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23/08/2012

Capital immatériel des monuments : un trompe l’œil posé sur un libéralisme crépusculaire.

 

photo-tour-eiffel-34.jpgParfois, dans les voyages, il y a des creux. Après des heures de marche en montagne, le corps implore du repos et l’esprit ne veut pas se concentrer sur quelque chose d’exigeant comme Faulkner. Pour peu que la chambre d’hôtel dispose du wifi, quoi de mieux que de se perdre dans les infos de l’été, les plus loufoques, les plus inutiles donc les plus savoureuses, avant l’avalanche de déclarations fracassantes de la rentrée politique. Parmi ces histoires, une a particulièrement retenu mon attention : cette étude d’un ineffable cabinet de conseil avançant que la valorisation des monuments européens dépasserait les 700 milliards d’euros. Bon. On peut gober l’info sans broncher, s’étonner du prix pour sa modicité (puisque « ça n’a pas de prix) ou son caractère fou. On peut vitupérer, s’exaspérer ou autre, mais surtout ne jamais perdre le fil face à ce genre de dépêche inepte : à qui profite le crime ? Bah oui, pourquoi diable a-t-on fait plancher des consultants facturant 2000 euros par jour pour produire une étude dont les résultats, d’emblée, n’intéresseront personne puisque ces monuments ne seront jamais à vendre ? On n’imagine pas le Qatar acheter le Colisée pour plus de 100 milliards d’euros (la Tour Eiffel est à plus de 400, record absolu cocorico)  alors que la gestion du site touristique rapporte poussivement quelques millions d’euros par an. Ca ne fait pas sens. Le capital immatériel calculé avec des algorithmes scientifiques (un peu comme pour les sondages, tous les empereurs du pipeau aiment à vendre un emballage scientifique) se fonde sur la réputation, la notoriété, le réseau, l’attractivité et sans doute la température au sol et l’ascendant zodiacal de l’architecte et autres données à la scientificité éprouvée…Ne discutons pas plus le bien fondé de l’enquête, c’est une impasse. En revanche, les motivations ayant poussé à pareille commande me semble digne d’intérêt. Je dis « les », mais je n’en vois qu’une. Pour une Europe qui ne veut pas remettre en cause son libéralisme échevelé, que reste-il comme solution à court terme fors l’identité, le patrimoine, l’histoire ? Ce pour quoi les touristes du monde entier affluent chez nous. Voilà ce que nous apportons au Mont de Piété du grand commerce mondial. Pour rassurer les marchés, les agences de notation et autres bailleurs, leur prouver que contrairement à ce que disent les journaux, tout va bien, on peut encore se refaire en vendant les bijoux de la reine. Et pour solde de tout compte, on nous offrirait cette somme équivalent par un heureux hasard à des plans de sauvetage des banques. Dans le cas de la France, la seule vente de la tour Eiffel nous ôterait 20 % de la dette. Magique, nous nous éloignerions de la zone rouge et pourrions continuer le business as usual sans jamais s’interroger plus lourdement sur le caractère subclaquant du libéralisme. Voilà à mon sens une tentative de donner un nouveau narratif à l’histoire trop heurtée de cette économie démente, mais on en voit trop les câbles pour y croire. Seuls les enfants, ceux qui ne veulent pas s’informer, ou ceux qui font semblant de trouver cela normal car ils ne veulent surtout rien changer à l’ordre dominant actuel peuvent croire de pareilles fadaises. Il faut relire cette notule du capital immatériel des monuments comme la fable où d’un libéralisme crépusculaire demandant un ultime shoot Je dis ultime, j’espère parce qu’après quoi ? On mettra en vente le patrimoine immatériel d’une nation selon l’espérance de vie de ses habitants et le niveau d’éducation, la fraîcheur des organes disponibles ? La pente est savonneuse, camarades….

 

A l’évidence, le changement programmatiquement annoncé n’aura pas lieu (ce qui n’était pas dur à deviner n’en déplaise à Laurent Binet, amateur de Mélenchon qui a voté Hollande après avoir entendu un discours du Bourget où il a entendu la voix de la réforme…) et lorsqu’il finira par arriver, sous la contrainte, espérons que ce soit autour de forces animées de common decency et d’utilité sociale. Pour l’heure, il nous reste la ville de Faulkner pour relativiser la noirceur…

 

20/08/2012

Le Hmong errant, après le touriste

black_hmong.jpgQuelle richesse, quelle diversité de paysages au Vietnam. Après les plages, les villes, les sites archéologiques, nous voici dans les montagnes de Sapa. Là, nous arrivons dès potron minet (dont l'amoureuse m'apprend que l'on disait originellement "potron jacquet" en référence aux écureuils qui s'agitaitent à ces heures avant d'être remplacés par des chats d'où l'appellation actuelle) sur les hauts plateaux et voyons aux côtés des vietnamiens et des touristes, des centaines de filles et de femmes vêtues de noirs avec des sortes de guêtres aux pieds et d'étrangers paniers au dos. Les fameux Hmong.

Peuple des montagnes très pourchassé dans l'histoire, notamment par les Chinois, ils sont l'objet d'une vindicte encore farouche de la part des vietnamiens qui leur tienne rigueur d'avoir servir les français puis les américains. Dis comme cela, on les prendraient pour des traîtres à la patrie. Mais outre qu'ils ne sont pas vietnamiens (et ne le parle pas forcément) c'est avant tout un peuple vivant dans un dénument extrême qui s'est contenté d'aider ceux qui pouvaient les nourrir.

Aujourd'hui que les tensions politiques sont moins vives, les Hmong ont quelques terres où ils ont le droit de résider, même s'ils ne sont pas les bienvenus. Nous avons vu la police les rudoyer avec une vigueur qui effraierait les types de la BAC quand ils font une descente dans les quartiers. En tant que touristes, nous représentons la seule source de revenus des Hmong et ils nous sautent littéralement dessus quand il nous voient passer. Nous étions accompagnés d'un guide, Red Dzao (une autre minorité), mais contrairement à l'écrasante majorité des peuples montagnards, elle a appris l'anglais et en a fait son job comme guide de montagne. Dans le village, une dizaine de femmes plus ou moins jeunes (les hommes proposent des tours à moto aux touristes pour les meilleurs, les pires passant leur temps à boire) nous approchent et ne nous quitterons pas avant le déjeuner soit plus de 3h à marcher à nos côtés dans des montagnes boueuses et glissantes (surtout pour nous, elles sont d'une agilité prodigieuse). Là, au déjeuner c'est un concert de jérémiades pour que nous acceptions leur produits artisanaux dont à vrai dire, nous n'avons pas grand chose à foutre... L'amoureuse me jete un regard noir : elles nous ont suivi pendant 3h, parfois aider à franchir les rivières (pas moi, je suis têtu comme un buffle. Encore que, on a croisé un vrai buffle et je l'ai laissé passé le premier, pas uniquement par politesse) et nous les laisserions partir sans une obole ? Va pour un superbe petit sac multicolor...

Sur la route du retour, notre guide nous montre des écoles primaires, fréquentées également par les Hmong, mais pas les collèges. Les parents Hmong trouvent que c'est une perte de temps et qu'il vaut mieux essayer de vendre des bracelets ou aider à la récolte du riz. Elle nous narre également ces pratiques d'un autre temps, mais malheureusement actuelles comme le kidnapping des filles par des jeunes hommes qui vaut mariage car quand bien même elles récuseraient le mariage, les autres hommes Hmong, la jugeant déjà mariée, ne la prendrait pas...

Il y a sans doute une part de responsabilité de ces quelques millions d'habitants qui refusent d'évoluer et notamment de s'en sortir par l'éducation. Néanmoins, à voir ce à quoi la modernité les réduit, errer après les touristes, on en vient à penser aux peuples qui ont le plus souffert dans l'histoire. Dans nos manuels scolaires, on nous parle beaucoup (et à raison) des juifs, plus récemment des arméniens et des palestiniens. Il n'y a jamais une ligne pour ces millions de pauvres hères qui souffrent depuis des millénaires et n'ont jamais obtenu leur tant désiré Kurdistan. Mais il n'y a pas une virgule non plus sur l'absence de Hmongistan. Aussi, aujourd'hui comme hier, les femmes vêtues de noir poussent leur rocher comme Sysyphe, mais contrairement à Camus, je ne vois pas quel renversement philosophique permet d'imaginer les Hmong heureux.

Demain, nous marcherons encore longuement, la croisière sur la baie d'Halong se mérite...

17/08/2012

Premières choses vues au Vietnam

Hoi-An-guide-vietnam.jpgLes deux premières gifles reçues en arrivant au Vietnam en août sont les mêmes pour tout le monde : la fatigue liée au décalage horaire et celle due à la chaleur, voire à la touffeur du pays. Ensuite, les premières images qui se greffent dans votre mémoire sont celles de flots intarrissables de motos, scooters et autres improbables deux roues motorisés qui se meuvent en mépris total du code de la route et de la bienséance. Pour autant, je n'ai vu qu'une anicroche, mais pas d'accidents ce qui, quelque part, défie les lois de la physique et donne envie de croire à une espèce d'intelligence collective de la régulation. Renseignements pris Saïgon (je sais c'est Ho Chi Minh Ville, mais tout le monde sur place dit toujours SaÏgon) compte quelques 5 millions de 2 roues pour une population de près de 10 milllions, le double d'il y a une quinzaine d'années ! Le calcul me semble étrange eu égard au fait que parfois sur les cycles on retrouve 3 voir 4 passagers... Parfois à contresens, souvent téléphonant, mais toujours klaxonnant pour prévenir. Bon. Renseignements repris, il semblerait que les accidents soient légions sur les routes et les résultats pas beaux à voir, on vous manipule pour vous mettre hors circulation et vous pose pudiquement un carton dessus en attendant l'arrivée des secours...

Hormis cela, et cette énervante manie qu'ils ont de remplir les trottoirs de marchandises et autres scooters rendant la marche très périlleuse, le Vietnam est un pays qui m'a conquis. Pour ses paysages, ses sites historiques, l'incroyable finesse et la très grande diversité de sa gastronomie (bien plus dans les deux cas que la cuisine chinoise) bien sûr. Contrairement à ce que j'ai pu lire ou entendre avant, je ne trouve pas les vietnamiens particulièrement durs. C'est un peuple de résistants qui ne se laissent pas marcher sur les pieds et qui ne vous laisse pas aisément traverser, mais pour peu que l'on y mette un peu du sien et qu'on accepte de payer une légère white tax (pas démesuré, 10% quoi) les choses se passent très bien. Le sens du service est si incroyable que c'en est triste rapporté au prix des choses. La concurrence est si vive que les prestations de livraisons à domicile (pour les tailleurs de fringues par exemple, au milieu de la nuit) sont de coutume et autre. Même un hôtel tout à fait banal vous propose d'aller vous chercher à la gare de vous ouvrir de quoi vous doucher avant votre avion et autre, toute chose impensable en France...

Sinon, il faut bien reconnaître que la vitalité du pays est aussi un mot pudique pour parler de l'absence de modèle social. Quand vous vous prélassez sur une plage et que de charmantes octogénaires trimballent des poids trop lourds pour elle chargés de fruits, ce n'est pas par plaisir, mais par absence de retraite... Le salaire minimum ici est de 2,2 millions de dongs, environ 100 euros, et à ce prix là, aucune chance d'avoir une vie décente. Une grosse partie de la population touche ces salaires là (et pour cause, pas de chômage non plus...) et cotoie dans la rue sans que cela suscite les violences brésiliennes, la middle class émergente qui pianote sur leurs Ipad. La raison du calme est l'omniprésence du politique avec des militaires jusque dans les boîtes de nuits (dans l'état où j'étais cela ne m'a pas inhibé) mais cela, j'y reviendrais dans une prochaine note. Parce qu'un régime pareil avec la mention communiste, il y a beaucoup de choses à dire, ce que je ferais sans doute après mon détour par les montagnes de Sapa et la Baie d'Along...