot est réjouissant. On aime tracer des passerelles de l'une à l'autre époque. Le film évite le quart d'heure de trop, mais l'action n'est pas haletante au point que l'esprit ne puisse divaguer. Et certaines ressemblances sont troublantes, notamment dans la vanité de la vie de Château "on dit que le marquis a un château superbe, mais il vit ici dans un trou à rat depuis dix ans pour apercevoir le roi deux fois la semaine". Comment ne pas penser à la cohorte de suiveurs qui s'époumonent dans les arcanes du pouvoir à la recherche d'un colifichet ou d'un sous secrétariat d'Etat ? 

Le film s'achève le 17 juillet 1789 et alors, le pouvoir a peur car les têtes peuvent tomber. En 1871, le pouvoir a aussi pris peur et en 1968, même si l'on se représente souvent une vaste blague, une révolution d'opérette, force est de constater que les bourgeois ont eu le trouillomètre à zéro. Ils priaient pour que le général mettent au pas ces jeunes dégénérés. Depuis 1968 plus aucune barricade ne s'est dressée en plein Paris, elles se sont exilés dans nos banlieues déshéritées, en 1983 ou 2005. Mais la trouille n'habite plus les faubourgs bourgeois. Reste alors à défiler par centaines de milliers et voter par millions pour le candidat du peuple, celui qui n'est pas vraiment candidat mais porte-parole d'un mouvement. Alors, peut être aura t'on une autre réponse que "s'ils n'ont pas de pain, qu'ils mangent de la brioche".

Voilà, en attendant, on peut couper le poste où l'égalité du temps de parole vomit une cacophonie programmatique excédante et prendre des romans. "Le rêve de l'homme lucide" (Buchet Chastel) de Philippe Ségur constitue un fidèle allié en ce dimanche ensoleillé.