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30/03/2012

Hissez haut, Tonycello !

mini-tonycello_lightbox.jpgLectrices, lecteurs, à vos agendas ! Je commence ainsi, comme ça pas de malentendu, je vous explique ensuite, mais d'abord réservez vos dates : tous les week-ends du 28 avril au 1er juillet, tous les samedis et dimanche à 18h, donc, un spectacle humoristique se tiendra à l'Aktéon, théâtre du 11ème. Voilà c'est dit.

Donc par exemple le 6 mai si vous cherchez un moyen d'échapper à l'attente inexorable de l'arrivée des résultats, vous allez vous détendre là bas et en sortant, vous buvez des coups. A 20h les résultats sont officiels et vous buvez derechef. Quel que soit le résultat d'ailleurs, que vous soyez soulagé ou inconsolable...

Tonycello c'est le spectacle d'un homme seul sur scène. Seul avec un violoncelle, sa maladresse calculée, son panthéon de chanteurs et chanteuses (Brassens, Boby Lapointe, Barbara, Eric Toulis et autres)... Seul avec sa verve, sa malice Buster Keatonienne et ses silences gourmands. Le spectacle est sous-titré "chansons pauvres à rimes riches" et la richesse du texte et de l'envie de partager de l'interprète infuse la salle. J'y suis allé cette semaine à l'Entrepôt avec ma mère, nous jouxtions des étudiantes et devant nous des couples chenus : tous riaient à gorge en attente de coups de rouge, donc bien ouvertes. Car la finesse, l'ironie, la dérision, tout cela n'a pas d'âge. Tonycello n'est pas un "comique générationnel" et c'est pour cela qu'il nous touche. Il chante l'amour, ne fait pas de politique et il aime Limoges. Que des choses universelles, en somme.

En une heure, il nous mène vers les larmes de rire autour d'un cours de guitare/violoncelle jusqu'aux larmes d'émotion dans une reprise des passantes de Brassens (http://www.youtube.com/watch?v=l4Q7urIVYAE) avant de finir en bon potache, avec une chanson hommage à l'album de la comtesse, emplie de calembours. 

En ces semaines un peu lourdes, si vous êtes franciliens, une heure de légèreté absolu ça n'a pas de prix. Le spectacle en a un pour qu'il reste vivant l'artiste, mais c'est modeste. Modeste je ne le suis pas toujours, c'est sans doute pour ça que j'y retournerai et comme l'union fait la force je vous attends pour qu'on y aille en groupe ; le programme éclusatoire d'après spectacle reste de mise...

Mais je ne veux pas verser dans le panégyrique sans apporter de preuve, je vous la donne en images. En 4 minutes, on perçoit un peu mieux l'univers du jeune homme:  http://www.youtube.com/watch?v=PIlMgXTV8Og 

Au plaisir de vous y retrouvez, on partira quelques uns et par vos prompts renforts on blindera la salle en arrivant à bon port. 

25/03/2012

La fan s'y collle...

Unknown.jpegRude est la charge car ce livre se voulait ode. Chanson de geste inachevée. Les flèches issues des carquois de Plenel, de Bayrou et autres s'esquivent car on en connaît la trajectoire, mais celle de Catherine Nay, à cause du vent mauvais de l'histoire sans doute, ne peut se parer. Elle voulait s'adresser aux contempteurs du quinquennat de Sarkozy, Hollande en tête, mais avec une maladresse insigne, elle revient se planter dans la nuque du Président pour mieux l'assassiner.

Le livre retrace cinq années de règne par le menu. Nay a pris des notes au fur et à mesure des mois et nous les retranscrit comme un nouveau né vomit son lait qui ne passe pas. Car Nay ne s'y retrouve pas elle même et se refuse à chercher une cohérence dans tout ça. On apprend qu'Hortefeux à été l'homme de l'ouverture, allant chercher Kouchner, Bockel et même Jack Lang (rien que pour fréquenter ce type, tous devraient être rayés des listes à Solférino m'enfin c'est leur problème) avant d'être le même qui sera celui de la fermeture. A quoi bon créer un ministère des droits de l'homme pour prononcer le discours de Grenoble qui rappelle la prééminence de l'homme sur le rom ? Tout y passe : fiscalité, éducation, religion (ha, Latran) et surtout politique internationale. Impossible, en suivant le récit de Nay de comprendre ce qui se trame dans les "six cerveaux" de Nicolas Sarkozy comme le dit sa nouvelle épouse. Peut être s'il n'en avait qu'un serait-il mieux rangé... Voilà pour la partie politique. 

Le livre en lui même: première surprise et elle est de taille, c'est extrêmement mal écrit. Bâclé. On trouve du style oral partout, chagrin pour un livre politique, d'autant plus quand il s'agit d'interjection de cour d'école "et tac", "bam". Etonnant de la part d'une journaliste dont l'élégance de la plume peut valoir celle des tailleurs, son "le noir et le rouge" sur Mitterrand était un modèle de phrases admirablement tournées. Là, elle a rendu son opus au dernier moment, demandé qu'on gonfle la police pour donner à l'objet un air de gros livre mais c'est assez creux. Le faux-filet est délicieux, le faux-pavé est filandreux.

Seconde surprise, son manque de discernement. La neutralité n'existe pas, mais la volonté de contourner les évidences confine au grotesque. Des pages interminables de défense du bouclier fiscal qui n'aurait été, au final, qu'une "erreur de communication alors que fiscalement cette réforme était juste, notamment parce qu'elle profitait aux travailleurs" font que la journaliste n'est plus audible. Tout le livre est rédigé avec une telle détestation de la gauche qu'on en vient à souffrir pour Catherine Nay. Le plus bel exemple se niche dans une note de bas de page. Commentant la branlée phénoménale des municipales, Nay trouve le moyen de sauver Juppé et surtout Wauquiez, plein de talent qui a conquis le Puy en Velay au premier tour et là, la note de bas de page vaut son pesant de cacahuètes: "contre la mère de Bruno Julliard, ancien dirigeant de l'UNEF toujours prêt à faire de l'obstruction contre le gouvernement", l'intérêt de la notule ? A part se payer un socialiste ? Madame Nay vous tombez bien bas...

Sinon, on a le droit à d'interminables bruits de chiottes sur Cécilia et Carla, "Parolière inspirée au vocabulaire subtil, elle est douée. Elle n'est pas une cantatrice qui envahit l'espace sonore". On sent la lave qui se retient. Dommage. On peut sauver une belle formule, qui reste malheureusement anonyme "Sarkozy n'est pas un bon chasseur, il blesse l'animal et s'en va tirer ailleurs. Chirac, lui, abattait d'un coup, assistait aux obsèques et consolait la veuve". Onctueux. Hormis celle-ci, le livre étant rempli des confidences de proches incultes, on s'ennuie ferme, chez l'impétueux.

L'autre problème, évident, c'est la distance avec le sujet. Ou plutôt son manque. Elle est transie d'amour et d'admiration physique. Elle lui pardonne Jean et l'EPAD, quand le roitelet chute à Versailles en joggant on la sent proche de défaillir telle une pompadour de chef lieu de canton apprenant que son bienfaiteur a eu de mauvaises selles. Le plus grotesque est atteint avec la crise russe "il la résout avec son incroyable énergie, il n'a pas dormi pendant 24h de suite". Catherine Nay sait-elle que c'est le lot commun de tous les internes en médecines, de nombreux médecins qui doivent souvent opérer sans avoir vu un matelas pendant le même temps avec du café et Hippocrate comme tout réconfort ? Non, vraiment ridicule. Rien à sauver fermer le ban et le livre dont la conclusion est empruntée à Napoléon (encore) "la balle qui me tuera portera mon nom" Nay croit donc que la gauche ne peut abattre Sarkozy et qu'il se liquidera tout seul, espérant que les français empêcheront ce drame...

Au final, il ressort de ce livre à peu de choses près le diagnostic que formulait Emmanuel Todd en 2007 : "Sarkozy ne peut pas être un bon président car il fou et incohérent". Pour le premier thème, laissons les autorités compétentes juger mais pour le second l'histoire l'a fait. Et c'est manifeste... "L'impétueux" se voulait une hagiographie. C'est sans doute pour cela qu'elle achève le monarque. Quand vous allez chercher un grand photographe pour vous tirer le portrait et que le résultat vous chagrine, n'en déduisez pas forcément que le photographe ne connaît pas son métier...

22/03/2012

Repenser l'impôt

3ebbb5d21dd4e2b430f5b7bbd25a608f-300x300.gifJ'étais rentré dans la librairie pour acheter "Notre Dame de Paris" et suis ressorti comme d'habitude avec une pile. Du Hirschman et du Sen, mais aussi outre Hugo "Absurdistande Gary Shteyngart; comme une envie de romans. Et puis en repartant vers la caisse, un sous-titre happa mon regard "vers une éthique du don démocratique". Pas mal, je relève "Repenser l'impôt". Ha ? Mauvaise pioche, encore une ligne pour l'auteur, Peter Sloterdijk; je pousse jusqu'à la 4ème de couv' et ne le lâche pas. Je sens qu'il faut que je lise ce livre. Vraiment falloir, d'urgence. Un livre qui pense la crise profondément, pas un technicien, un philosophe. 

Surtout, le cocktail de sa thèse couplée à sa personnalité m'intrigue. Car Sloterdijk se réclame d'une gauche qui dépasse une sociale-démocratie morte, se méfie d'une gauche radicale mal en point, mais veut réenchanter l'horizon à gauche. Pour ce faire, il appelle une révolution fiscale permettant aux citoyens d'opter pour les causes qu'ils souhaitent. La dernière fois que j'ai entendu une idée analogue c'était aux micros de France Inter et l'auteur de la saillie était... le baron Seillière. En gros, le propos de l'hériter Wendel était de dire "mes impôts sont très mal utilisés en France, nous finançons l'assistanat et n'encourageons pas le travail. Permettez moi de décider où vont mes impôts et je donnerai plus". De Wendel à Marx, il y a un pas... Et là où Sloterdijk est grand, c'est dans sa capacité à nous emmener à le franchir. 

Le constat historique de Sloterdijk est crucial pour ne pas le comprendre de travers. Il remonte au XIXème siècle, quand la Reine Victoria instaurait une taxation sur les revenus à hauteur de 3% en se demandant si elle n'allait pas trop loin. Il faut repartir de là, nous dit Sloterdijk pour comprendre les riches actuelles qui migrent comme jamais devant les menaces fiscales (et il parle depuis Berlin ce qui permet de relativiser le "miracle allemand") " Actuellement, les riches sont encore une classe et pas une espèce, mais ils pourraient en devenir une si l'on n'y prend pas garde". Sloterdijk ne défend pas les riches, loin s'en faut, il avance juste que l'impôt actuel ne résoudra rien. Pas construit ainsi avec des mécanismes de captation anonymes. C'est là grande ligne de force du livre: nous sommes passés d'une féodalité où l'impôt était absent pour beaucoup et imposé à une minorité à une néo féodalité où l'impôt ne concerne pas la majorité, mais surtout où l'utilisation de cette captation est invisible. Qui peut en effet prétendre qu'il perçoit bien la matérialité de ses impôts ? Ceci finit par créer un certain découragement par les plus fortunés. Pendant ce temps, ceux qui pourraient être chargés de changer les choses pensent en techniciens plutôt qu'en politique. Après les 120 pages d'essai initial, Sloterdijk livre un certain nombre d'entretiens et il faut lire la violence avec laquelle il assassine les Greenspan et consorts en évoquant leur caractère pusillanime. "Au fond, les hyper riches se détachent de cette accumulation pour aller vers la reconnaissance. La crise que nous connaissons, crise de la crainte devant la fin de l'accumulation, est symptomatique des petits-bourgeois". Il distille alors ces flèches contre les petits bourgeois qui n'ont que le divertissement à proposer pour échapper à une politique qui leur échappe. Et là, la logique du don démocratique prend sens: réintéresser le citoyen à la vie de la cité en lui permettant de se sentir part de l'effort collectif. Il cite à l'envi Gates et Buffet, ces américains qui en plus de leurs impôts, acceptent de donner un "impôt des âmes". Sur le papier, c'est merveilleux !

Là où je ne suis plus d'accord avec Sloterdijk, c'est que je ne crois guère à une gestion harmonieuse de ces dons démocratiques. Certes, comme nous dit Sloterdijk, l'éducation en sortirait grande gagnante. C'est d'ailleurs le cas aux Etats-Unis et pour quel résultat: les grandes facs ont encore plus de blé... Surtout, 43 millions d'américains ont besoin de tickets alimentaires pour parvenir au premier des droits de l'homme comme l'avait dit Chirac: manger. C'est là limite du don: Sloterdijk est rousseauiste, il pense qu'un don démocratique peut se mettre en place et que vertueusement, les citoyens concernés affecteront la fortune aux causes qui ont besoin. En réalité, et l'expérience le prouve, ils investissent dans des causes qui leur permettent d'affirmer leur besoin de reconnaissance sociale et cela ne cadre pas nécessairement avec les besoins de la société. La justice, la sécurité, la santé des plus anciens par exemple, sont trois domaines qui sont peu soutenus alors même que fondamentaux pour un bon "vivre ensemble" comme disent les publicitaires. 

De la même façon qu'il existe des bonnes périodes pour imposer le socialisme, je crois que Sloterdijk oublie qu'il existent de bonnes périodes pour imposer une éthique du don : lorsque les inégalités sont faibles. Or, elles sont en explosion depuis trente (pour les pessimistes) à dix ans. Ce n'est donc pas l'heure. D'abord, une réduction drastique des inégalités avec une coercition à cette espèce en devenir -les riches - de contribuer à une cité à qui ils doivent tout. Et ce, ça passe par un renouvellement de ces "petits bourgeois" politiques qui, tout comme les cochons, plus ils sont là, plus ils deviennent c...