14/01/2013
L'indécence précède le sens commun
Les cons ça ose tout, c'est à ça qu'on les reconnaît. Les ordures aussi. La plupart du temps, je hausse les épaules mais leur obstination à m'adresser des messages dégueulasses ont fini par me faire imploser.
Depuis plus d'un an, ma boîte mail historique est spamée à l'envi et je reçois tout un tas d'alertes sur ma boîte gmail, puisque, merveille du capitalisme linguistique, google informe les publicitaires du monde entier que les maisons de retraite font partie de mes centres d'intérêts. Pour des articles et un livre chez Autrement ("La vieillesse ? A inventer" ceci est une mise en abîme du spaming, pardon), certaintement pas comme le pense l'annonceur, pour investir dans les maisons de retraite afin de maximiser les profits de mon placement initial.
Je m'en voudrais de travestir ou alourdir ce message puant, donc je le reproduis ici in extenso.
Objet : Information concerant votre investissement et votre défiscalisation
Produit : L'EHPAD
Date :Janvier 2013
Madame, Monsieur
tout d'abord nous vous présentons nos meilleurs voeux de réussite et de santé pour cette nouvelle année 2013
Savez-vous ce qu'est l'EHPAD ?
Les EHPAD : Etablissement d'Hébergement pour Personnes Agées dépendantes sont aujourd'hui un des investissements les plus rentables et les plus sur dans l'immobilier.
Mieux qu'une défiscalisation, l'investissement dans un EHPAD est aujourd'hui le meilleur moyen pour se constituer une retraite complémentaire non fiscalisée.
Les EHPAD sont en plein essor et la rentabilité moyenne est une des plus élevée.
5 Bonnes raison d'investir en EHPAD :
1- La génération de revenus.
2- La préparation de la retraite.
3- La diminution de l'imposition
4- La constitution d'un patrimoine
5- La tranquilité de gestion.
Au niveau fiscal, l'investisseur bénéficie d'une réduction d'impôt de 11% étalée sur 9 ans et plafonnée sur 300 000€ d'acquisition par an, ou d'un amortissement différé : les revenus perçus seront non imposés pour un certain temps. Pour savoir si vous pouvez bénéficier de cette réd uction contactez nous IcI
Pourquoi les EHPAD sont en pleins développement ?
Les Etablissement d'Hébergement pour Personnes Agées dépendantes présentent une dimension à la fois médicale et sociale afin de faire face aux nouveaux enjeux de l'allongement de la durée de la vie sur le territoire Français. Il a réglementairement vocation à accueillir des personnes âgées de plus de 60 ans et en perte d'autonomie qu'ils bénéficient ou non d'une aide sociale accordée par le Département.
Parce que la durée de vie s'allonge, il faut prévoir aujourd'hui des établissements prêts à nous accueillir demain. En savoir plus Demandez nous conseils sans aucun engagement de votre part sur la défiscalisation EHPAD, contactez nous ici.
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Elle est pas belle la vie en France ? Depuis 10 ans, les principaux changements dans le classement des fortunes de France sont dus à deux types d'entreprises : les créateurs d'Internet et les patrons de maisons de retraite. Leurs fortunes sont les plus injustes, les plus iniques et les plus cyniques qu'on puisse imaginer puisqu'elles se font sur le dos de notre argent : le financement de la sécu et l'aide des conseils généraux avec l'APA (allocation personnalisée pour l'autonomie que les personnes âgées reçoivent et reversent intégralement aux établissements quand elles y séjournent). Pire, les dirigeants de cette fortune après avoir joyeusement pratiqué l'optimisation fiscale pour leurs groupes pratiquent l'exil fiscal à titre personnel comme le docteur Marian (groupe Orpéa) parti en Belgique ou d'autres partis en Suisse.
L'avancée en âge est évidement une chance et on vieillit bien mieux qu'il y a 50, mais sachant que la France va tripler son nombre de personnes de plus de 85 ans à l'horizon 2050, les besoins d'hébergements augmenteront mécaniquement. Or, les tarifs proposés par ces établissements lorsqu'ils sont privés étranglent littéralement les pensionnaires. Meilleure preuve : la durée moyenne de séjour. Supérieur à deux ans il y a une vingtaine d'années, elle dépasse aujourd'hui tout juste un an. Preuve que les familles placent leurs aînés en dernier recours dans ces maisons qui deviennent de plus en plus des mouroirs hors de prix ; on y rentre de plus en plus fatigués pour y rester de moins en moins longtemps.
Si les directeurs de maisons de retraites privées ne sont pas responsables de l'état de santé de nos anciens, il n'est en revanche pas logique que leur lobbying fiscal fonctionne à ce point. Ce d'autant quand les dirigeants politiques ont changé. Hélas, le PS a confié via notre ministre aux personnes âgées une mission sur le vieillissement à monsieur Luc Broussy récemment épinglé par le Canard Enchaîné pour conflit d'intérêt plus que manifeste. L'homme dirige un cabinet de conseils aux dirigeants de maisons de retraite en même temps qu'un groupe de presse spécialisée destinée aux directeurs de ces mêmes établissements. Ce, après avoir crée et longtemps dirigé le principal syndicats des maisons de retraites privées (debout la gauche) baptisé SYNERPA, syndicat dont il a depuis confié les rênes à ... sa soeur (qui elle au moins est cohérente puisqu'elle ne cache pas ses sympathies sarkozystes).
Le thème s'était invité dans la campagne présidentielle de 2007. Alors candidat pour la LCR, Olivier Besancenot avait poussé le slogan suivant "nos mamies valent plus que leurs profits", slogan qui fait écho à l'actualité malheureuse de cette nonagénaire expulsée pour impayée de loyers.
Monsieur Moscovici (par ailleurs ami proche dudit monsieur Broussy) aboyait qu'il allait mener la traque aux niches fiscales. Il semblerait comme souvent avec lui que son indignation soit très sélective lorsqu'elle attente aux intérêts de quelques uns. Reste quatre projet de loi de finances dans ce quinquennat donc quatre fois l'occasion de tenter de pousser ce thème sur le devant de la scène plutôt que de menacer la fiscalité du don aux associations qui reste menacée. Chacun ses priorités ou ses combats, en somme...
08:53 | Lien permanent | Commentaires (4)
12/01/2013
Un mâle pour un (très) bien
C'est entendu, on ne devrait jamais connaître les écrivains. Pas recommandables. Il ne faut pas être sain d'esprit pour vouloir rêver, commenter ou refaire le monde, au lieu de le vivre. Tout le monde n'est pas le narrateur gidien de Paludes qui peut se permettre de dire qu'il écrit Paludes parce qu'il n'a rien à vivre. Mieux vaut connaître des plombiers ou des serruriers. Ce qui fait économiser plein de sous lorsqu'une avarie technique survient, alors que les écrivains vous font dépenser de l'argent puisqu'il faut acheter toute leur production.
J'ai connu Erwan Larher ici même. Il commentait ce blog et, chose bizarre pour un écrivain, me dit que ce serait sympa de se voir dans la vraie vie. Nous nous découvrions, outre des affinités politiques, un amour commun pour la cuisine roborative et les vins charpentés. Soit. Quelques mois après, il publiait un premier roman qui me plu beaucoup, "qu'avez-vous fait de moi ?". C'est beau et simple dans ces cas-là. Je le félicitais, on trinquait et l'affaire était entendue. Cette connaissance devint un ami au moment où il publiait son second roman, "autogénèse". Un livre très ambitieux et plus long que le précédent où il mêlait polar, satire sociale, oeuvre d'anticipation noire et politique. J'étais beaucoup moins convaincu. Je trouvais qu'il avait perdu la légèreté mordante du premier. Les blagues sonnaient faux, le style plus gourd. Je lui dit pudiquement que j'avais préféré le premier et il ne répliqua rien, mais je voyais bien qu'il n'était pas dupe. Et voici déjà son troisième opus. Angoisse de la déception décuplée.
Car Erwan Larher écrit comme il boit, court, joue au squash ou aime sa femme : à fond. Il m'avait confié "maintenant qu'on m'a ouvert la porte, je l'ai bloqué du pied et je ne m'arrêterai plus". Les écrivains sont des êtres étranges et je dois être fêlé car j'en connais quelques uns. Aucun n'éprouve une telle jubilation à écrire qu'Erwan. C'est comme si noël revenait tous les jours pour lui d'être en résidence d'auteur dans un coin paumé de la France, dite "d'en bas". Il n'écrit pas pour meubler son temps libre ou parce que cela lui vient, ce n'est pas une tocade, mais une vraie passion.
Aussi, inutile de mentir, j'avais les foies pour ce troisième opus : peur qu'il s'entête dans le calembour ou dans la dénonciation systématique des travers de notre époque, oubliant la grande leçon de Stendhal "la politique dans un roman, c'est comme un coup de feu dans un concert". Le risque était grand puisque l'intrigue de son nouvel opus se déroule à une époque paroxystique des clivages, l'arrivée de Mitterrand (pas Frédéric).
Aimant plonger, je ne sais qu'on ne réussit ses plus beaux sauts de l'ange qu'à l'improviste. Aussi, alors qu'harassé par une journée de taff pleine de mauvaises surprises, je me disais que je lirai rien, je pris un bain avec Erwan Larher. Je ressortais la peau fripée, l'eau tiédie et les yeux encore alertes. Je donnais le coup de grâce au récit dans la foulée. De la grâce que je prélevais du livre... Qu'as-tu fait là Erwan Larher ? C'est comme si tu avais enlevé ces gants que tu portais par respect d'un protocole désuet pour mieux serrer la main à la littérature. Et ta poigne nue serre la gorge de Dame Littérature dès les premières phrases. Cette voix intérieure du narrateur claque comme un fouet. Elle hypnotise son lecteur qui demande mécaniquement "encore" et avance dans le parfait dosage de ces 225 pages. Rien à jeter dans "l'abandon du mâle en milieu hostile" dont on ne saurait rien dévoiler de l'intrigue qui se sépare parfaitement en deux hémistiches autour d'un turning point comme dirait le journaliste du Monde des Livres. Outre la surprise parfaitement scénarisée, le roman s'avale d'une traite pour l'histoire d'amour unissant un aspirant notaire et éminent représentant des jeunes libéraux dijonais et une punkette avides d'études de lettres. On passe avec une égale délectation du lycée avec ses exposés anxiogènes aux amphis de facs mouvementés, du salon de notables aux fosses des concerts de punk. La voix du narrateur porte partout avec une justesse réjouissante, tantôt cynique ou désabusé, tantôt exalté. On quitte le récit sans s'être jamais appesanti. La jaquette du livre montre un funambule au milieu du vide ; le livre refermé j'y vois l'auteur ayant traversé avec grâce le fil de son récit sans jamais tomber. Chapeau l'artiste.
Demain, nous resterons au chaud en préparant des slogans pour la manif du 27 et couperons les infos pour ne pas désespérer du genre humain en entendant Frigide Barjot et ses complices.
08:27 | Lien permanent | Commentaires (3)
10/01/2013
Roman pour tous !
Quand on publie un roman tous les dix ans et qu'on vit de cela, mieux vaut ne pas se planter. Jeffrey Eugenides est un cas à part et s'il enseigne désormais la littérature à la prestigieuse fac de Princeton, voilà un romancier qui depuis Virgin Suicides, son premier roman, pourrait vivre de sa plume. Son second opus, Middlesex m'avait flanqué une grosse gifle. Mon amoureuse me signala la parution, le roman du mariage. Afin de rester pur, je fonçais l'acheter et décidais de ne rien lire dessus avant de l'avoir fini.
Je mis un point d'honneur de gourmet littéraire à ne pas l'engloutir en 24h comme un livre Mc do, mais impossible de faire durer ce morceau de plaisir trop longtemps. Au bout de 3 jours à peine le merveilleux roman est avalé. Il faudra désormais attendre 10 ans pour le prochain... Mais comme pour certaines grandes bouffes, les souvenirs restent fort longtemps.
Les 50 premières pages sont bluffantes, mais est-ce bien raisonnable de s'appesantir là-dessus ? Tous les bons écrivains américains musclent leurs premiers chapitres à grands renforts du tuyaux appris en séminaire de creative writing pour le vendre à leurs agents et à leurs éditeurs, pour aider à fuiter dans la presse et aller vers leur succès. Il leur arrive malheureusment de se relâcher après... Les mauvais livres de Mc Inerney ou de Bret Easton Ellis ont toujours un excellent début, idem pour "extrêmement fort et incroyablement près" de Safran Foer qui reprend ce qui avait fonctionné dans l'excellent "tout est illuminé" avant de s'enfoncer lamentablement sans jamais redécoller.
Sauf que là, ledit chapitre a plus de souffle: en deux cents pages, il plante les trois personnages, tend entre eux les fils du triangle amoureux et ménage la suite. La suite est brillante, il y a parfois vingt pages molles (sur 550 ça s'appelle reprendre son souffle et c'est là où les critiques du Masque et la Plume ont décroché avant d'aller parler dans le poste) mais l'ensemble est saisissant de virtuosité. On suit Madeleine dans son choix amoureux complexe. On sent bien qu'elle le regrette avant même de l'avoir fait tout en étant, au moment où elle embrasse son élu, la plus heureuse femme du monde. Les soupirants sont parfaits de distance, de désir, de torture d'eux même ; d'humanité en somme. Maintenant que j'ai fini le roman, j'ai regardé ce qu'Eugenides en dit. Il dit que c'est un roman sur le passage à l'âge adulte ; l'expression me paraît un brin dénué de sens à une époque où cela ne veut plus dire grand chose tant les rites initiatiques se produisent souvent plusieurs fois (plusieurs mariages et enfants de différents lits dans une même vie). Et à chaque fois, l'auteur du choix estime qu'il passe à l'âge adulte et que son mariage et enfants antérieurs étaient "des erreurs de jeunesse". Là aussi, après tout on a des erreurs de jeunesse sous les yeux et de première fraîcheur.
Et puis il y a la magistrale évocation de la maladie de Leonard. Ce génie bipolaire dont il rend parfaitement (ce que je n'avais encore jamais lu) avec une égale maestria les phases maniaques et dépressives. En le lisant, on traverse littéralement la psychologie du personnage. On doute avec lui, jubile avec lui, craint et redoute avant d'espérer follement. J'ai rarement été aussi touché par la justesse d'une description de troubles mentaux. Il y avait un homme louche de Frnaçois Beaune entièrement centré là dessus puisque c'était le journal d'une personne malade mentale ; là, Eugenides arrive à fondre cela dans le roman et c'est encore plus grandiose puisqu'on a les deux visions du bocal (intérieur et extérieur). Rien que pour cela, il faudrait lire le roman du mariage. Mais on a parfaitement le droit de ne pas être sensible à ce type de douleur ou d'estimer que ça n'a pas sa place dans une oeuvre de fiction (il y a des établissements sanitaires pour ça). C'est pour cela qu'il y a tout le reste, les enfants, les parents, les études et le travail : pourquoi on tisse des liens, pourquoi on en casse, pourquoi certaines décisions semblent logiques, évidentes et on prend les autres ? Au fond, c'est peut être ça : un splendide roman sur le pourquoi de l'âge adulte. Eugenides ne juge pas ses personnages et leurs choix. Il aime trop la vie et la littérature pour cela.
08:30 | Lien permanent | Commentaires (0)